Israël-Egypte : réalités et pragmatisme
L’élection de Mohamed Morsi est historique et révolutionnaire. Dans ce coup de théâtre de l’absurde, l’homme qui a été emprisonné par Moubarak est entré au Palais présidentiel d’un pas feutré, sur le tapis rouge et avec tous les salamalecs. Moubarak, lui, est derrière les barreaux plongé dans un coma irréversible… Tandis que le fondateur de la confrérie des Frères musulmans, Al Banna, (grand-père de Tarik Ramadan) réalise un grand rêve… et se retourne dans sa tombe dans l’allégresse… Le grand Mufti de Jérusalem, grand défenseur de la confrérie islamique et allié d’Hitler ne peut non plus dissimuler sa joie en se frottant les mains…souillées de sang juif!
Pour de nombreux observateurs Israéliens rien n’a changé depuis le siècle dernier. La haine du juif et du sionisme est ancrée profondément dans les sociétés et les mœurs arabes et la montée des Frères musulmans au pouvoir accentue le fléau. Après l’Iran et la Turquie voilà que le pays des pharaons est dirigé par des partis islamistes. Désormais, trois grands Etats musulmans du Moyen-Orient dictent l’ordre du jour et sont en compétition pour l’hégémonie de la région. Certains sont mêmes convaincus que L’Egypte abrogera tôt ou tard le traité de paix et se lancera dans une confrontation armée contre Israël pour établir un califat sur toute la Palestine.
Bien que personne ne puisse prédire l’évolution de la situation au Proche-Orient, cette analyse pessimiste et alarmiste ne peut être crédible à court et à moyen terme et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous devons saluer le processus démocratique en Egypte, très rare dans un pays arabe. Certes, la démocratie n’est pas seulement un vote libre au suffrage universel mais comme disait très justement Pierre Mendes France c’est” un état d’esprit”, une liberté totale des droits de l’Homme et de la Femme, la liberté d’expression et de circulation. Dans ce sens, l’Egypte marche lentement mais dans la bonne direction.
Ce grand pays arabe est notre voisin et nous sommes condamnés à vivre à ses côtés. Après plusieurs guerres et des milliers de morts, Israël et l’Egypte ont signé un Traité de paix avec des garanties solides et notamment américaines. Dans ce but, un Memorandum d’accord a été conclu avec Washington pour assurer la libre navigation dans le canal et le golfe de Suez et une zone tampon a été établie dans la péninsule du Sinaï avec des activités de surveillance.
Certes, nous avons fondé de grands espoirs dans la paix et nous sommes profondément déçus mais le traité de paix avec l’Egypte est toujours valable et n’a jamais été violé par aucune partie depuis 1979, voilà déjà 33 ans. Nous préférons donc une paix froide et glaciale qu’une nouvelle guerre meurtrière qui plongerait toute la région dans le chaos et n’aboutirait à rien.
Vivant longtemps aux Etats-Unis, Mohamed Morsi connaît parfaitement les enjeux diplomatiques et économiques. Son objectif est de redorer le blason des Frères musulmans, sortir l’Egypte du marasme des affaires intérieures et ouvrir ainsi les portes de son pays aux investissements et au tourisme. Aucun pays arabe ne pourra lui apporter secours et seul l’Occident pourra trouver des remèdes aux Egyptiens, à leur misère et leur malheur, à condition bien entendu qu’il respecte les lois internationales et les valeurs universelles. Plus tard, Israël pourra aussi contribuer positivement au destin de l’Egypte dans le domaine de l’agriculture et de l’eau. Ses experts sont orfèvres en la matière et mondialement reconnus.
Dans ce contexte, Morsi choisira le double jeu. La patience et la ruse sont ses armes. Sans pour autant modifier l’idéologie de sa confrérie, il tentera toujours d’appliquer certaines règles occidentales et parallèlement adoptera la charia selon les vœux du chef spirituel.
Dans un premier temps, le pragmatisme et les réalités sur le terrain l’emporteront sur la religion islamique, conscient que seule la moitié du peuple a voté pour lui et les généraux ont préféré l’élection de son adversaire. Morsi sera mis à l’épreuve lors d’un nouveau conflit frontalier, au moment de la reprise des hostilités dans la bande de Gaza ou dans le nord du pays contre le Hezbollah.
D’ici là, le gouvernement israélien devra poursuivre ses contacts avec l’armée égyptienne, toujours maître du pays, pour éradiquer ensemble le terrorisme dans la péninsule du Sinaï. Il devrait la mettre en garde devant une nouvelle escalade.
Jérusalem respectera tous ses accords à la lettre et souhaite entretenir de bonnes relations avec ses voisins et notamment avec les Palestiniens. Toutefois, Israël ne pourra plus tolérer la provocation et les violations à l’encontre de sa souveraineté et ses citoyens, l’Etat juif est toujours capable de brouiller les cartes stratégiques et de frapper très fort dans le cas d’un casus belli.