La Jordanie, peut-elle abroger le traité de paix avec Israël ?
Dans une interview publiée le 15 mai 2020 par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, le roi Abdallah II de Jordanie a averti que si Israël donnait suite à ses projets d’annexion de certaines zones de la Cisjordanie, cela conduirait à un « conflit massif » avec son pays. Le roi hachémite n’a pas exclu de rompre l’accord de paix signé le 26 octobre 1994 avec État Juif.
Suite aux avertissements du roi Abdallah II de Jordanie concernant un « conflit massif » si Israël poursuit son projet d’appliquer la loi israélienne à certaines parties de la Judée et de la Samarie, certains observateurs commentateurs et politiciens font référence à la possibilité que la Jordanie révoque son traité de Paix avec Israël.
Soulignons qu’un traité de paix, par sa nature même, n’est limité par aucun délai spécifique et ne peut être annulé ou révoqué, que par une déclaration de guerre ou par un acte d’agression de la part de l’un des signataires du traité. La base même de la relation de paix comprend la reconnaissance mutuelle de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de l’autre partie (article 2).
Dans ce contexte, il est fort improbable que la Jordanie veuille prendre une telle mesure. Un acte unilatéral d’Israël d’appliquer la loi ou la souveraineté à certaines parties de la Judée et de la Samarie, même s’il n’est pas favorisé par la Jordanie, ne constitue pas un acte d’agression contre la souveraineté ou l’intégrité territoriale de la Jordanie et, à ce titre, ne serait pas un motif de révocation du traité.
En outre, la question du statut de la Judée et de la Samarie, précisément l’article 3, exclue des dispositions de délimitation des frontières du territoire respectif. Dans ce contexte, la Jordanie ne peut donc prétendre que l’application unilatérale du droit ou de la souveraineté par Israël sur ces territoires constitue une violation du traité de paix ou un motif pour l’abroger.
Étant donné que le traité de paix signé entre Israël et la Jordanie détermine des éléments bilatéraux de base comme la délimitation de la frontière internationale (article 3), des accords sécuritaires (article 4), des relations diplomatiques et consulaires complètes ainsi que des relations économiques et culturelles normales (article 5), il semblerait pratiquement impossible de revenir soudain à des relations hostiles, à moins que l’une des parties ne commette un acte d’agression contre son voisin.
Certaines des composantes centrales de la relation de paix représentent des intérêts vitaux pour la Jordanie, tels que les allocations d’eau (article 6), les relations économiques (article 7), le rôle historique spécial de la Jordanie dans les sanctuaires musulmans de Jérusalem (article 9), la liberté de navigation et l’accès aux ports (article 14), l’aviation civile et les droits de survol, y compris le survol jordanien du territoire israélien pour atteindre l’Europe (article 15).
Annuler ou révoquer ces éléments vitaux ne servirait pas les intérêts de la Jordanie et provoquerait une instabilité du régime.
Selon l’article 25 du traité, les parties sont convenues de s’acquitter de bonne foi de leurs obligations sans égard à l’action ou à l’inaction de toute autre partie et indépendamment de tout autre instrument incompatible avec le traité de paix.
Si la Jordanie souhaite résoudre un différend avec Israël concernant l’application ou l’interprétation du traité de paix, l’article 29 établit clairement un mécanisme de règlement de négociation, de conciliation ou d’arbitrage.