Jérusalem-Moscou : realpolitik transparente et amicale


freddy_eytanLa dernière visite officielle du Premier ministre Benjamin Nétanyahou à Moscou marque plusieurs points importants pour la diplomatie israélienne.

Elle scelle les liens solides avec la Russie dans un contexte régional explosif, et surtout elle confirme que l’Etat juif réussit à avoir de bonnes relations bilatérales avec d’autres grandes puissances de la planète, et notamment avec les Etats-Unis, la Chine et l’Inde.

Soulignons que les relations avec Pékin et New Delhi n’existaient pas il deux décennies. Il y a 25 ans, Moscou représentait une menace existentielle, le seul fournisseur d’armes des Arabes, leur principal conseiller militaire, et le grand défenseur de la cause palestinienne. A cette époque, nos relations étaient au point mort, les trois millions de Juifs installés en Union soviétique n’étaient que des refuzniks et ne pouvaient quitter leur pays natal. Les temps ont évolué et ils marquent sans doute un changement considérable dans la prise de conscience de la communauté internationale. Cette évolution se produit chaque jour et réfute la thèse selon laquelle l’Etat d’Israël est isolé dans l’arène internationale.

Il est regrettable aussi de constater que la presse israélienne a préféré minimiser l’accueil chaleureux réservé à Nétanyahou à Moscou. Par ignorance, par bêtise, et surtout par méchanceté, certains journalistes ont osé poser devant Vladimir Poutine des questions humiliantes sur une relation personnelle que Netanyahou avait il y a 15 ans avec un millionnaire français devenu escroc. Hélas, depuis longtemps notre presse ne cherche que le scandale et le sensationnel et les correspondants politiques sont devenus des spécialistes des rubriques de commérages. Leurs articles et analyses ne sont en réalité que des opinions politiques. Nous assistons quotidiennement à une disproportion flagrante et grotesque dans le jugement rédactionnel de la presse écrite et audiovisuelle.

La dernière rencontre de Benjamin Nétanyahou avec Vladimir Poutine a donc réussi à consolider les relations économiques, culturelles, sociales et touristiques, et à renforcer notre front commun dans le combat contre le terrorisme islamique. Cette visite a aussi dissipé les graves préoccupations israéliennes sur la présence russe en Syrie. Désormais, bien que Moscou soutienne le régime de Bachar el-Assad, la coordination entre l’armée Rouge et Tsahal se poursuit dans un intérêt militaire et stratégique commun, et Israël aura toujours les mains libres pour lancer des raids contre le Hezbollah ou contre des convois d’armes sophistiquées.

A l’évidence, la crise syrienne n’est plus un conflit local et elle s’est transformée au fil des dernières années en une confrontation planétaire qui rappelle la « Guerre Froide ». La Syrie est le dernier bastion des Russes dans notre région et Moscou considère le régime laïc d’Assad comme un allié précieux et un Etat stratégique face à la montée en puissance des Islamistes dans le monde arabe et les tentatives hégémoniques de l’Iran.

Tout règlement en Syrie devrait passer par l’aval des Russes, et Poutine est conscient que le plateau du Golan demeure sous souveraineté israélienne. Depuis sa visite officielle en Israël en juin 2012, les rencontres bilatérales se sont multipliées et nos relations dans tous les domaines demeurent au beau fixe grâce également au dynamisme de la forte communauté russophone vivant dans notre pays.

Face à la faiblesse de l’administration Obama et à l’impuissance des Occidentaux à intervenir sur le terrain, la Russie détient un atout considérable et incontournable que nous devrions préserver. Malgré son hostilité à la Turquie voisine d’Erdogan, Poutine ne voit pas d’un mauvais œil le rapprochement d’Israël avec Ankara.

La véritable realpolitik qui est fondée sur le calcul des forces et l’intérêt national ne devrait pas, bien entendu, remplacer les liens solides et stratégiques, ainsi que les valeurs universelles que nous partageons, de longue date, avec nos amis et alliés américains.

Freddy Eytan


Pour citer cet article :

Freddy Eytan, « Jérusalem-Moscou : realpolitik transparente et amicale », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/jerusalem-moscou-realpolitik-transparente-et-amicale/