La guerre Russie-Géorgie, les implications pour le Moyen-Orient

wikipedia-logo1Voila plus de deux ans et demi que Moscou se prépare soigneusement pour envahir la Géorgie.  Ses  objectifs ambitieux sont clairs :

–    Expulser les troupes géorgiennes et mettre un terme à la   souveraineté géorgienne en Ossétie du sud  et en Abkhazie.
La Russie prépare le terrain afin d’acquérir l’indépendance et l’annexion éventuelle de ces territoires séparatistes. Ainsi, ces objectifs semblent être sur la bonne voie pour être accomplis avec succès.
–    « Le changement du régime » – évincer le Président Saakashvili et installer à Tbilissi  un régime pro-russe. A ce stade, Moscou  semble avoir renoncé au renversement du gouvernement de Saakashvili, et compte probablement  sur le peuple géorgien pour le faire. La Russie poursuivra différentes opérations contre le dirigeant géorgien. Elle le poursuivra en justice pour génocide et crimes de guerre en Ossétie du sud, et fera un parallèle avec les procès de Slobodan Milosevic et Radovan Karadzic.
–    La Russie emploie tous les moyens pour contrecarrer l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN. Elle a envoyé également un message ferme à l’Ukraine en soulignant que son acharnement pour devenir membre de l’OTAN pourrait la conduire à la guerre et/ou à la déstabilisation et le démembrement du pays.
La Russie a réussi à attaquer un Etat considéré comme candidat potentiel à devenir membre de l’OTAN. L’attaque russe contre la Géorgie a déjà érodé l’égide de l’Alliance atlantique au sein de la communauté internationale, en dépit du fait que la Géorgie n’est toujours pas officiellement membre à part entière. Moscou a  utilisé la force contre ses voisins en plein jour et en toute impunité. Bien que la procédure d’adhésion soit en cours, des  voix s’élèvent en Europe, en particulier en Allemagne, pour dire que la dernière  guerre justifie leur opposition à cette adhésion.
Par conséquent, les chances de la Géorgie diminueront encore plus si le prochain  président des USA ne se mêlera pas au conflit.
Aujourd’hui, l’Ukraine est hautement solidaire avec la Géorgie et elle  a fait  un pas important pour limiter les mouvements de la flotte russe en Mer Noire, mais ce pays ne bénéficie pas d’un soutien local pour son adhésion à l’OTAN.

LES OBJECTIFS STRATEGIQUES DE LA RUSSIE A LONG TERME

 –  Renforcement du contrôle dans  le Caucase, spécialement sur la  stratégie de l’énergie des pipelines. Si un régime pro-russe est établi en  Géorgie, il est clair que les pipelines de gaz  et de pétrole de la région entière seront sous le contrôle exclusif de Moscou. Rappelons qu’Israël reçoit une partie de son approvisionnement en pétrole par l’un de ces pipelines et participe à l’exploitation du pétrole de la mer Caspienne.
Le Contrôle russe sur la Géorgie déborderait sur l’Azerbaïdjan et l’Arménie ce qui limiterait l’influence de la diplomatie américaine et compliquerait la donne en  cas  de confrontation avec l’Iran.
La politique musclée de la Russie revient à celle utilisée au 19ème siècle et les cibles  visées sont toutes des anciennes  républiques de l’ex-Union Soviétique et notamment les Etats baltes.  Les présidents de la Pologne, de l’Ukraine, de l’Estonie et  de Lituanie ont été certes solidaires à leur homologue géorgien mais toutefois, sans le soutien de l’Europe occidentale et des Etats-Unis, « la Nouvelle Europe » ne pourra, à elle seule, tenir tête à Moscou.
Les relations Russie- Géorgie demeurent les plus mauvaises parmi les anciens Etats soviétiques. Moscou attise les flammes de la séparation en Ossétie du sud depuis 1990, et elle a appuyé militairement les séparatistes en Abkhazie (1992-1993) qui est également une partie du territoire géorgien. Russie a voulu saper l’indépendance de la Géorgie et affirmer son contrôle sur les atouts stratégiques du  Caucase Sud.
En dépit des allégations concernant le statut de minorité opprimée, les dirigeants  des séparatistes de l’Ossétie du sud ont des affinités russes. Plusieurs ont servi dans les rangs du KGB, dans la police secrète soviétique, dans l’armée russe, et étaient membres du parti communiste soviétique. L’Abkhazie et l’Ossétie du sud,  sont devenus des satellites de la Russie, leur population est largement militarisée et s’appuie sur la contrebande.
L’utilisation des satellites n’est pas nouvelle et elle est similaire à la politique de l’Iran qui se sert du Hezbollah et du Hamas pour attaquer en permanence Israël.  Depuis plusieurs années, Tbilissi a essayé, en vain, de négocier avec ces milices en  leur offrant une solution négociable, y compris une pleine autonomie au sein de la Géorgie.
Au cours des dernières années, Moscou a accordé à la majorité des Abkhazes et des Ossètes du sud la citoyenneté russe et a agi à établir des liens économiques et bureaucratiques plus étroits avec les deux républiques séparatistes, en adoptant d’une manière plus efficace une annexion rampante des deux territoires. L’utilisation de la citoyenneté russe pour pouvoir gérer une population « protégée » d’un Etat voisin, sape la souveraineté de cet Etat et conduit dangereusement à une redéfinition des frontières de l’ex-Union Soviétique.
L’attaque russe du 7 août dernier en Géorgie a surpris Tbilissi, les Européens et Américains par leur férocité. Pourtant les services de renseignements des alliés ont averti la présence massive de   diplomates  et  militaires russes sur le terrain. Les résultats de la guerre en Géorgie sont plus désastreux qu’ils n’étaient  pour Israël après la Deuxième guerre du Liban en été 2006.
Dans un proche avenir, la Russie est susceptible de renforcer sa flotte en Mer Noire, et dans les  ports de Tartous et Lattaquié en Syrie, ainsi qu’un ancrage en Libye. Depuis plus de deux cent ans, la marine russe a renforcé sa  présence en Méditerranée et dans l’océan indien.
Au-delà de cela, la Russie démontre qu’elle peut saboter les déclarations américaines et de l’Union européenne en intégrant la communauté des Etats indépendants membres dans les structures occidentales tel que l’Otan.
En essayant d’accomplir un changement de régime en Géorgie, Moscou s’efforce également à prendre le contrôle du corridor de l’énergie et du transport qui relie l’Asie centrale et Azerbaïdjan avec la Mer Noire et les routes d’outre-mer – pour le pétrole, le gaz et autres produits de base.
La Russie est susceptible de déployer des missiles anti-aériens S- 300 modernes er de longue portée en Iran.

Le déploiement du bouclier anti-aérien  limitera les opérations éventuelles d’Israël ou des Etats-Unis visant à détruire, à retarder ou paralyser le programme nucléaire iranien.
La république islamique utilisera le système anti-aérien de longue portée  et celui de défense de courte portée de fabrication russe, considéré comme des meilleurs du monde, pour protéger toute son infrastructure nucléaire.
Ces systèmes sont capables d’abattre des avions, des missiles de croisière et des missiles balistiques.
Dans ce contexte, un bombardement préventif israélien –sans le soutien des Etats-Unis – serait trop risqué.
D’autre part, les nouvelles tensions Est-Ouest et le retour à la guerre froide renforcé par l’attaque de la Russie contre la Géorgie, ne pourront obtenir facilement l’accord de Moscou pour renforcer les sanctions et les pressions internationales sur l’Iran. La lutte diplomatique pour mettre fin au programme nucléaire deviendra beaucoup plus compliquée et plus difficile.
Les leçons de la guerre en Géorgie sont nombreuses et impliquent vigilance et prudence vis-à vis de la Russie. Il est clair que la puissance continentale russe se renforce et Israël ne devrait pas provoquer inutilement Moscou, tout en défendant, bien entendu ses propres intérêts de sécurité. Les petits Etats devraient traiter avec les grandes puissances armées et nucléaires avec un certain respect.
Provoquer une force militaire adverse comme l’Iran, serait  utile si nous sommes convaincus, par avance d’une victoire écrasante. Israël devrait compter sur ses propres moyens dissuasifs et se baser sr un renseignement efficace. Sur ce point, les USA ont échoué amèrement surtout dans le renseignement humain. Il est valable dans la lutte anti-terroriste et contre l’Iran.  La puissance aérienne n’est pas suffisante et l’expérience israélienne lors de la Deuxième guerre du Liban contre le Hezbollah en est une preuve flagrante.
La surprise et la rapidité des opérations demeurent toujours importantes depuis la nuit des temps. Depuis la première guerre du Golfe, l’information et la psychologie jouent un rôle considérable pour l’image des relations victime-agresseur et pour  accroître le soutien moral des troupes et surtout l’arrière.
En conclusion, la dernière guerre Russie-Géorgie indique que  l’équilibre des forces dans cette région a  bien changé au détriment des occidentaux. Face à la lutte américaine contre le terrorisme international notamment en Irak et en Afghanistan, la politique de l’Otan devrait être modifiée rapidement. Indépendamment du candidat gagnant à la Maison Blanche, Israël se dirige vers un environnement stratégique dans lequel la Russie pourra jouer un rôle plus important, en particulier dans les régions de la Mer Noire en  Afghanistan et dans l’ouest de la Chine. Enfin, les spécialistes en géopolitique prévoient d’importantes difficultés à l’Etat juif et  à toute la région.