Frontières défendables pour la sécurité de l’Etat d’Israël

Le président du Centre des Affaires publiques et de l’Etat-JCPA-CAPE de Jérusalem, l’Ambassadeur Dore Gold, vient de publier une nouvelle étude pour garantir à l’Etat Juif des frontières sûres et défendables. Le général de brigade, Yossi Kupervasser, ancien chef du département de recherche au sein des services du Renseignement militaire de Tsahal a contribué à cette importante étude. Voici des extraits :

Les enjeux militaires et stratégiques

Sur le plan sécuritaire et militaire des frontières défendables permettront à Israël de se défendre efficacement par lui-même. Le but est de dissuader, contrecarrer, et alerter en temps réel toutes les menaces incluant :

La dimension territoriale : menaces en provenance de régions éloignées et de celles adjacentes à Israël ainsi que des territoires contrôlés par Tsahal.

La dimension temporelle : menaces omniprésentes et celles prévues à moyen et long terme.

La dimension militaire : menaces conventionnelles et non conventionnelles, toutes sortes de menaces terroristes : actions terrestres, menaces souterraines, activités aériennes incluant avions, drones, missiles balistiques et de croisière, menaces navales et autres.

D’autres menaces supplémentaires sont à prévoir dans le cadre d’une guerre cybernétique notamment contre les sources d’eau et la sécurité des communications.

Vallée du Jourdain

Vallée du Jourdain

Des frontières défendables ne signifient pas nécessairement que toutes les menaces peuvent être mieux traitées à partir de la même ligne, mais que toutes les ressources nécessaires pour répondre aux besoins de défense d’Israël se trouvent à l’intérieur de ses frontières. De ce point de vue, spécifique à l’Etat d’Israël, ils doivent tenir compte de la topographie, de la démographie, des événements historiques et de la situation politique.

Israël n’a qu’une largeur très étroite et une petite population par rapport à celle de ses adversaires actuels et potentiels. Il manque de profondeur stratégique et ses forces armées doivent compter sur les réservistes pour pouvoir s’acquitter de sa mission, surtout en temps de guerre. Ses zones les plus densément peuplées sont très proches de territoires dont la population est exposée à un endoctrinement haineux permanent.

Les régimes et les pays voisins souffrent aussi d’une instabilité inhérente.

Certains ennemis d’Israël, en particulier l’Iran, sont déterminés à l’effacer de la carte. Les Iraniens disposent de vastes ressources et sont en mesure d’acquérir et de fabriquer des armes sophistiquées. Tous ces éléments doivent être pris en compte lors du tracé des frontières défendables pour l’Etat d’Israël.

Vallée du Jourdain

Vallée du Jourdain

Il est vrai, bien sûr, qu’Israël dispose de capacités militaires impressionnantes, mais leur efficacité risque d’être considérablement compromise. Le déploiement militaire de Tsahal doit lui permettre de contrecarrer les tentatives d’acheminement d’armes (y compris des roquettes et des drones) aux terroristes ou à des forces militaires étrangères dans des zones contrôlées par les Palestiniens de Cisjordanie ainsi que ceux vivant dans la rive orientale du Jourdain.

Toutes les missions de Tsahal ne peuvent être accomplies sans pouvoir déployer des forces dans des zones proches du fleuve et sur le versant oriental de la crête montagneuse. Elle domine la vallée du Jourdain à des fins d’observation et de collecte de renseignements nécessaires pour alerter les dangers et pour contrecarrer des tentatives d’attaque ou d’infiltration. Cela permet à Israël d’épargner les centres urbains et ses infrastructures stratégiques. Il va de soi que la présence sur le terrain n’exclue pas un contrôle absolu de l’espace aérien et du spectre électromagnétique sur tout le territoire de la Cisjordanie.

De plus, la présence militaire israélienne est un atout stratégiquement important sur la dissuasion et la stabilité de la région au-delà de la frontière Est.

Dans ce contexte spécifique, il est clair qu’Israël ne peut pas compter sur des forces étrangères.

Un déploiement des forces de Tsahal le long des lignes d’armistice d’avant juin 1967, ne pourra pas protéger les principales villes de la plaine côtière, les infrastructures ainsi que la collecte d’informations. Il ne pourra non plus empêcher des livraisons importantes d’armes aux territoires sous contrôle palestinien ou la production locale de diverses armes.

L’argument selon lequel les forces armées israéliennes sont beaucoup plus fortes que les Palestiniens, et donc elles peuvent se déplacer vers des frontières moins défendables dans le cadre d’un accord de paix n’est pas un argument solide comme dire que si cet accord est violé par les Palestiniens, Israël pourra reconquérir le territoire.

Ces suppositions sont sans fondement pour deux raisons principales :

Les Palestiniens pourront accumuler un nombre considérable d’armes et de capacités militaires avant de déclencher les hostilités. La reconquête du territoire causera des pertes aux troupes israéliennes mais aussi à la population civile et aux infrastructures.

Soulignons qu’il s’agit d’un combat acharné contre « une force hybride », à la fois terroriste et conventionnelle et même non conventionnelle.

Elle se bat derrière des boucliers humains formant un énorme défi pour chaque armée moderne. Tant que les Palestiniens poursuivent leur lutte armée contre Israël par étapes et considèrent la défaite complète du sionisme comme leur objectif ultime, toute initiative de ce genre est extrêmement irresponsable. Le cas de Gaza est un précédent éclairant, tout comme l’Afghanistan, le Vietnam, le Liban, le Sinaï, la Somalie et d’autres conflits à travers les continents.

En conclusion, la seule frontière qui peut être considérée comme défendable pour l’État d’Israël demeure donc la vallée du Jourdain.

Rappel historique et aspects diplomatiques

Les préoccupations sécuritaires de l’Etat d’Israël justifient ses revendications légitimes à des frontières défendables. En réalité, elles se réfèrent dans la fameuse Résolution 242 adoptée le 22 novembre 1967 par le Conseil de sécurité des Nations Unies. C’est bien le droit d’Israël, comme tout autre pays, à vivre enfin dans des « frontières sûres et reconnues ».

Juste après la guerre des Six Jours, le Secrétaire d’Etat américain à la Défense, Robert McNamara, avait interrogé le chef des armées, le général Earle Wheeler : « quel serait selon-vous le « territoire » qu’Israël pourrait conserver afin de lui permettre une défense plus efficace ? » Le général Wheeler répondit le 29 juin 1967 dans un mémorandum : « d’un point de vue strictement militaire, Israël devrait exiger le maintien de certains territoires arabes conquis afin de lui fournir des frontières militairement défendables. En ce qui concerne spécifiquement la Cisjordanie, il est nécessaire d’avoir un rempart « une frontière le long du territoire dominant et surplombant le Jourdain, cette ligne de défense devrait inclure la crête montagneuse. »

John Kerry, Moshe Ya'alon

John Kerry, Moshe Ya’alon (U.S. Embassy in Tel Aviv)

Depuis la guerre des Six Jours et malgré d’intenses efforts déployés dans les capitales occidentales pour deviner les revendications sécuritaires de l’Etat Juif, les dirigeants israéliens et les architectes de la sécurité nationale ont insisté conserver des « frontières défendables » pour assurer une paix durable et viable.

En 2004, le président George W. Bush avait écrit au Premier ministre Ariel Sharon : « Les États-Unis réitèrent leur ferme engagement à la sécurité d’Israël, y compris des frontières sûres et défendables pour préserver et renforcer la capacité de dissuasion d’Israël et à lui permettre de se défendre, par lui-même. »

Le général Shlomo Yanai a publié en 2005 une étude sur les « exigences sécuritaires fondamentales d’Israël » en concluant : « Malgré les progrès technologiques des systèmes de défense modernes et de la guerre, le contrôle des hauteurs reste un élément essentiel de la doctrine sécuritaire nationale. »

En 2019, l’ancien chef d’état-major de Tsahal, Gadi Eizenkot inclut des « frontières défendables » parmi sept principes qui pourront sauvegarder la défense militaire d’Israël.

Face aux menaces de l’Iran et des milices terroristes islamistes, la topographie et la profondeur stratégique demeurent importantes et essentielles, tout comme les revendications légitimes d’Israël à des frontières défendables.

Prenons, pour exemple, la guerre du Yom Kippour d’octobre 1973. Israël avait déployé 177 chars sur les hauteurs du Golan, tandis que la Syrie disposait à l’époque de 1400 chars allant de la zone frontalière à Damas. Le terrain des hauteurs du Golan était donc un facteur crucial sur lequel Israël s’est appuyé pour neutraliser la supériorité numérique de la Syrie.

Après la guerre des Six jours, la communauté internationale a donc reconnu la nécessité de répondre aux préoccupations israéliennes par la résolution 242 du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée à l’unanimité et servie de base à tous les traités de paix israélo-arabes.

Cette résolution n’a jamais demandé à Israël de se retirer de tous les territoires. La version anglaise adoptée n’était pas le résultat d’une faute de frappe mais plutôt d’intenses contacts diplomatiques entre les membres permanents du Conseil de sécurité.

Uzi Narkiss (à gauche), Moshe Dayan et Yitzhak Rabin

Uzi Narkiss (à gauche), Moshe Dayan et Yitzhak Rabin (à droite) entrent dans la vieille ville de Jérusalem, 1967 (Ilan Broner / GPO)

L’ambassadeur britannique à l’ONU, Lord Caradon, avait admis qu’il ne pourrait y avoir un retrait sur les lignes d’armistice de 1967. Le ministre israélien des Affaires étrangères, Abba Eban, déclarait que la résolution 242 laissait ainsi ouverte la possibilité d’une « révision territoriale ». En effet, ces révisions faisaient partie de la diplomatie d’après-guerre après de nombreux conflits antérieurs dont celle de la Seconde Guerre mondiale.

La résolution 242 a été incorporée dans chaque traité de paix ultérieur entre Israël et ses voisins. Elle faisait partie de l’invitation à la Conférence de paix de Madrid de 1991 rédigée par la Russie et les États-Unis, ses coauteurs. L’un des principes qui apparaissaient constamment dans les déclarations américaines sur le Moyen-Orient précisaient qu’Israël avait le droit d’obtenir des « frontières défendables », que reflétaient, en effet, la Résolution 242 et les diverses missives présidentielles aux dirigeants israéliens.

Yigal Allon, qui fut un commandant légendaire durant la guerre de l’Indépendance, avait insisté dans une conversation avec le Secrétaire d’État américain, Cyrus Vance, que les armes modernes font de la topographie et de la géographie des éléments indispensables dans tout règlement. » Allon fut à l’époque ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement Yitzhak Rabin en 1974. La vision d’Allon a sans aucun doute influencé l’approche de Rabin en matière de rétablissement de la paix, comme le montre son dernier discours à la Knesset, prononcé en octobre 1995 : « Les frontières de l’État d’Israël, dans le cadre du statut permanent seront au-delà des limites qui existaient avant la Guerre des Six Jours. Nous ne reviendrons jamais sur les lignes d’armistices du 4 juin 1967. »

Rabin ne croyait manifestement pas que la paix seule pouvait garantir la sécurité d’Israël. Il ressentait la nécessité de réitérer ce point sur la nature problématique de la ligne de 1967, deux ans après la signature des Accords d’Oslo de 1993 par son gouvernement et même après l’achèvement du Traité de paix signé avec la Jordanie en 1994.

Le 14 juin 2004, le président George W. Bush avait envoyé une missive au Premier ministre Ariel Sharon dans laquelle il déclarait : « Les États-Unis réitèrent leur engagement inébranlable à la sécurité d’Israël, y compris des frontières sûres et défendables pour préserver et renforcer la capacité d’Israël à se dissuader et à se défendre par lui-même, contre toute menace. » Une semaine après, la Chambre des représentants des États-Unis et le Sénat adoptent des résolutions soutenant la lettre du président Bush par une majorité écrasante du Congrès.

La vision de « frontières défendables » est également apparue dans le discours du Premier ministre Benjamin Nétanyahou à l’Université de Bar-Ilan en juin 2009.

Il avait déclaré que dans le cadre d’un règlement de paix « Israël devrait avoir des frontières défendables et préserver Jérusalem comme étant la capitale indivisible de l’Etat d’Israël. »

La vision de Netanyahou a été appuyée par son ministre de la Défense, Moshe Yaalon. Il avait déjà en 2006 présenté devant Washington Institute for Near East Policy, le point de vue israélien sur des « Frontières défendables pour Israël ». Bien qu’il y ait eu après une rupture politique entre Netanyahu et Yaalon, leurs points de vue sur cette question n’a pas changé à ce jour et demeure identique.

Frappe de drone par le groupe Houthi du Yémen aligné sur l'Iran sur les installations de traitement du pétrole de la société saoudienne Aramco à Abqaiq, en Arabie saoudite, le 14 septembre 2019.

Frappe de drone par le groupe Houthi du Yémen aligné sur l’Iran sur les installations de traitement du pétrole de la société saoudienne Aramco à Abqaiq, en Arabie saoudite, le 14 septembre 2019. Capture d’écran des réseaux sociaux)

Depuis, une nouvelle génération d’experts en sécurité critique les droits légitimes d’Israël et ses exigences en matière de frontières défendables. Cela fut le cas durant l’administration Obama, qui prétendait que les menaces contre Israël n’étaient plus en provenance des Etats arabes mais des actes terroristes occasionnels. Ainsi, les besoins de sécurité d’Israël sont différents puisque les menaces avaient considérablement diminué.

Tunnel de contrebande à Rafah, 2009

Tunnel de contrebande à Rafah, 2009 (Marius Arnesen / Flickr / CC BY-SA 3.0 NO)

Aujourd’hui, la réalité sur le terrain est toute autre et les menaces proches et lointaines sont omniprésentes.

Voir l’intégralité de cette étude en PDF sur le site anglais du JCPA-CAPE https://jcpa.org/defensible-borders-for-israel-an-updated-response-to-advocates-and-skeptics/