Ehoud Olmert, l’homme aux multiples casquettes
Né en 1945 près de Binyamina, en Palestine mandataire, Ehoud Olmert est le fils de Bella et Mordekhaï, deux rescapés des persécutions russes qui, contre toute attente, trouvent refuge à Harbin, en Chine. Leur périple s’achève pourtant en Israël, où ils concrétisent enfin le rêve sioniste et s’engagent immédiatement dans l’Irgoun – organisation paramilitaire sioniste. Membre du Hérout, parti d’opposition à la formation de gauche Mapaï dirigée par David Ben Gourion, Olmert-père devient l’un des piliers du mouvement sioniste révisionniste de Jabotinsky et va même siéger à la Knesset aux côtés de Menahem Begin entre 1955 et 1961. Un militantisme à toute épreuve qui ne manquera pas de laisser son empreinte sur son fils Ehoud.
L’homme de toutes les situations
A l’armée, il s’engage dans les rangs de la brigade Golani mais est rapidement blessé et doit reporter son service. Il finira par le compléter, après ses études, en tant que journaliste pour le magazine de Tsahal, Bamahané. Mission qui l’amènera par ailleurs à servir de correspondant militaire aux quartiers généraux d’Ariel Sharon pendant la guerre de Kippour. Diplômé en psychologie, en philosophie et en droit, Olmert ouvre un cabinet d’avocat avant d’entamer une longue et tumultueuse carrière politique. Politicien précoce, il est élu député pour la première fois en 1973 à l’âge de 28 ans et sera plébiscité à sept reprises consécutives.
Un sens naturel pour les affaires publiques couplé à une grande faculté d’adaptation et de compréhension de sujets très variés lui ouvrent alors la porte à bon nombre de postes très convoités. Olmert est l’homme de toutes les situations. Entre 1981 et 1989, il rejoint la commission parlementaire des affaires étrangères puis celles des finances, de l’éducation et du budget de la défense. Ministre sans portefeuille entre 1988 et 1990, il se charge essentiellement de la question des minorités, puis prend les rênes de la Santé jusqu’en 1992. Mis à part un CV exemplaire, la “bête politique” ne manque pas non plus de sang-froid. En 1966, d’abord, lorsqu’il appelle à la démission du Premier ministre Menahem Begin, pendant une convention politique du parti Gahal (ancêtre du Likoud). Puis, en 1992 : le Likoud est battu aux élections législatives et, plutôt que de se contenter de siéger dans l’opposition, Ehoud Olmert se lance à la conquête de la mairie de Jérusalem.
Premier membre du Likoud à assumer la gestion de la capitale israélienne, Olmert exécute deux mandats successifs de maire entre 1993 et 2003. Période durant laquelle il s’attaque à plusieurs fronts, dont notamment l’amélioration du système d’éducation et des infrastructures routières. Il est à l’origine du projet de tramway de Jérusalem et du développement d’un réseau de transports de masse. C’est aussi à cette époque que remontent les premières accusations de fraude pour lesquelles il est aujourd’hui soumis à pas moins de six enquêtes judiciaires. Qui dit responsabilités politiques, dit tentations personnelles. Celles d’Ehoud Olmert ne sont plus un secret. Ses “erreurs” – qu’il ne semble d’ailleurs cacher qu’à moitié – ne l’empêchent pas pour autant de réaliser ses nouvelles ambitions.
Sous l’ombre d’un géant
A la tête de la campagne électorale du Likoud pour les législatives de 2003, Olmert, fidèle à lui-même, rafle plusieurs ministères pendant les trois années de gouvernement Sharon : à l’Industrie et au Commerce d’abord, puis au ministère de l’Information. Il reprend les Finances en août 2005, après la démission de Binyamin Netanyahou, opposé au désengagement de la bande de Gaza. Lui-même hostile aux concessions territoriales, Olmert avait voté contre les accords de paix de Camp David en 1978 avant de défendre bec et ongles le retrait de 2005. “J’avais voté contre Menahem Begin (…). Je lui avais dit que c’était une erreur historique (…). Maintenant je suis désolé qu’il ne soit plus en vie pour m’entendre reconnaître publiquement sa sagesse et mon erreur. Il avait raison et j’avais tort. Grâce à Dieu, nous nous sommes retirés du Sinaï”, confiait-il aux journalistes du Washington Post, en août 2005. Trois mois plus tard, Sharon se séparait du Likoud pour former le parti centriste Kadima, avec Olmert à ses côtés.
Soudain, tout se précipite. Le 4 janvier 2006, Sharon est hospitalisé suite à une attaque cardiaque et Olmert, Premier ministre par intérim, prend provisoirement la tête du gouvernement. La stabilité du parti étant menacée, il s’efforce de retenir quelques insoumis qui envisagent de retrouver leur camp d’origine. Comme si le défi Kadima ne lui suffisait pas, Ehoud Olmert reste à la tête du gouvernement : les élections législatives de mars 2006 confirment la place du parti centriste au pouvoir, avec une majorité de 29 sièges à la Knesset. Olmert Premier ministre a le goût du risque. Ses premières déclarations sont sans équivoque : “Le choix entre permettre aux Juifs de vivre dans toutes les parties de la terre d’Israël et de vivre dans un Etat avec une majorité juive nous amène à rendre des portions de la Terre d’Israël.” Fidèle aux ambitions de son prédécesseur ou tout simplement disposé à tourner une nouvelle page, le faucon du Likoud s’est définitivement envolé.
De l’homme d’Etat à l’homme invisible
Si Olmert se montre particulièrement doué pour gravir les échelons politiques à la vitesse grand V, son manque d’expérience militaire lui fait cruellement défaut. En juin 2006, l’Etat hébreu subit les attaques quotidiennes du Hezbollah à sa frontière Nord. Olmert mobilise une armée sous-équipée et mal préparée. Deux soldats sont enlevés. L’échec est complet. Un cessez-le-feu est déclaré deux mois plus tard et pourtant rien n’est réglé. L’image d’inefficacité du Premier ministre couplée à la longue liste de fraudes dans lesquelles il est impliqué le placent progressivement hors jeu. Confortablement assis dans son fauteuil de Premier ministre, Olmert parvient à surmonter le torrent de semonces post-Liban. Il devient néanmoins de plus en plus difficile de prendre sa défense et, peu à peu, le Premier ministre commence à s’effacer derrière les figures de proue de son gouvernement.
Noyé sous les pressions extérieures et une – tardive – crise de légitimité, Olmert annonce en septembre 2008 qu’il ne se représentera pas à la tête de Kadima. Il est alors remplacé par la chef de la diplomatie, Tzipi Livni, qui ne parvient pas à former un nouveau gouvernement de coalition, offrant ainsi un sursis de quelques mois au Premier ministre sortant. Certains le soupçonnent, depuis, d’adopter une nouvelle stratégie. Un ton plus conciliant, histoire de sauver la face. Les élections législatives du 10 février 2009 ont néanmoins sonné le glas d’une carrière politique pour le moins atypique. Olmert devra bientôt tirer sa révérence. Son héritage ? Inconnu. Le personnage, en revanche, restera dans nos mémoires comme un politicien astuciueux, dont on n’est jamais réellement parvenu à se séparer…
Annica Pommeray, Jerusalem Post