La désintégration de la Syrie

wikipedia_kupermanLa désintégration de la Syrie s’accentue avec la formation de deux grandes enclaves : la première, au centre de la Syrie, contrôlée par le régime d’Assad, et la seconde, conquise par l’Etat islamique.

L’accord signé à Vienne sur le nucléaire iranien et la levée des sanctions ont encouragé Téhéran à poursuivre son soutien au régime d’Assad. Par ailleurs, en dépit de ses nombreuses pertes sur le front syrien, le Hezbollah tente de relancer ses activités terroristes contre Israël à partir du plateau du Golan.

La guerre civile en Syrie se poursuit avec une forte intensité et toutes les formules pour mettre fin au conflit semblent inapplicables sur le terrain.

Le régime d’Assad continue, avec l’aide du Hezbollah, à renforcer son contrôle sur certaines zones principales du pays, notamment l’axe Damas-Homs et la côte au nord de la frontière libanaise. Toutefois, les forces gouvernementales ne sont pas encore en mesure de vaincre l’opposition car la population locale souhaite en majorité un changement de régime.

Le 26 juillet 2015, le président Bachar al-Assad a avoué qu’en raison des lourdes pertes, humaines et matérielles, il était incapable de reconquérir tous les territoires et qu’il se trouvait dans l’obligation de prendre en considération les retombées sécuritaires, démographiques et économiques sur l’ensemble du pays.

La participation de la Turquie aux combats contre l’Etat islamique le long de la frontière syrienne a permis aux Américains d’attaquer des cibles islamistes en Syrie et en Irak à partir de la base aérienne turque d’Incirlik. Les Etats-Unis et la Turquie ont également convenu de mettre en place une zone de sécurité d’une longueur de 95 km pour permettre aux réfugiés syriens installés temporairement en Turquie de revenir dans leurs foyers.

Dans ce contexte, la tension monte dans la partie kurde de Syrie. La zone a été reprise par le PYD, un mouvement syrien semblable au PKK turc, qui coopère avec le régime d’Assad et se bat avec succès contre l’Etat islamique dans les régions de Kobani et Tal Abyad. Ce mouvement kurde syrien est aidé par des forces Peshmergas venues du Kurdistan irakien.

Certains observateurs croient que l’accord sur le nucléaire signé avec l’Iran va permettre à Téhéran de combattre l’Etat islamique et de sauver ainsi le régime d’Assad. Rappelons la visite récente du ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, à Téhéran, ainsi que des entretiens tenus par le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, chargé du dossier syrien, avec les dirigeants iraniens.

Les contacts entre l’Arabie saoudite et la Russie, en particulier la visite à Moscou du ministre de la Défense saoudien, Mohammed bin Salman (fils du roi Salman), sont également considérés comme susceptibles d’apporter une solution à la crise. Certains y voient un début de compréhension arabo-russe portant sur des accords pour des achats d’armes et la construction d’une centrale nucléaire. D’autres y voient, à l’inverse, une intransigeante saoudienne. La majorité des observateurs affirment en tout cas que l’Arabie saoudite propose de cesser son soutien à l’opposition en échange de concessions sérieuses de la part d’Assad.

En ce qui concerne Israël, les tentatives du Hezbollah de se servir du plateau du Golan comme tremplin pour lancer des opérations terroristes sont encouragées par Assad, même si ce dernier ne souhaite pas ouvrir lui même un nouveau front contre l’Etat juif.

Dans la région nord du plateau du Golan, l’unité du Hezbollah qui est dirigée par Samir Kuntar jouit d’un soutien logistique chez les Druzes installés dans la ville frontalière d’Al-Khader. La dernière attaque attribuée à Israël contre un véhicule transportant des combattants du Hezbollah iraniens et druzes accrédite ce nouveau phénomène.

Israël emploie des efforts considérables pour empêcher le Hezbollah et toute organisation terroriste d’exploiter le chaos syrien à son détriment.

Traditionnellement, les Druzes de nationalité syrienne sont liés par une alliance avec les Alaouites du pays et soutiennent en majorité le régime de Damas. Toutefois, ils craignent que le pouvoir ne les abandonne brusquement, surtout après les dernières défaites de l’armée syrienne. Leur angoisse est perceptible en particulier dans la région de la montagne druze et de la ville de Suwaida qui risquent de tomber dans les mains des rebelles.

Le retrait de la brigade 52 de l’armée syrienne installée dans la région serait catastrophique pour les Druzes. Les tentatives du régime de recruter des Druzes dans les rangs des milices gouvernementales ont été jusqu’à ce jour vouées à l’échec en raison de l’opposition des dirigeants locaux, qui souhaitent rejoindre les forces rebelles surtout depuis la conquête de Palmyre par l’Etat islamique.

Soulignons que les Druzes sont solidaires entre eux et les derniers événements pourraient avoir des implications directes sur les communautés druzes du Liban et d’Israël.

Les attaques perpétrées par des Druzes contre des ambulances israéliennes portant des blessés de la guerre de Syrie provoquent de fortes tensions entre les Druzes sur l’assistance qu’ils devraient apporter à leurs coreligionnaires.

Israël devrait adopter une politique claire. Il doit éviter à la fois d’intervenir dans la crise syrienne mais apporter une assistance humanitaire, défendre sa souveraineté par tous les moyens, et enfin assurer la sécurité des Druzes israéliens liés par un « pacte de sang » depuis la création de l’Etat Juif.

Yossi Kuperwasser


Yossi Kuperwasser, « La désintégration de la Syrie », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/la-desintegration-de-la-syrie/