Document : la position de la France au Conseil de sécurité

Le 30 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU a rejeté un projet de résolution palestinien présenté par la Jordanie. Le projet n’a recueilli que 8 votes pour, dont celui de la France, contre 2 (les Etats-Unis et l’Australie) et 5 abstentions.

A l’issue du vote, le représentant français à l’ONU, François Delattre, a expliqué la position de la France, et notamment pourquoi elle avait décidé de voter en faveur d’un texte dont elle souligne dans le même temps les imperfections et les manquements : Voter pour, a en effet déclaré Delattre « ne signifie pas que ce texte soit idéal. Certaines des formulations retenues suscitent des réserves de notre part, tout comme la méthode qui a été adoptée pour le présenter.»

Voici l’intégralité de l’explication de vote de l’Ambassadeur Delattre :

« Monsieur le Président,

Depuis l’arrêt des pourparlers de paix en avril dernier, la situation s’est détériorée. Nous faisons face à deux menaces :

— d’un côté, la solution nécessaire des deux Etats est en passe de devenir un mirage. La poursuite illégale de la colonisation obère la viabilité d’un Etat palestinien sur le terrain. En Israël comme en Palestine, les opinions publiques se radicalisent ;

— de l’autre, les cycles de violences s’accélèrent de Gaza à la Cisjordanie en passant par Jérusalem. Les conditions sont réunies pour un embrasement généralisé.

Nous connaissons le cœur du problème : l’absence d’horizon politique répondant aux exigences légitimes des deux peuples israélien et palestinien. Pour les Palestiniens, l’aspiration à un Etat souverain et indépendant ; pour les Israéliens, la garantie d’une sécurité durable. Ces deux revendications légitimes ne pourront être résolues qu’en avançant vers la solution connue de tous : celle du partage d’un territoire qui permette de voir émerger deux Etats pour deux peuples.

Monsieur le Président,

La France croit en la possibilité d’un règlement définitif et juste pour les parties. Nous devons nous donner les moyens d’y parvenir. Ces moyens sont collectifs. L’échec successif des négociations depuis vingt ans nous rappelle que le processus de paix tel que nous le pratiquons doit évoluer. Les parties ne peuvent, pour des raisons largement intérieures, prendre seules les décisions difficiles qu’impose la conclusion de la négociation. Les Etats-Unis ne peuvent pas seuls porter le fardeau de la recherche de cette paix difficile. Après plus de vingt-cinq ans de négociation, il importe que la communauté internationale partage le poids de ces négociations, qu’elle en porte une part de la responsabilité politique et historique.

La France est déterminée à favoriser l’émergence d’une méthode qui permette un accompagnement plus étroit des négociations par les partenaires internationaux concernés, en complément et en appui du rôle majeur de Washington, notamment l’Union européenne, la Ligue arabe et les membres permanents de ce Conseil.

Cet effort collectif doit s’appuyer sur un fondement incontestable que seul peut offrir le Conseil de sécurité, pour crédibiliser les négociations. Il nous incombe d’agréer les paramètres internationalement reconnus du règlement du conflit et des négociations qui doivent mener à la satisfaction des diverses revendications.

C’est ce à quoi ce Conseil et ses membres étaient appelés aujourd’hui. A exercer pleinement leur responsabilité au titre du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Monsieur le Président,

C’est dans cette perspective que nous avons appelé avec constance ce Conseil à agir afin de fixer une base crédible pour la paix. La France a voulu offrir – sous la forme d’un projet de résolution – une alternative constructive, raisonnable et consensuelle au projet palestinien initial afin que le Conseil de sécurité devienne un acteur positif du conflit et non le théâtre des protestations, des déclarations théoriques et des vetos successifs.

Face à cette démarche positive et de bonne volonté, aucune négociation crédible n’a malheureusement pu encore être engagée, et ce alors même que la détérioration de la situation sur le terrain commande d’agir sans attendre.

C’est donc poussés par l’urgence à agir, par la nécessité profonde d’une adaptation de méthode, par la responsabilité qui incombe à chaque membre du Conseil de sécurité, que nous avons voté en faveur de la résolution présentée par la Jordanie.

Ceci ne signifie pas que ce texte soit idéal. Certaines des formulations retenues suscitent des réserves de notre part, tout comme la méthode qui a été adoptée pour le présenter. Nous aurions préféré et nous continuons de souhaiter une démarche consensuelle pour rassembler tous les membres de ce Conseil autour de la vision claire, et bien connue, d’un Etat palestinien indépendant, souverain et démocrate, vivant dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël, avec Jérusalem pour capitale de ces deux Etats.

Car, si les modalités d’une solution juste pour les réfugiés palestiniens, ou le détail des arrangements de sécurité – et notamment du retrait des forces israéliennes -, relèvent de l’accord à conclure entre les parties, nous pouvons et nous devons pouvoir poser collectivement les grands paramètres de ces négociations. Nous devons également pouvoir fixer un calendrier clair pour leur conclusion – car quelle crédibilité donner à une négociation dont on ne verrait jamais le terme ? Le projet avancé par la France permet tout cela.

Monsieur le Président,

La France regrette qu’il ne soit pas possible aujourd’hui d’aboutir à un consensus sur ces points qui devraient réunir la communauté internationale. Mais nos efforts ne doivent pas s’arrêter là ; notre responsabilité est d’essayer encore. Avant qu’il ne soit trop tard.

La France poursuivra donc son action. Je vous remercie.»

Texte reproduit sur le site de la Représentation permanente de la France à l’ONU.

Le CAPE