Israël-Turquie – mettre Erdogan au pilori et reconnaitre le génocide arménien

Freddy Eytan

La Turquie menace de suspendre ses relations commerciales avec Israël en réponse à la guerre dans la bande de Gaza. Cette intention fâcheuse et unilatérale n’est point surprenante devant le soutien incontestable d’Erdogan au Hamas depuis deux décennies.  Elle marque une nouvelle étape dans la dégradation des relations avec Ankara. Les exportations de la Turquie vers Israël représentent plus de cinq milliards de dollars.

En réalité, Erdogan est un islamiste dans l’âme et ne changera guère. Il n’a jamais modifié réellement son attitude à l’égard d’Israël. La dernière visite officielle du président Herzog à Ankara en mars 2022 semblait marquer un tournant historique mais elle n’a pas réussi à améliorer nos relations sur le plan diplomatique comme sur le plan commercial.

Rusé comme un renard, Erdogan rêve toujours de diriger le monde sunnite face à l’Iran chiite. Malgré toutes ses promesses aux dirigeants israéliens :

  • Il continue à intervenir directement dans nos affaires et menace de représailles.  Lors de chaque opération de Tsahal, ses discours sont toujours belliqueux, grotesques et antisémites.
  • Il organise et soutient les manifestations des islamistes sur le Mont du Temple et finance des institutions islamiques à Jérusalem.
  • Il héberge toujours les leaders du Hamas et refuse de fermer leurs bureaux à Istanbul. Ces bureaux sont en réalité des cellules dont le but est de planifier des attentats terroristes contre des cibles juives et israéliennes en Europe.  L’influence de la Turquie sur le mouvement islamiste palestinien est plus importante que celle des émirs du Qatar. A chaque crise dans la région, Erdogan réussit à tirer les ficelles et améliorer son image grâce à « ses bons offices ».
  • Il souhaite toujours de saboter l’accord que nous avons signé avec Chypre et la Grèce. Pourtant, pour surmonter la crise économique et toutes les oppositions à son régime, il accepta que nous exportons le gaz vers l’Europe via la Turquie, pour réduire la dépendance russe. Devant le volte-face, c’est un niet catégorique israélien.
Visite d'Etat du président Itzhak Herzog à Ankara-5 mars 2022.

Visite d’Etat du président Itzhak Herzog à Ankara-5 mars 2022. (Haim Tzah/GPO)

Dans ce contexte, rappelons que la Turquie occupe depuis 1975 la moitié du territoire cypriote, impunément, tranquillement, sans aucune pression internationale, sans même qu’on lui impose de robustes sanctions.

Certes, Erdogan est parfois plus conciliant envers la communauté juive, mais il agit ainsi pour obtenir la sympathie et des gains politiques de la part des Etats-Unis. Il ne renoncera jamais aux revendications religieuses des islamistes sur El Aqsa et Jérusalem. Comme de nombreux leaders musulmans, Erdogan fait une distinction nette entre le peuple juif et l’Etat sioniste d’Israël. Entre le juif soumis et celui qui ose combattre et vaincre.

Le président turc Erdogan lors d’une rencontre le 22 août 2020 avec le chef du Hamas Ismail Haniyeh et son adjoint Saleh al-Arouri

Le président turc Erdogan lors d’une rencontre le 22 août 2020 avec le chef du Hamas Ismail Haniyeh et son adjoint Saleh al-Arouri, assis à gauche de la table. La rencontre s’est déroulée en présence du chef des services turcs du Renseignement. (Turkish Presidency)

Il pensait que se rapprocher d’Israël lui donnera des atouts considérables, un fort soutien américain et une solidarité avec des pays arabes modérés tels que l’Egypte, le Maroc, l’Arabie saoudite et les Emirats du Golfe. Le moment était pour lui propice car il remarquait que les Accords d’Abraham sont très bénéfiques. Ils renforçaient Israël, devenu une puissance régionale incontournable au Moyen-Orient et dans le bassin Méditerranée.

Suite à la crise ukrainienne et depuis le 7 octobre 2023, Erdogan a bien compris que faire partie de l’OTAN, être membre du monde occidental n’est plus un atout stratégique devant la faiblesse des Etats-Unis et l’impuissance européenne. Qu’il est donc préférable de se rapprocher de la Russie et de la Chine, former ensemble avec l’Iran un nouvel axe géopolitique et économique dans l’intérêt du monde arabo-islamiste.

Armenie caricature Sultan Hamid

Le peuple turc n’est sans doute pas notre ennemi et Erdogan n’est pas éternel. C’est bien pour cette raison fondamentale que nous devons être ferme à son égard et le mettre au pilori.

A la rupture des relations commerciales nous devrions, avant tout, encourager le « made in Israël » et investir dans la production locale. Sur le plan diplomatique, réagir intelligemment et ne pas se contenter de dire qu’Erdogan est « un mégalomane antisémite ».

Voilà plus d’un siècle que les deux tiers des Arméniens furent massacrés par les Turcs et aujourd’hui encore la reconnaissance politique du massacre systématique contre le peuple d’Arménie fait toujours l’objet de débats et de controverses, notamment sur le terme « génocide » réfuté par certains historiens et surtout par la Turquie. Le temps est propice pour relancer le dossier à la Cour Internationale de Justice au moment où elle s’apprête à condamner injustement Israël concernant la guerre à Gaza.

Jusqu’à ce jour, seuls 30 Etats dont la France et le Vatican ont reconnu le génocide et commémorent la terrible tragédie dans le cadre de cérémonies officielles.  Le Congrès américain a suivi dans ce sens, mais l’adoption de ce texte n’est pas contraignante et n’implique pas officiellement l’administration de Washington qui craint de compliquer ses relations avec Ankara.

Dans ce contexte et vu la détérioration de nos relations avec la Turquie d’Erdogan, il est bien temps que l’ensemble de la Knesset adopte elle aussi un texte sans ambiguïté.

Une reconnaissance israélienne provoquera sans doute une terrible colère à Erdogan, mais comment l’Etat Juif peut-il nier encore des faits historiques irréfutables ?

Ainsi, nous rendons justice à l’Histoire et nous prouverons notre solidarité à l’égard des peuples opprimés. Nous tournerons une lourde et douloureuse page, en souhaitons enfin revenir à des relations normales et amicales avec cet important Etat musulman non arabe.

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