La démarche palestinienne auprès des Nations-Unies
1. La requête de l’Autorité Palestinienne auprès des Nations-Unies va à l’encontre du Droit International.
Loin d’être une démarche diplomatique, l’initiative de l’Autorité Palestinienne auprès de l’Assemblée Générale des Nations-Unies a pour but d’imposer les choix politiques de Mahmoud Abbas sur Israël.
Conformément à la Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des Etats, quatre critères sont requis à l’obtention de la dénomination d’ « Etat » à savoir un territoire défini, une population fixe, un gouvernement et la capacité d’établir des relations avec d’autres États.
Premièrement, ce territoire reste indéfini du fait de l’avortement des négociations avec Israël. Une partie du territoire est sous le contrôle d’un groupe qui est reconnu par les Etats-Unis et l’Union Européenne comme une organisation terroriste. La scission du territoire entre deux gouvernements distincts, Fatah et Hamas, Cisjordanie et Bande de Gaza ne permet pas à l’Autorité Palestinienne de prétendre ni à une population fixe, ni à un gouvernement clair. Malgré cela, l’Autorité Palestinienne dispose de représentations sous forme de Mission de l’Autorité Palestinienne dans de nombreux pays. Elle ne manque donc pas de reconnaissance internationale.
2. Quel est le statut actuel de l’Autorité Palestinienne et quelles sont ses prérogatives?
En 1974, l’Assemblée Générale de l’ONU a accordée à l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) le rang d’observateur permanent, ce qui signifie qu’une représentation de l’Autorité Palestinienne peut participer aux sessions et travaux tenus par l’Assemblée Générale. La seule différence réside dans la dénomination d’ « Entité » et non d’Etat de cette délégation. Le 7 juillet 1998, la résolution 52/250 confèrent à la Palestine (OLP/AP) de nouveaux droits et privilèges toujours en qualité d’observateur afin de permettre sa participation aux conférences internationales et aux conférences des Nations-Unies.
La démarche de l’Autorité Palestinienne concerne donc précisément la dénomination d’Etat et les droits qui résulteraient de cette dénomination dans le but d’imposer de facto la création d’un Etat sur la scène internationale.
Une démarche entreprise d’abord auprès de l’UNESCO avec l’obtention le 31 octobre 2011 du statut d’Etat membre de l’institution onusienne, puis poursuivie auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU la même année pour l’accession au statut «d’Etat membre ».
Pour cela, le Président de l’Autorité Palestinienne, M. Mahmoud Abbas a déposé un dossier auprès du Secrétaire Général des Nations-Unies, Ban Ki-Moon, le 23 Septembre 2011. La demande fut ensuite transmise au Conseil de Sécurité qui examina la pertinence de la requête. La procédure exige que le texte soit ensuite voté par les membres du Conseil, dont il faut 9 voix sur 15 pour valider l’adhésion d’un éventuel nouvel Etat. Dernière étape, il est soumis au vote de l’assemblée Générale à la majorité des deux tiers. Durant la procédure, l’un des membres du Conseil de sécurité (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie ou Chine) peuvent opposer leur veto au dossier qui leur est présenté.
En observant la demande faite par Mahmoud Abbas en Septembre 2011, on peut constater que cette démarche avait pour seul but d’entériner le conflit en l’inscrivant dans le texte. La requête d’un Etat palestinien créé sur : « La base des frontières du 4 juin 1967 avec Jérusalem-est pour capitale » est la mention exacte des points de conflits des négociations bilatérales. Il s’agit donc bien de passer outre les négociations pour obtenir l’imposition de ces revendications politiques sur Israël.
Le 21 Septembre 2011, le Président des Etats-Unis, Barack Obama a opposé officiellement son veto à la demande de Mahmoud Abbas. Le Président de l’Autorité Palestinienne décide donc une fois encore de passer outre les procédures en portant une nouvelle requête (le 27 Septembre 2012) cette fois-ci directement auprès de l’Assemblée générale afin d’obtenir le statut d’Etat observateur permanent non membre.
Le statut d’Etat observateur permanent est une porte d’entrée vers la reconnaissance d’un Etat proprement dit. Le passage du rang d’Entité observatrice à celui d’Etat observateur non membre peut être obtenu à la majorité simple lors d’un vote de l’Assemblée Générale. De fait, un Etat non membre a les mêmes droits qu’un Etat membre excepté celui de voter et de présenter des candidats aux postes institutionnels.
3. Une « Intifada juridique »
L’intérêt réel de cette nouvelle position réside dans la capacité judiciaire qu’elle octroie et donc, dans l’amorce d’une « intifada juridique ».
Un Etat non-membre a la possibilité d’intégrer les organisations intergouvernementales et onusiennes, de signer certaines conventions et traités internationaux dont le Traité de Rome ouvrant la voie aux recours judiciaires contre Israël, ce dont ne se cache pas Mahmoud Abbas. Le 16 mai 2011, dans une interview donnée au journal New York Times, il déclarait ainsi que « L’admission de la Palestine aux Nations unies ouvrira le chemin à l’internationalisation du conflit sur le plan juridique, pas seulement d’un point de vue politique. Cela ouvrira également le chemin à la poursuite d’Israël devant les Nations Unies, les organes chargés des Droits de l’Homme et la Cour pénale internationale.»
Dès janvier 2009, l’Autorité Palestinienne avait présenté une déclaration dans laquelle elle reconnaissait les compétences de la Cour Pénale Internationale pour juger les crimes commis sur son territoire depuis juillet 2002. L’objectif est donc clair : étendre le conflit sur la scène internationale à défaut d’avoir une assise sur la scène nationale.
4. La faiblesse politique de Mahmoud Abbas.
En effet, le Président de l’Autorité Palestinienne manque de légitimité et de crédibilité auprès des Palestiniens qu’il prétend représenter.
Elu en 2009, Mahmoud Abbas a perdu peu à peu la légitimité de gouverner. Il n’a cessé de repousser un nouveau scrutin afin de ne pas remettre en question sa position. La corruption, les difficultés économiques et l’absence d’alternative politique ont fait émerger un mécontentement populaire certain à l’égard du Président de l’Autorité Palestinienne qui ne peut risquer de nouvelles élections sans un « coup politique » préalable. Comme en témoignent les élections municipales tenues le 21 Octobre 2012, la désillusion des ressortissants palestiniens a mis le Fatah en échec politique.
Mahmoud Abbas est évidemment mis à mal politiquement par le succès du Hamas dans la Bande de Gaza et l’échec des tentatives de conciliation avec le parti islamiste qui est reconnu par la communauté internationale comme une organisation terroriste. Le Président de l’Autorité Palestinienne n’a pas remis les pieds à Gaza depuis 2007 et la récente visite de l’Emir du Qatar le 23 Octobre 2012 est clairement une défaite diplomatique et économique pour son autorité. Mahmoud Abbas demande donc la reconnaissance d’un Etat qui ne le reconnait pas lui-même et sur lequel il n’a qu’un demi-contrôle.
De plus, cette démarche a pour but de détourner l’attention populaire du bilan économique médiocre de l’Autorité Palestinienne. Sur fond de corruption, l’Autorité Palestinienne qui gouverne la Cisjordanie est en manque de liquidités depuis des mois et ne peut plus payer ses employés. Le mécontentement populaire monte contre les dirigeants du Fatah avec l’augmentation récente des prix de l’essence et des produits alimentaires. A Naplouse, la capitale du nord de la Cisjordanie, 200 protestataires ont appelé à la démission du Premier ministre Salam Fayyad en scandant des slogans comme « L’invasion (israélienne) ne nous a pas laissé affamés, mais Fayyad si« , comme le souligne le journal Le Nouvel Observateur, le 9 septembre 2012.
5. Les refus répétés des propositions de paix israéliennes.
Il apparait clairement que cette faiblesse politique explique les refus répétés du Président de toutes propositions de paix avec Israël.
Mahmoud Abbas a choisi le durcir ses positions face à Israël au détriment d’une solution négociée afin de réaffirmer sa position de leader face au Hamas. Alors que des gouvernements de tous bords politiques se sont succédés en Israël ces dernières années, Mahmoud Abbas s’est appliqué à rejeter systématiquement toute proposition après avoir « joué le jeu » des négociations. Israël a fait une proposition dernièrement sous le parrainage de la Jordanie (Proposition d’Amman, juin 2012) auquel l’Autorité Palestinienne n’a même pas daigné répondre. Israël a pris des mesures de restauration de la confiance en gelant la construction dans les implantations pendant 10 mois en 2010. Il est important ici de souligner qu’il n’y a pas eu de nouvelles implantations israéliennes depuis 1996, mais des constructions dans des implantations déjà existantes qui représentent moins de 2% du territoire de Cisjordanie tel que défini en 1967. Afin d’éviter une crise humanitaire en ces temps de crise économique, Israël a augmenté le nombre d’autorisations de travail pour les Palestiniens en Israël et a déjà versé près de 300 000 NIS de droit de douane en avance à l’Autorité Palestinienne.
Face aux propositions israéliennes et aux mesures prises en faveur de la population palestinienne, l’Autorité Palestinienne n’a cessé d’opposer son refus et de chercher à imposer des conditions préalables aux négociations qui sont l’objet même des pourparlers.
Face aux appels répétés de la communauté internationale (des Etats-Unis, du Royaume-¬Uni, de l’Allemagne, de la France) pour la reprise des négociations, Mahmoud Abbas a opposé son silence et son mépris envers les diverses propositions qui lui ont été faites.
La volonté politique qui se cache derrière cette action est clairement anti diplomatique. Premièrement, parce qu’elle prolongera le conflit sur la scène internationale en ouvrant la voie à une bataille judiciaire. Deuxièmement, parce qu’elle signifie la négation des accords passés et donc la fin de toutes futures négociations.
6. Pourquoi cette démarche est anti diplomatique ?
Parce qu’elle nie les accords israélo-palestiniens existants notamment les Accords d’Oslo, la démarche de l’Autorité Palestinienne se révèle clairement anti diplomatique.
En effet, Mahmoud Abbas envisage l’abrogation des Accords d’Oslo comme en témoignait Wassel Abou Youssef, membre du comité exécutif de l’OLP à l’AFP, le 18 Septembre 2012 : « Le président palestinien Mahmoud Abbas a suggéré ce week¬end d’annuler les accords d’Oslo avec Israël, a déclaré aujourd’hui un haut responsable de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Un membre du comité exécutif de l’OLP, Wassel Abou Youssef, a indiqué que Mahmoud Abbas avait émis l’idée d’ »annuler les accords d’Oslo ainsi que les arrangements économiques et de sécurité qui leur sont associés » lors d’une réunion de la direction palestinienne qui a eu lieu samedi et dimanche. »
La résolution 242 du Conseil de Sécurité stipule une solution négociée donc bilatérale du conflit. Elle pose les bases des Accords d’Oslo et des traités de paix d’Israël avec l’Egypte et la Jordanie. L’ONU elle-même prévoie donc un cadre d’action bilatérale pour une reconnaissance mutuelle, dans la recherche d’une paix « juste et durable » entre Israël et un futur Etat Palestinien.
Ce retour sur des accords négociés avec Israël sous l’égide de la communauté internationale – 18 ans après leur signature – rendra désuète toute future négociation. Il remet en question non seulement les traités de paix mais aussi les accords économiques dans un contexte déjà fort de tensions au Moyen-Orient.
Loin de mener à la reprise des négociations, cette action mènera au durcissement des positions et à l’extension du conflit sur la scène internationale.
7. La responsabilité de la communauté internationale.
La communauté internationale doit prendre conscience du coût diplomatique de cette démarche unilatérale.
Valider la requête de l’Autorité Palestinienne reviendrait pour l’ONU à donner des droits et à engager le dialogue avec un « Etat » partiellement sous le contrôle d’une organisation terroriste. On ne peut dissocier la Bande de Gaza et la Cisjordanie en reconnaissant un Etat Palestinien. Le Hamas est officiellement inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne et reconnu comme tel par les Etats-Unis, le Japon et le Canada, d’autres pays se contentant de qualifier sa « branche armée » de terroriste. Il s’agit là d’un signal positif envers les mouvements et organisations qui ont fait le choix et l’usage de la violence et qui souhaiterait bénéficier d’un statut officiel auprès des Nations-Unies.
L’ONU prend le risque de légitimer l’usage du double discours, politique et milicien. La reconnaissance unilatérale d’un tel Etat pourrait mettre en péril le consensus international sur le Moyen-Orient sur des questions cruciales comme la crise humanitaire en Syrie ou le nucléaire iranien qui sont pour le moment les priorités de l’agenda international.
L’arrêt définitif des négociations et le durcissement des positions de chacun risquent de mener à l’émergence d’un nouveau « foyer de violences » au Moyen-Orient.
Cette démarche unilatérale ne débouchera sur aucune avancée concrète sur le terrain et risque donc de faire naitre de nouvelles frustrations au sein de la population palestinienne.
Les attentes en terme politique ou économique ne seront en rien comblées par cette initiative stérile de l’Autorité Palestinienne. Sur fond de « printemps arabe », ces revendications politiques risquent au contraire de faire écho dans la rue. Mahmoud Abbas attise déjà le mécontentement populaire envers Israël en déclarant sur sa page Facebook (AFP, 24/10/2012) à l’intention des Palestiniens: « Je sais que notre situation économique est difficile et compliquée, et je suis sûr que vous êtes conscients que c’est le résultat des pressions auxquelles nous sommes soumis ». L’Autorité Palestinienne a déjà promis que des manifestations « populaires et pacifiques » accompagneront sa démarche de reconnaissance. ( RFI, 08/09/2011) ce qui laisse présager de nouveaux débordements.
Cette action aura donc des conséquences contre-diplomatiques en réveillant le risque d’une « troisième intifada » qui circule déjà depuis un moment sur les réseaux Internet.
Pour conclure…..
Cette initiative unilatérale n’est en rien une solution pour l’Autorité Palestinienne, mais aura pour conséquence au contraire, de pérenniser et d’étendre le conflit.
Il s’agit d’un abandon clair et sans retour de la voie diplomatique, au profit d’une politique du nombre visant à l’imposition de ses revendications sur Israël.
Ce choix est dangereux pour l’avenir, aussi bien sur le terrain qu’au niveau politique. Il ne comblera pas les attentes de la population palestinienne et mènera au contraire, à de nouvelles frustrations qui pourraient dégénérer en nouvelle vague de violence.
Il s’agit donc d’une démarche dangereuse et sans intérêt, qui ne constitue ni une initiative de réconciliation, ni un compromis. La seule solution viable pour l’établissement d’un Etat Palestinien est la reprise de négociations bilatérales, sans conditions préalables et dans un esprit de compromis.
*Document du Ministère israélien des Affaires étrangères – novembre 2012