Kaboul – erreurs stratégiques et mauvaise évaluation

Dore Gold

Au Moyen-Orient, l’amer expérience du passé indique clairement que chaque retrait renforce fortement les motivations des groupes djihadistes.

Suite au départ américain de Kaboul l’espoir occidental de voir une nette réduction du nombre des attentats terroristes s’est bien estompé.

Comment le président américain avait pu donc affirmer qu’al-Qaïda « était parti » d’Afghanistan quand ses propres services de sécurité, ainsi que ceux des britanniques insistaient sur le fait que le groupe islamiste était omniprésent dans le pays.

Une heure après l’intervention télévisée du président américain, John Kirby, attaché de presse du Pentagone (ministère américain de la Défense), a déclaré :

« Nous savons qu’Al-Qaïda est présent en Afghanistan. Un rapport de la commission du ministère de la Défense au Congrès, publié le 17 août 2021, affirmait clairement : « Les Talibans maintiennent leurs relations avec al-Qaïda, en leur offrant un refuge dans le pays ».

Et pour preuve, au moment du retrait américain, les Talibans avaient libéré 5 000 prisonniers de la base aérienne de Bagram, dont des combattants d’Al-Qaïda et de l’Etat islamique. 

Pire encore, il n’existait pas sur la question un consensus au sein de l’alliance occidentale. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, avait averti que les Occidentaux devaient s’unir pour empêcher l’Afghanistan de redevenir un sanctuaire pour les organisations terroristes internationales. Dans un rapport, parmi tant d’autres, du Conseil de Sécurité de l’ONU on peut lire : « une partie importante des dirigeants d’al-Qaïda réside dans la région frontalière située entre l’Afghanistan et le Pakistan ».

Kaboul

(Twitter/@sudhirchaudhary)

La présence d’Al-Qaïda ne se limitait pas aux seules frontières puisque ce rapport précisait qu’un grand nombre de combattants d’al-Qaïda et d’autres groupes extrémistes étrangers alignés aux talibans se sont installés dans diverses régions de l’Afghanistan, indiquant également qu’il ne s’agissait pas d’éléments périphériques d’al-Qaïda mais plutôt de sa « direction centrale ».

Le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, avait aussi affirmé qu’« al-Qaïda reviendra probablement ». Il a fait référence à un rapport de l’ONU selon lequel al-Qaïda est présent dans 15 provinces afghanes. Il est également conscient du fait que beaucoup d’Occidentaux considèrent l’Afghanistan comme un « État défaillant » et que les États affaiblis ont tendance à devenir des quartiers généraux pour les groupes terroristes.

Le directeur de l’agence britannique de renseignement intérieur, le MI5, a averti en juillet 2021 qu’al-Qaïda chercherait à rétablir ses installations de formation en Afghanistan dès que l’occasion se présentait. Les alliés de la chancelière allemande, Angela Merkel, au Bundestag (Parlement allemand) ont condamné la décision de Biden de se retirer rapidement d’Afghanistan.

Pourquoi donc cette précipitation ? Ce départ à la sauvette ? De nombreux observateurs à Washington ont fait référence à l’accord signé entre les Talibans et l’administration Trump en février 2020 sur le retrait de toutes les forces étrangères d’Afghanistan.

La deuxième partie de cet accord contenait un engagement des talibans : « à empêcher tout groupe ou individu, y compris al-Qaïda, d’utiliser le sol afghan pour menacer la sécurité des États-Unis ou de leurs alliés ». 

La suite est bien connue puisque les Talibans n’ont pas tenu leur engagement et ont permis à al-Qaïda d’utiliser le territoire afghan contre les forces américaines.

Des observateurs avait aussi insister sur une hypothèse bien courante en Occident. Le retrait, espérait-on, réduirait l’hostilité des Talibans et des groupes terroristes.

Rappelons qu’Al-Qaïda a officiellement vu le jour après le retrait de l’Union soviétique d’Afghanistan le 15 février 1989.

Les retraits à travers le Moyen-Orient ont renforcé la motivation de ces groupes. 

En effet, le rapport de l’ONU au Conseil de sécurité, soumis en juin 2021, indiquait clairement que « malgré toutes les attentes concernant une baisse considérable des hostilités et attentats terroristes, en 2020 (l’année de l’accord américano-taliban sur le retrait) est apparue comme « l’année la plus violente jamais enregistrée par les Nations-Unies en Afghanistan. »

C’est bien clair, pour pouvoir vaincre les   forces djihadistes, il est fort recommandé d’accompagner le retrait de plusieurs actions nécessaires pour prouver sans aucun doute leur complète défaite.

Il ne semble pas que le président Biden poursuivra cette stratégie. Il a même défendu le retrait d’Afghanistan malgré la position contraire de ses services de sécurité.

Enfin, en ce qui nous concerne directement, rappelons qu’en août 2005, lors du retrait unilatéral de la bande Gaza, eh bien, le Hamas a remporté les élections palestiniennes et avait pris le pouvoir des mains du Fatah. Les attaques à la roquette contre Israël, après ce retrait, avaient augmenté de 500 %.