Le curieux et inquiétant ultimatum français

wikipedia-alan-bakerLe 28 janvier 2016, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a adressé un curieux et inquiétant ultimatum au gouvernement israélien.

Dans un communiqué publié après une rencontre avec le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, il explique que si les efforts de la France ne réussissent pas à sortir les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens de l’impasse, eh bien, la France prendra ses responsabilités en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et reconnaîtra l’Etat palestinien.

Cet ultimatum curieux, sans précédent dans les annales de la diplomatie, est bien loin d’être amical. Il soulève des questions juridiques et diplomatiques concernant la position de la France, dans le contexte du processus de paix israélo-arabe, mais aussi sur ses “responsabilités” en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

La France, qui est membre principal de l’Union européenne, a approuvé et signé en tant que témoin l’Accord intérimaire israélo-palestinien de 1995 sur la Cisjordanie et la bande de Gaza. Cet accord constitue une reconnaissance  internationale du processus de paix israélo-palestinien.

Par son initiative unilatérale, la France sape cet accord car les engagements énoncés de négocier le statut permanent des territoires ainsi que d’autres questions essentielles comme Jérusalem, les frontières, les implantations et les réfugiés, sont des obligations palestiniennes et israéliennes solennelles. La France, avec ses partenaires de l’UE, ainsi que les États-Unis, la Russie, l’Egypte, la Jordanie et la Norvège sont tenus d’honorer cet accord.

De même, l’Assemblée générale des Nations-Unies dans sa résolution A/50/21 du 4 décembre 1995, soutenue par la France, a exprimé son plein appui aux accords d’Oslo et au processus de négociation de paix.

En sa qualité à la fois de témoin de cet accord et de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, il est du devoir de la France de ne pas saper cet accord et son processus, ni de préjuger des questions qui sont encore ouvertes à la négociation.

En menaçant de reconnaître unilatéralement et arbitrairement un Etat palestinien, la France apporte un préjugé à la question du statut permanent des Territoires car l’accord en question stipule sans équivoque qu’aucune mesure ne sera prise pour«  changer le statut de la Cisjordanie et de la bande de Gaza dans l’attente du résultat des négociations sur le statut permanent. »

Ainsi, en agissant unilatéralement pour organiser une conférence internationale réunissant les parties et leurs principaux partenaires – Américains, Européens, et Arabes – afin d’adopter une nouvelle résolution, la France tente de contourner et de saper un processus de négociation exigé par l’ONU. Ce processus figure en effet depuis 1967 dans plusieurs résolutions.

Par son initiative, la France viole également les divers engagements réciproques entre la direction palestinienne et Israël, et notamment la missive de Yasser Arafat adressée à Yitzhak Rabin en date du 9 septembre 1993, dans laquelle Arafat déclarait que « toutes les questions en suspens relatives au statut permanent seront résolues par la négociation ».

La déclaration du ministre français des Affaires étrangères semble être l’antithèse même de ce qui est à attendre d’un membre permanent respecté et responsable du Conseil de sécurité.

De ce fait et compte-tenu de tous ces arguments, le gouvernement français devrait reconsidérer son initiative. Cette position française est imprudente, irresponsable et dommageable.

Alan Baker


Pour citer cet article :

Alan Baker, « Le curieux et inquiétant ultimatum français », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/curieux-inquietant-ultimatum-francais/


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