Israël et le Liban s’accordent une trêve éphémère

Freddy Eytan

La signature de l’accord maritime entre Israël et le Liban provoque des réactions contradictoires, des commentaires extravagants, des manipulations et récupérations politiques au moment où les Israéliens s’apprêtent à choisir un nouveau parlement. Certes, il s’agit d’un accord économique important pour les deux pays mais on ne peut le qualifier historique ou prétendre qu’une normalisation sincère avec notre voisin est en cours, ni non plus dire qu’il s’agit d’une capitulation. Le soutien de l’état-major de Tsahal et du Mossad prouve que cet accord ne met pas en danger la sécurité d’Israël. En revanche, il ne garantit pas une stabilité dans la région ni une prospérité absolue.

Rappelons qu’après la Première guerre du Liban et le départ forcé de l’OLP à Tunis un véritable accord-cadre de paix fut signé en mai 1983.   Dans le cadre de cet accord, les deux parties avaient déclaré la fin de l’état de guerre. Ils ont formellement reconnu la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’autre. Cet accord contenait des dispositions relatives au retrait des forces israéliennes, à l’établissement d’une zone de sécurité au Sud-Liban et à la coopération en matière de sécurité entre les deux pays.

Suite à de fortes pressions syriennes, cet accord n’a jamais pu être ratifié par le Parlement libanais et a été officiellement mis en suspens le 5 mars 1984.

Israel-Lebanon Maritime Border

Le nouvel accord maritime n’est donc pas un traité de paix signé légalement et de bonne foi entre deux pays ennemis. On a procédé seulement à un échange de lettres de manière séparée, à la sauvette et loin des projecteurs. Le rôle des observateurs de l’ONU ne s’est limité que dans la logistique.

Comment expliquer que le président Aoun comme le chef du Hezbollah Nasrallah crient victoire et se félicitent des avantages.

Lior Shilat

Discours du Directeur général du Ministère de l’Energie, Lior Shilat à Rosh Hanikra, au passage de la frontière libanaise. (Sivan Shachor/GPO)

 

Pour Nasrallah, l’accord est une “victoire” mais le Liban “n’a pas obtenu 100% de ses demandes. Dans tout ce qui s’est passé, le Liban n’a donné aucune garantie sécuritaire” à Israël, insiste le chef du Hezbollah.

Ces réactions prouvent que les Libanais vont tirer largement profit tandis qu’Israël cède sur plusieurs points. En réalité, grâce aux concessions israéliennes les véritables gagnants sont tous les citoyens libanais hostiles au Hezbollah. Tous ceux qui veulent vivre en sécurité et dans la dignité, et non dans la misère, la terreur et la guerre. 

Aoun, Nasrallah

Le Président libanais Michel Aoun accueille dans son palais une délégation du Hezbollah dirigée par Nasrallah. (Arab press)

Sur le plan géopolitique et stratégique nous constatons clairement que seuls les Etats-Unis sont capables d’être intermédiaires dans le conflit Israélo-arabe. Ils sont toujours présents au Moyen-Orient alors que les Russes perdent leur bastion syrien et sont embourbés dans une sale guerre en Ukraine.

La France du président Macron n’a pu jouer un rôle majeur dans les négociations mais a réussi à remporter un succès économique considérable avec la participation active de la compagnie pétrolière française Total. 

Israel-Lebanon Agreement

Cet accord dévoile également les fortes pressions américaines exercées sur le gouvernement israélien et rappelle notre dépendance totale à l’égard des Etats-Unis. Soulignons que nos intérêts sont souvent différents et mêmes contradictoires malgré la forte alliance stratégique. Pour pouvoir sauver notre souveraineté, notre dissuasion face à nos ennemis, et également notre honneur national, un gouvernement qui se respecte doit parfois résister aux pressions et se permettre de refuser certaines requêtes de la part de Washington.  

Pour satisfaire les Américains et surtout en tirer un profit électoral, le gouvernement actuel s’est précipité à signer cet accord en contournant toutes les procédures et en bafouant le principe sacro-saint de le présenter devant les membres de la Knesset. Le président Biden a rencontré Itzhak Herzog à la Maison Blanche dans le même but à la veille des élections au Congrès, mais aussi pour favoriser la réélection d’une coalition israélienne flexible du centre-gauche capable de céder aisément aux influences et aux pressions.

Rappelons qu’Israël est toujours en état de belligérance avec le pays du Cèdre et que le Hezbollah refuse toujours de déposer ses armes et de détruire son considérable arsenal militaire fourni principalement par l’Iran. La milice chiite considère toujours que la Galilée fait partie du Liban et que le combat contre les sionistes doit se poursuivre jusqu’à la libération de toute la Palestine et notamment de Jérusalem.

L’accord a retardé momentanément une troisième guerre avec le Liban mais il nous est interdit de se bercer d’illusions et croire à une normalisation prochaine car de toute évidence le Liban sera l’un des derniers pays arabes à reconnaître de facto et de juré l’Etat Juif.

Pour l’heure, cet accord permet une trêve très limitée dans le temps et dans l’espace. Face aux menaces du Hezbollah et à la fragilité du Liban, nous devrions demeurer vigilants et réagir avec force à toute provocation.