Israël-USA : grave est la crise mais passagère
Depuis la création de l’État d’Israël, les relations entre les États-Unis et l’État juif soufflent le chaud et le froid. Nous avons assisté à des malentendus, des frictions et des crises parfois graves mais les relations n’ont jamais abouti à la rupture ou au divorce car les intérêts politiques, diplomatiques, et stratégiques entre les deux pays amis sont réciproques. Washington et Jérusalem partagent les mêmes valeurs démocratiques et universelles. Un affaiblissement de l’Etat juif et de son leadership agissent contre les intérêts des Etats-Unis au Moyen-Orient.
Parmi tous les présidents démocrates, Joe Biden a prouvé qu’il est un ami sincère de l’Etat d’Israël. Contrairement à Barack Obama, ses relations sont affectives et passionnelles. Avec Nétanyahou elles ont débuté il y a quarante ans alors que Bibi était ambassadeur à l’ONU.
Aujourd’hui, Biden, 80 ans, est sincèrement inquiet pour l’avenir de l’Etat d’Israël. Influencé par les images diffusées à la télévision, et par les rapports de son ambassadeur à Jérusalem, il craint que la démocratie israélienne est vraiment en danger. D’autant plus, que la majorité des dirigeants juifs américains pensent comme lui, et l’opposition israélienne l’encourage d’intervenir.
Biden a exhorté Nétanyahou à renoncer à son projet de loi sur la réforme du système judiciaire, en avertissant qu’Israël ne peut pas continuer sur cette voie. Pour l’heure, il refuse d’inviter Nétanyahou à la Maison Blanche. Des propos très inquiétants que Biden avait déjà dit à Nétanyahou lors de ses conversations téléphoniques.
En réalité, Biden n’a pas souhaité la victoire de Nétanyahou aux dernières élections. Rappelons qu’il avait reçu chaleureusement l’ancien Premier ministre Naphtali Bennet en août 2021, puis il a effectué le 13 juillet 2022 une visite officielle en Israël. Il a signé avec Yaïr Lapid un nouvel accord stratégique tout en lui souhaitant poursuivre à diriger le pays.
Netanyahou est un sabra qui a vécu longtemps aux Etats-Unis. Il sait parfaitement qu’Israël dépend de l’Amérique sur le plan diplomatique, économique et militaire. Convaincu aussi que Biden est un fidèle allié et non pas un adversaire. Et pourtant, il a laissé ses ministres et députés prononcer des discours belliqueux minimisant l’importance du rôle des Etats-Unis, et en ridiculisant Biden. Pire, il a permis à son fils, Yaïr, de dire des propos insensés sur le soutien de l’administration américaine et de la CIA aux manifestations contre la réforme judiciaire. Comment un président américain devrait réagir ?
Cela dit, toutes les démocraties demeurent fragiles, la nôtre en particulier, elle combat en permanence les menaces extérieures et lutte avec acharnement pour pouvoir exister et vivre en paix.
Pour celui qui a la mémoire courte souvenons-nous de l’assaut du Capitole. Le 6 janvier 2021 fut un jour noir pour la démocratie américaine et le monde libre. Le scénario d’une insurrection au Congrès par des citoyens américains, dont certains étaient armés n’a jamais été imaginé même à Hollywood. Il semblait lors de cette tentative de « coup d’Etat » que l’Amérique était au bord d’une nouvelle guerre civile à l’instar des pays totalitaires. La prise d’assaut si facile de l’enceinte du bastion de la démocratie a révélé également des défaillances sécuritaires graves et criantes.
Cela s’est passé à Washington et non pas à Jérusalem. De ce fait, nos amis américains ne peuvent nous donner des leçons sur ce sujet, nous enseigner comment appliquer les valeurs démocratiques et le bon fonctionnement du pouvoir exécutif ou législatif.
Malgré tout et devant les menaces proches et lointaines, les Etats-Unis demeurent notre principal allié et ami. Les querelles profitent à nos ennemis. Le linge sale se lave en famille.
Cessons de part et d’autre la rhétorique inutile. Revenons à la réalité sur le terrain, au réalisme, à la Realpolitik. La révision de la politique américaine est donc nécessaire, mais non pas pour punir Nétanyahou, ni refuser d’imposer un veto au Conseil de sécurité de l’ONU. Washington devrait, au contraire et tout naturellement, tourner la page et renforcer ses relations amicales et stratégiques avec Jérusalem. Dans la jungle du Proche-Orient seul Israël, avec tous ses « défauts », demeure un allié fidèle et partage avec les Américains des valeurs universelles.
Le Premier ministre israélien se trouve dans l’obligation de s’entendre avec le président Biden sur la marche à suivre. La sagesse, le pragmatisme et la raison d’Etat devraient l’emporter sur toutes les divergences personnelles et les malentendus. Une discussion franche et amicale à la Maison blanche devient urgente.
Dans la même veine et corrélativement, Israël doit se doter de nerfs d’acier et ne compter que sur lui-même.