La faillite de la doctrine Obama au Moyen-Orient
Barack Obama achève son mandat à la Maison Blanche dans un contexte international bien agité. Pour défendre sa politique étrangère, il a choisi de se confier à Jeffrey Goldberg, un journaliste juif né à Brooklyn devenu au fil des ans le confident du président américain.
Dans une longue interview publiée ces jours-ci dans le magazine Atlantic, Obama brosse devant Goldberg un bilan de sa politique étrangère et parle « à cœur ouvert » de ses décisions, ses dilemmes, et sa vision du monde.
Avec un ton fier et moraliste, Obama critique ses alliés, notamment le Britannique Cameron et le Français Sarkozy dans la crise en Libye. Il parle de l’arrogance et de l’orgueil de l’Israélien Netanyahou, et il est très sévère vis-à-vis de l’Arabie saoudite sunnite qui refuse de se réconcilier avec l’Iran chiite.
Obama en couverture du magazine The Atlantic, mars 2016
Obama pense que sa politique étrangère est réaliste car il adopte un interventionnisme mesuré en n’excluant pas l’usage de la puissance américaine. Il cherche toujours à former des coalitions, à mobiliser des alliés et à utiliser les instruments de la diplomatie, et notamment des sanctions. L’ancien maire de Chicago se trompe en pensant que le Moyen-Orient devrait être traité tel un combat contre les voyous de la Mafia. Cette région du monde est la jungle la plus sauvage de la planète et celui qui ne montre pas ses muscles et sa puissance est considéré comme un faible et un peureux.
Durant ses dernières huit années à la Maison Blanche, le lauréat du Prix Nobel de la paix s’est peut-être réconcilié momentanément avec les Ayatollahs et a renoué avec la Havane, mais a échoué sur toute la ligne au Moyen-Orient. Le bilan de sa politique et celle de John Kerry est négatif sur tous les plans et dans tous les conflits de la région, en Irak, en Syrie, sur le dossier palestinien et également sur l’avenir du projet iranien.
Ne plus vouloir être le gendarme du monde est compréhensible, mais commettre des erreurs aussi grotesques est incompréhensible.
Tout a commencé le 4 juin 2009, jour anniversaire du déclenchement de la guerre des Six-Jours, Barack Hussein Obama décide de faire son premier voyage au Caire et non pas à Jérusalem. Il est reçu en grande pompe par le président égyptien Hosni Moubarak, un allié stratégique de longue date des Etats-Unis. Le président américain prononce à l’université du Caire un discours historique et remarquable adressé essentiellement au monde musulman. Jusqu’à ce jour l’Oncle Sam demeurait l’ennemi satanique et Obama cherchait à tout prix la réconciliation, même au détriment de l’Etat juif. Il n’avait jamais imaginé que son fidèle ami Moubarak se trouverait un jour en détresse et serait incapable de maîtriser une révolte populaire contre un régime stable.
Dix neuf mois plus tard, face aux manifestations monstres contre Moubarak, Obama panique et exige le départ immédiat du président égyptien.
Le fameux discours de réconciliation avec le monde musulman se transforme soudain en cauchemar et accélère la montée au pouvoir des Frères musulmans. Ainsi, dès le départ, nous constatons que la diplomatie américaine est naïve, irréaliste et irréfléchie, et surtout abandonne souvent ses alliés dans des moments critiques. Souvenons-nous de la chute du Chah d’Iran.
Pour Obama, le combat contre le terrorisme n’est plus une priorité absolue. Désormais, le monde vu par Obama devrait être plus beau et plus gentil car l’axe du Mal n’existe pas. Dans ce contexte, il est possible de dialoguer avec l’ennemi, même le plus abject, tels que l’Iran, le Hezbollah ou le Hamas.
Plus grave encore, les proches conseillers du président américain ont recommandé de ne plus soutenir Israël sans conditions préalables et ont demandé d’exiger de Jérusalem des gestes concrets, tels que le gel des implantations et des concessions importantes aux Palestiniens et même aux Syriens. Dès le premier jour, Obama était prêt à ouvrir un dialogue direct avec l’Iran pour éviter que Tsahal se lance dans une opération préventive contre les sites nucléaires iraniens, comme ce fut le cas contre la centrale de Bagdad en juin 1981.
Il est bien entendu naïf de croire que les Ayatollahs abandonneraient le projet nucléaire, leur cheval de bataille, et la fierté des Iraniens. En dépit de promesses d’Obama et depuis le dernier 14 juillet, l’Iran n’a pas modifié sa politique expansionniste et terroriste, ni son arsenal de missiles balistiques qui a triplé ces dernières années. Sa tactique change mais sa stratégie demeure la même : suprématie militaire au Proche-Orient, destruction de « l’Etat sioniste », et exportation de la révolution chiite par des satellites tel que le Hezbollah au Liban.
Obama est sans doute une grand metteur-en-scène de la diplomatie-spectacle. Dans le dossier iranien, il a réussi à inverser les rôles et à manipuler les médias. Israël est devenu soudain l’intransigeant, le méchant et le belliqueux, tandis que l’Iran a le droit de faire la pluie et le beau temps en matière nucléaire, de poursuivre ses actions terroristes à travers le monde et ses intentions hégémoniques, et de se moquer éperdument de toutes les conventions internationales.
Les Etats-Unis sont certes notre meilleur allié stratégique, mais comment expliquer leurs messages défaitistes dans notre guerre contre le terrorisme palestinien et islamiste ? Comment Obama pouvait-il croire à la démocratisation rapide des sociétés arabes ? La doctrine américaine selon laquelle les dictatures doivent être balayées et remplacées par des régimes démocratiques n’est pas réalisable dans un monde arabe dominé par des courants islamistes et des tribus archaïques et fanatiques. L’éclatement des régimes en Irak, en Egypte, en Syrie, en Tunisie et en Libye a entrainé un déferlement d’activités terroristes et un afflux d’armes dans l’ensemble du Proche-Orient, au Maghreb et bien au-delà, de Kaboul jusqu’au Sahel et au Nigéria, en passant par la Côte d’Ivoire et la Turquie, membre de l’OTAN. Un chaos destructeur dont les métastases néfastes ont causé la mort de centaines de milliers de personnes et plusieurs millions de réfugiés frappant aux portes de l’Europe.
Obama pense que l’inaction est préférable à l’action et il reconnaît que sa capacité à peser sur les événements est bien limitée. En fait, Obama, qui est un professeur de Droit à tempérament glacial, n’a pas encore abandonné le processus de paix avec les Palestiniens, et probablement souhaite se ‘venger’ des caprices de Netanyahou. C’est ainsi qu’il étudie attentivement l’initiative française et pourrait ne plus imposer un veto au Conseil de sécurité à une nouvelle résolution qui exigerait de l’Etat juif de se retirer des Territoires et accepter que Jérusalem-Est soit la capitale de l’Etat palestinien.
Cette démarche inquiétante et la perception bien naïve et trompeuse de Washington et de Paris risque d’isoler l’Etat Juif sur l’arène internationale et de renforcer les extrémistes. Cette politique de l’autruche, risque aussi d’affaiblir considérablement le rôle d’influence des Etats-Unis.
Au lien de faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils mettent un terme définitif à la violence, à la terreur et à la délégitimation, et de soutenir les pays arabes alliés de l’Occident, tels que l’Arabie saoudite, l’Egypte et la Jordanie, Obama, lui, préfère, coûte que coûte, marquer son empreinte dans les pages de l’Histoire pour justifier un Prix Nobel qui est en réalité non mérité.
Freddy Eytan
Pour citer cet article :
Freddy Eytan, « La faillite de la doctrine Obama au Moyen-Orient », Le CAPE de Jérusalem: http://jcpa-lecape.org/la-faillite-de-la-doctrine-obama-au-moyen-orient/