Israël-Syrie : les enjeux sécuritaires

wikipedia_kupermanDepuis le début de la guerre civile en Syrie, les médias internationaux rapportent que l’aviation israélienne a lancé à plusieurs reprises des raids contre des stocks d’armes et des convois d’armements destinés au Hezbollah libanais.

Selon ces informations parues dans la presse internationale, Tsahal aurait également attaqué près de la frontière israélo-syrienne un convoi des Gardiens de la Révolution venus planifier avec le Hezbollah des attentats terroristes contre Israël à partir du plateau du Golan.

L’Iran et le Hezbollah œuvrent ensemble pour tenter de contrôler certaines parties du plateau du Golan et améliorer ainsi leurs capacités militaires. L’Iran cherche à fournir à la milice chiite libanaise et prosyrienne des missiles plus précis, plus sophistiqués, et de longue portée, ainsi que des batteries anti-aériennes et des missiles mer-mer.

Le but principal de l’Iran et du Hezbollah est d’établir une infrastructure terroriste au nord de l’Etat d’Israël.

Israël n’intervient pas dans la guerre civile syrienne qui oppose l’axe radical iranien à l’axe sunnite dirigé séparément par l’organisation de l’Etat islamique et Jabhat al-Nosra.

En revanche, Israël fournit une importante aide humanitaire puisqu’il apporte une assistance médicale aux nombreux blessés syriens de la région frontalière.

Les tentatives du Hezbollah d’attaquer Israël dans le nord du plateau du Golan, et les frappes apparemment menées par l’Aviation israélienne, les 21 et 24 avril 2015, contre des cibles militaires en Syrie, comme l’ont rapporté les médias arabes, s’inscrivent dans une série d’incidents intervenus au cours des trois dernières années. Ils indiquent qu’une véritable bataille est en cours entre Israël et l’axe radical dirigé par l’Iran pour définir les règles du jeu sur le territoire syrien. Les enjeux concernent les retombées de la guerre civile en Syrie et les menaces qu’elle fait peser sur au nord d’Israël, notamment concernant l’avenir du Liban.

L’implication du Hezbollah dans la guerre civile syrienne lui a été imposée, dans une large mesure, contre son propre gré. Cette intervention cause un lourd tribut à la milice chiite qui a perdu de nombreux combattants en menant de nombreuses missions sur plusieurs fronts. Elle a aussi créé des remous considérables au Liban et apporté une certaine légitimité aux radicaux sunnites pour agir contre la milice chiite.

L’intervention du Hezbollah en Syrie a aussi renforcé les doutes sur la véritable identité du Hezbollah et ses objectifs. Est-elle vraiment une milice libanaise ou une organisation faisant partie de l’axe radical chiite et de l’appareil de sécurité iranien et agissant selon les intérêts de l’Iran et de Bachar al-Assad ?

Les activités du Hezbollah en Syrie et son soutien au régime d’Assad n’ont pas rapporté de succès. L’axe radical pro-Assad est bien loin de vaincre ses opposants et ses récentes tentatives pour repousser ses adversaires ont toutes échoué. L’axe pro-Assad a même dû renoncer à certains atouts stratégiques, comme le contrôle de la ville d’Idlib dans le nord-ouest de la Syrie, le passage de la frontière avec la Jordanie, ainsi que l’importante ville de Bousra al-Sham dans le district de Daraa.

En outre, les grandes offensives prévues sur le plateau du Golan et à Alep ont été tuées dans l’œuf. Aucun progrès n’a été enregistré dans le domaine politique malgré la volonté forte de Moscou d’aider le régime d’Assad.

Il est clair que le Hezbollah payera encore un lourd tribut en raison du fait qu’il est considéré par Assad et par l’Iran comme la plus importante force de défense du régime, et parce que tous les alliés d’Assad, y compris le Hezbollah lui-même, considèrent la perennité du régime comme un objectif suprême.

Pour ce faire, l’Iran renforce la protection du régime d’Assad dans les parties du pays qui demeurent sous son contrôle exclusif. Il améliore les capacités militaires du Hezbollah, son bras armé, pour atteindre son principal objectif de dominer la région face à Israël.

Le contrôle du territoire syrien permet à l’Iran d’accélérer l’acheminement de nouvelles armes modernes au Hezbollah et de menacer Israël. Selon diverses sources, le Hezbollah cherche à acquérir des missiles plus précis et de longue portée capables d’attaquer des navires en mer et d’abattre des avions en vol.  Certaines de ces armes sont acheminées de Téhéran vers la Syrie ; d’autres proviennent de Russie, via Damas, pour être ensuite transférées au Hezbollah.

Depuis la Seconde guerre du Liban, le Hezbollah qui prétend être le seul véritable défenseur du pays du Cèdre, évite l’escalade avec l’Etat Juif craignant à la fois une foudroyante riposte de la part d’Israël et une forte réaction contre sa présence à l’intérieur du pays.

Cependant, l’Iran et le Hezbollah exploitent leur statut en Syrie pour imposer à Assad une nouvelle réalité sur le plateau du Golan. Cette nouvelle situation change complètement la donne puisque depuis 1975, suite aux Accords de désengagement signés après la guerre du Kippour, le régime syrien a interdit d’ouvrir des hostilités à partir de son territoire, et a choisi le Liban comme tremplin.

D’ores et déjà, la partie nord du Golan sous le contrôle de l’axe radical iranien est utilisée pour lancer des opérations terroristes.

Israël est très préoccupé par les dernières activités de l’Iran et du Hezbollah. Le nouvel arsenal d’armements et le but affirmé d’établir une infrastructure de la terreur sur le plateau du Golan impliquent une révision de la situation et des mesures sécuritaires adéquates.

Certes, Israël ne souhaite pas l’escalade et un embrasement de toute la région mais se trouve dans l’obligation de fixer les règles du jeu et des lignes rouges. Il faut bien entendu faire en sorte que la guerre civile ne déborde pas le territoire syrien et empêcher que le plateau du Golan ne se transforme en tremplin pour des opérations terroristes.

Dans ce contexte dangereux et menaçant il est plus facile de comprendre pourquoi l’Etat Juif prend des mesures préventives en attaquant par exemple des stocks d’armes en Syrie avant qu’ils ne soient expédiés au Hezbollah libanais ou en lançant un raid contre convoi des Gardiens de la révolution iranienne et des combattants du Hezbollah sur le plateau du Golan.

À ce stade, de telles actions retardent la construction d’une infrastructure terroriste sur le Golan et réduisent la capacité de combat du Hezbollah. Ces actions améliorent sans doute la dissuasion d’Israël dans toute la région mais elles n’ont pas mis à ce jour un terme aux efforts de l’Iran et du Hezbollah pour renforcer leur position et intensifier leurs menaces contre l’Etat Juif.

Bien que les actions attribuées à Israël soient en effet menées en territoire syrien, elles ne constituent pas un changement dans la politique israélienne qui évite une intervention ouverte et directe ou de prendre partie dans le conflit.

Dans le même temps, Israël n’est pas indifférent à ce qui se passe de l’autre côté de la frontière. Il prend en charge les souffrances du peuple syrien et apporte une assistance médicale aux nombreux blessés de la région frontalière.

Enfin, nous espérons un renforcement des éléments modérés parmi les opposants au régime car ils représentent une très grande partie de la population syrienne mais demeurent faibles militairement et incapables sur le plan organisationnel de défier leurs adversaires.

Général Yossi Kuperwaser


Pour citer cet article :

Yossi Kuperwaser, « Israël-Syrie : les enjeux sécuritaires », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/israel-syrie-les-enjeux-securitaires/