Iran-Talibans – ennemis hier, alliés aujourd’hui ?
En 1994 les Talibans ont émergé en tant que force politique en Afghanistan et sont devenus très vite hostiles à leur voisin occidental, l’Iran. Ils représentaient les extrêmes de la division sunnite-chiite avec un même système politique affirmant que leur chef est le leader de tous les musulmans.
Sur le plan historique rappelons que l’Empire perse, alors connu sous le nom safavide, avait officiellement fait du chiisme sa religion d’État. Cet empire s’étendait bien au-delà des frontières actuelles de l’Iran.
À l’Est, il avait conquis la région de la ville afghane d’aujourd’hui, Herat. Soulignons également que l’une des principales langues d’Afghanistan, le dari, est un dialecte du farsi, la langue persane. Tel que le farsi, le dari utilise l’alphabet arabe. La récupération des territoires perses perdus a été l’un des buts de la politique iranienne envers le monde arabe et pourrait bien servir de motif aux Iraniens dans leurs relations avec leurs voisins de l’Est, en particulier l’Afghanistan.
Les Talibans sunnites appartenaient au groupe ethnique pachtoune d’Afghanistan, représentant environ 40% de la population.
La population chiite d’Iran comptait en 2019 près de 83 millions d’habitants tandis que celle d’Afghanistan n’avait que 38 millions.
Le potentiel de tensions entre l’Iran et l’Afghanistan était donc considérable. En 1997, les talibans se sont battus contre l’un de leurs plus grands rivaux nationaux, les Hazaras, des chiites ethniques vivant en Afghanistan, mais qui ne constituaient que 10 à 15 % de sa population. Pendant cette période, de nombreux chiites afghans ont fui vers l’Iran, et ont vécu dans des camps de réfugiés.
L’objectif des talibans était de nettoyer ethniquement le nord de l’Afghanistan de sa population chiite. Ils devaient choisir à se convertir à l’islam sunnite, à quitter l’Iran ou mourir. Les femmes ont été prises comme esclaves sexuelles.
Pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988), l’Iran s’est retrouvé isolé car il a dû faire face à la puissance des pays du monde arabe sunnite ainsi que d’autres États. Le poids démographique des communautés chiites en Afghanistan et peut-être au Pakistan pourrait aider l’Iran à remédier à ce déséquilibre.
À la fin des années 1990, l’Iran et les talibans ont failli entrer en guerre.
70 000 Gardiens de la Révolution iraniens appuyés par des chars et avions avaient entrepris des manœuvres militaires le long de la frontière afghane. En octobre 1998, l’Iran avait mobilisé 200 000 soldats et a également commencé une série d’exercices le long de cette frontière.
Les Gardiens de la Révolution iranienne ont poursuivi une stratégie consistant à fournir des armes et de l’argent aux unités talibanes ainsi qu’à former des combattants.
L’Iran a ensuite déployé la division afghane Fatemiyoun en Syrie, qui est devenue avec ses 18 000 combattants la plus forte milice externe impliquée dans les combats depuis le début de la guerre civile déclenchée en 2011.
L’Iran emploie cette milice afghane en Syrie afin de faire avancer ses intérêts au Levant. Elle a été utilisé pour promouvoir la guerre de l’Iran contre l’Etat islamique sur le territoire syrien. Cependant, cette milice chiite pourra un jour combattre contre Israël.
La division Fatemiyoun syrienne a été désignée par Washington comme organisation terroriste internationale pour le soutien qu’elle a apporté aux Gardiens de la Révolution iranienne.
L’Iran et les talibans étaient donc déterminés à affaiblir la puissance américaine en Afghanistan. Aujourd’hui, avec le départ des troupes américaines de Kaboul, une coopération irano-afghane n’est-elle pas à l’ordre du jour ?
Dans ce contexte, il est fort probable que l’Iran poursuivra sa politique d’expansionnisme non seulement envers l’Afghanistan mais à l’égard de l’ensemble des pays du Moyen-Orient.