Construire une paix positive

Le concept de « paix positive » figure au centre de la réflexion théorique sur la construction de la paix. Selon la littérature consacrée à la résolution des conflits, cette forme de paix repose sur quatre conditions fondamentales :

1 – La reconnaissance/acceptation mutuelle et la réconciliation : dans notre contexte, l’acceptation réciproque de l’autodétermination nationale des deux parties au conflit, Israéliens et Palestiniens ;

2 – La sécurité et le respect à l’endroit de chaque communauté et de chaque nation ;

3 – Des relations de coopération croisées, entre les nations, les communautés, et les institutions ;

4 – La définition d’un processus dynamique et non-violent de résolution des conflits et des différends. (1)

Au début du processus d’Oslo, les protagonistes n’utilisaient pas le vocabulaire des études scientifiques sur la paix. À l’exception notable des Palestiniens, les parties concernées partageaient une vision commune du genre de paix à atteindre. Au début des années 90, l’idée d’une « paix démocratique » était dominante. On estimait généralement que les démocraties avaient une inclination naturelle pour la paix et qu’en conséquence des pays démocratiques voisins ne pouvaient pas se faire la guerre. L’Union soviétique a implosé peu de temps après. Cet évènement majeur a été suivi de nombreuses expériences de transition vers la démocratie en Europe de l’Est. On a cru que ce mouvement déteindrait sur le Moyen-Orient et favoriserait l’émergence de sociétés civiles sauvegardant les droits de l’homme. (2) Les universitaires et hommes politiques se souvenaient du modèle européen proposé en premier par Jean Monnet (1888-1979). Il consistait « à remplacer la haine entre la France et l’Allemagne par un tissu de relations d’interdépendance. » (3) Un grand optimisme prévalait, et on imaginait même que l’entité palestinienne en gestation deviendrait la première démocratie arabe, en intégrant certaines caractéristiques des sociétés occidentales modernes. (4)

Il y a différents types de paix, avec leurs caractéristiques propres. Alicia Cabezudo et Magnus Havelsrud les ont analysés : pour eux « la paix positive apparaît quand la justice sociale se substitue à la violence». A l’inverse de la paix négative, la paix positive ne se limite pas à l’idée de débarrasser simplement la société de la violence: elle exige d’introduire des relations nouvelles et des formes de justice sociale. (5) Johan Galtung, qui a fondé cette école de pensée, expliquait que tout conflit s’inscrivait dans un triangle : la violence directe, la violence indirecte ou structurelle, et la violence culturelle. Mettre un terme à la violence directe seule n’est pas suffisant pour obtenir une paix positive ; il faut aussi mettre fin à la violence culturelle et structurelle qui sont parties intégrantes du problème. (6) Le présent article étudie le conflit israélo-palestinien à la lumière des enseignements de l’école de Galtung. Les acteurs politiques du conflit souhaitant sortir de l’impasse devraient s’en inspirer, et adopter une approche significativement différente. (7)

Barouch Spinoza écrivait en 1670 que « la paix n’est pas l’absence de guerre, c’est une vertu, un état d’esprit, une disposition pour la générosité, la confiance, [et] la justice. » (8) Récemment, Shlomo Avineri utilisait cette référence en décrivant la paix froide avec l’Égypte et la politique d’incitation à la haine de cet État contre Israël, concluant en 2001 que « la paix n’est pas seulement l’absence de guerre. » (9)

Dès 1969, Yehoshafat Harkabi, le véritable pionnier de l’étude des comportements arabes vis-à-vis d’Israël, identifiait une premier détournement de ce qui devrait être une démarche de paix. « Ce qu’ils [les États arabes] veulent, c’est consentir au plus un armistice, et utiliser la pression des grandes puissances, pour le faire payer cher à Israël.» (10) La formule « combattre et négocier en même temps » chère aux théoriciens de la Guerre populaire va dans le même sens. La vision de la paix d’Arafat s’inscrivait dans cette logique. Au cours de sa visite au Venezuela en 1980, il déclarait : «Pour nous la paix signifie la destruction d’Israël. Nous sommes prêts à une guerre totale, une guerre qui durera pendant des générations… Nous ne prendrons aucun repos jusqu’au jour où nous serons de retour dans nos maisons et où nous aurons détruit Israël… La destruction d’Israël est le but de notre lutte, et nous nous tenons fermement aux principes directeurs de cette lutte depuis la création du Fatah en 1965. » (11) Ces exemples, la paix froide, un armistice imposé, combattre et négocier en même temps, ou la paix par la destruction de l’adversaire, sont des antithèses de la paix positive.

On considère généralement que le processus de paix lancé en 1993, est loin d’avoir abouti aux résultats attendus par les parties en présence, l’État d’Israël, l’Autorité palestinienne, et la communauté internationale. En entamant son second mandat, l’administration Obama s’est engagée à donner au «processus de paix» une nouvelle vigueur, en liant les progrès recherchés à de nouvelles concessions d’Israël : elle s’est donc dite prête à exercer de fortes pressions sur l’État juif, ce que l’Autorité palestinienne souhaitait vivement. (12) Cette approche ne peut pas aboutir car ses postulats sont erronés.

Depuis longtemps, les initiateurs du processus de paix ne posent pas le bon problème et ne répondent pas aux bonnes questions. Ils concentrent leurs efforts sur le processus mais remettent à plus tard la question essentielle du contenu. Ils espèrent que la dynamique de négociations détendues débouchera d’elle-même sur des résultats positifs. Ils espèrent simplement garder les négociations « sur les rails, » (13) négligeant le véritable objectif d’une paix stable et durable, c’est-à-dire d’une paix positive. Pour arriver à un accord final, on doit comprendre la nature de la violence et de ses facettes structurelles et culturelles et prendre en compte le climat des relations entre les protagonistes, l’éducation des populations et la hiérarchie des valeurs qui lui sont proposées.

Les États sont bien sûr vigilants à l’égard des pays qui sont à leurs frontières. Sir Robert Francis Cooper, un diplomate britannique d’expérience, notait que : « le monde pré-moderne est un monde d’États en faillite. Ils ne remplissent jamais les critères de Weber, à savoir le monopole de l’usage légitime de la force. Soit ils perdent leur légitimité, soit ils perdent le monopole de l’usage de la force, souvent les deux en même temps… le chaos et la guerre deviennent alors la règle, et pour autant qu’il y ait un gouvernement celui-ci se conduit à la façon d’un syndicat du crime organisé. » (14) Cooper considère comme de l’intérêt légitime des États postmodernes d’agir en autodéfense face à la menace constituée par l’instabilité d’un de ses voisins. (15) Israël est donc fondé à présenter un certain nombre d’exigences sur la nature de l’État palestinien à venir.

L’IMPORTANCE DU DISCOURS CULTUREL

Les efforts de relance du processus de paix par des négociations directes entre Israël et les Palestiniens font délibérément l’impasse sur les dimensions culturelles, historiques et religieuses, qui structurent l’actuelle gouvernance palestinienne. Les aspects culturels, religieux, et la profondeur historique du conflit sont ignorés, y compris l’héritage national et culturel juif, vieux trois millénaires sur la terre d’Israël. Une riche littérature universitaire et un fonds de connaissance théorique sur la construction de la paix sont aussi absents du discours international. Des concepts comme celui de paix positive, de réconciliation, «de maturité, » « de paix stable, » ou «d’impasse mutuellement dommageable» sont omis, de même que le sens particulier donné par les Palestiniens au concept de justice et aux valeurs qu’ils proclament. (16).

Pire encore, comme l’a décrit Nathan Sharansky, loin d’adopter une attitude symétrique envers les deux adversaires, les États-Unis ont voulu «affermir la stature d’Arafat ». Ils fermaient donc les yeux sur les problèmes d’incitation à la haine, une question que Sharansky souleva directement dans une conversation en face à face avec Bill Clinton. (17) De leur côté, les responsables politiques israéliens ne défendaient pas vigoureusement les droits d’Israël qui reposent sur  l’Histoire et la loi, plaçant leur pays en situation défensive, donc précaire. (18) Quand Israël demandait la reconnaissance de l’État juif comme État national du peuple juif, on le soupçonnait de faire entrave aux négociations. En même temps, le cœur du narratif palestinien, leur système de valeurs, leur l’idéologie, et leur conceptions religieuses, en un mot le soubassement de la position palestinienne, étaient délibérément escamotés.

La communauté internationale, les intellectuels et les personnalités d’influence en Occident et en Israël, n’étaient pas exempts d’une certaine condescendance envers les Palestiniens. On faisait la sourde oreille quand les dirigeants palestiniens faisaient des déclarations susceptibles d’affaiblir ou de ruiner leur cause, par exemple en refusant d’accepter le principe de reconnaissance de l’État national juif. Le discours d’Arafat du 10 mai 1994 dans une mosquée de Johannesburg, où il appelait au Jihad pour libérer Jérusalem, et déclarait publiquement qu’il avait signé des accords d’Oslo avec l’intention de ne pas les appliquer, en est une illustration. (19) Cette politique des « yeux fermés » exprimait au fond « un mépris indulgent né de faibles espérances ».(20)

Au moment où elle recevait l’ordre de diffuser une directive de Mahmoud Abbas (Abou Mazen) pour une contribution palestinienne à la lutte contre le grand incendie de la forêt du Carmel (décembre 2010) la TV palestinienne faisait le commentaire suivant : Notre histoire montre que nous ne tardons pas [n’hésitons pas] à remplir nos obligations humanitaires, tout comme Saladin qui avait conquis Jérusalem et qui envoya ses médecins soigner son ennemi, Richard Cœur de Lion, le chef des envahisseurs de notre terre. (21)

Cette analogie historique reflétait remarquablement le point de vue palestinien qui refuse de considérer l’État d’Israël comme légitime dans la région. Son destin serait comparable à celui des Royaumes des Croisés édifiés sur une terre étrangère, qui ne résistèrent pas à l’épreuve du temps et de l’islam. Cette comparaison est profondément ancrée dans le narratif palestinien, et dans sa tradition idéologique et religieuse. (22)

Feu Robert Tucker, le soviétologue distingué, décrivait l’OLP comme un «mouvement de masse révolutionnaire dirigé par un parti unique » ou plus simplement un « régime-mouvement.» (23) Abou Mazen a été l’un des pères spirituels de cette idéologie qui remonte à la fondation de l’Organisation de libération de la Palestine, au Caire, en janvier 1964, trois années pleines avant la guerre des Six-jours, quand Israël vivait en deçà des lignes d’armistice de 1949. À l’époque d’Ahmed Choukeiry, l’OLP était d’une sincérité rafraîchissante dans l’expression de ses objectifs. Elle appelait à la destruction d’Israël et à « jeter les Juifs à la mer

Dans ses écrits de 1969, Harcaby expliquait que les Juifs n’étaient pas une nation pour ce mouvement de masse révolutionnaire, et qu’ils n’étaient donc pas fondés à revendiquer une quelconque autodétermination nationale :

L’idée que les Juifs ne constituent pas une entité nationale est un principe vital pour la position arabe. Car si les Israéliens constituaient une nation, ils auraient un droit d’auto-détermination. Le discours qui veut que seuls les Arabes palestiniens détiennent ce droit, qu’ils peuvent seuls décider du caractère national de leur pays, ne seraient plus recevable. La revendication arabe d’une autodétermination nationale exclusive apparaît alors en toute clarté comme un chauvinisme qui réclame des droits pour lui et les refuse aux autres. (24)

Dans un écrit de 1975, Bernard Lewis observait : Dans sa littérature, l’OLP n’utilise jamais l’expression « Arabes et Juifs, » car si elle le faisait, elle admettrait l’existence d’une nation juive, et il est essentiel pour l’idéologie de l’OLP qu’elle n’existe pas. La formule qu’ils utilisent est : « les musulmans, les chrétiens et les Juifs. » Dans leur conception, les Juifs sont seulement une minorité religieuse qui ne possède pas une identité nationale en propre et qui n’a pas droit à un État en propre… »

À partir de là, le principe palestinien de non-reconnaissance conduit à une contradiction: on accepte la réalité temporaire et provisoire du fait accompli politique qui s’appelle l’État d’Israël, mais une paix positive et stable basée sur la reconnaissance mutuelle du droit à l’autodétermination et la réconciliation reste impossible.

Ce point de vue est antérieur à la fondation de l’OLP. Harkabi décrit l’objection arabe de la façon suivante : Les Arabes insistent sur leur recherche d’une « solution juste » ou d’une « paix juste, » ce qui constitue le pôle opposé d’une solution de paix fondée sur le statu quo, sur l’existence d’Israël comme fait irréversible. Selon eux, la solution juste consiste à effacer l’erreur inhérente à l’existence même d’Israël, et à restituer Israël à ses propriétaires légaux. La justice est la négation de l’existence d’Israël.

C’est ainsi que Nasser a dit « Nous parlons de paix, mais nous n’acceptons pas une paix basée sur l’usurpation de certains droits ou sur un fait accompli. C’est pourquoi nous travaillons dans le sens d’une paix basée sur la justice. » (Discours à l’université d’Alexandrie, 28 juillet 1963) (26)

Les Palestiniens peuvent peut-être reconnaître l’existence d’Israël de facto, mais ils ne pourront pas reconnaître la légitimité de sa création de jure. Ces constats datent de plusieurs décennies mais ils demeurent valides. Les Palestiniens n’ont pas évolué avec le temps, n’ont pas révisé leur idéologie. Ils ont conservé intactes leurs positions, et comme le montre la sixième Conférence nationale du Fatah, réunie à Bethléem en 2009. Ils y ont réaffirmé les articles 9 et 22 de leur Charte nationale (adoptée en 1964 et amendée en 1968), justifiant la lutte armée et condamnant le sionisme comme une expression du fascisme, avec des slogans tirés de la propagande soviétique de la guerre froide. (28) La Charte nationale palestinienne toujours en vigueur est en ligne dans sa version complète sur les sites Internet officiels de l’OLP et de l’Autorité palestinienne, (29) Arafat et la direction palestinienne avaient annoncé naguère la création d’une commission spéciale chargée de la modifier pour assurer sa compatibilité avec les accords d’Oslo et la reconnaissance Israël. Il n’en n’est toujours rien. (30)

On comprend les paroles méprisantes de Mahmoud Abbas à partir de cette toile de fond idéologique : « L’État juif. Qu’est-ce qu’un État juif ? Nous disons, l’État d’Israël. Vous pouvez vous appeler comme il vous chante… Mais je n’ai pas à l’accepter… Ce n’est pas mon travail de donner une définition de cet État et de son contenu. Appelez-le [il bégaie] sioniste, Hébreu, national, République socialiste, appelez-le comme il vous chante ! Ça m’est égal ! » (31)

Au long des années, les Palestiniens ont habillé de neuf leur refus militant. Des slogans diplomatiques sophistiqués et « lisses » qui leur ont permis de masquer leurs intentions réelles et d’abuser la communauté internationale. Au début des années 70, la direction de l’OLP avait perdu le soutien de l’opinion publique mondiale suite à des « déclarations féroces en faveur des assassinats de Juifs. » (32) La direction de l’OLP voulut se débarrasser de son image terroriste. En conséquence, elle envoya une délégation conduite par Abou IYad (Salah Khalaf) au Nord Vietnam pour demander des conseils. Au cours de cette visite de deux semaines, les Nord-vietnamiens suggérèrent à l’OLP d’adopter une stratégie de mystification fondée sur la dissimulation de ses véritables objectifs et l’affichage d’objectifs par étape qui donneraient une apparence de modération. (33) « Les Vietnamiens proposèrent de faire semblant d’accepter la division de la terre entre deux États indépendants, en dissimulant qu’il ne s’agissait que d’une étape intermédiaire, de façon à neutraliser les opposants à l’OLP en Occident. » (34) En conséquence, en 1974, ils adoptèrent la stratégie des étapes ou des « objectifs successifs.»

Selon cette doctrine, l’OLP « devait prendre le contrôle de toute parcelle de territoire concédé par Israël, suite à des pressions diplomatiques, au terrorisme, ou à une combinaison des deux. Ce territoire devenait alors l’aire de lancement de la phase suivante du combat. » (35) Lors de son meeting du Caire de la première semaine de juin 1974 le Conseil  national palestinien adopta ces résolutions. Pour Bernard Lewis: « elles révèlent clairement que l’OLP n’était pas préparée à renoncer ne fût-ce qu’à une seule de ses positions maximalistes. Elle considère que tout acquis est un premier pas vers le but final d’un État couvrant l’intégralité de la Palestine, et que la lutte pour arriver à cette fin doit continuer. » (36)

Dans ce cadre, il est nécessaire de comprendre l’impératif absolument central de la quatrième dimension, le temps, dans la pensée stratégique palestinienne. Le temps que les Palestiniens sont prêts à consacrer à l’atteinte de leurs objectifs est infini. C’est à l’aune de cette vision qui s’étend au-delà des générations, que l’on doit estimer les véritables intentions du Fatah et d’Arafat, en particulier la seconde partie de sa déclaration de 1980 citée plus haut : «Pour nous la paix signifie la destruction d’Israël. Nous sommes prêts pour une guerre totale, une guerre qui durera pendant des générations…»

Grâce à une utilisation sophistiquée du nouveau code lexical, les Palestiniens ont mis en avant le slogan de la «solution à deux États.» Les Vietnamiens l’avaient déjà utilisé dans leur guerre contre le Sud-Vietnam. Il a des vertus apaisantes aux oreilles de la communauté internationale qui peut croire que les Palestiniens sont véritablement désireux de mettre un terme définitif au conflit, à travers l’existence de deux États authentiquement indépendants : l’État palestinien et l’État d’Israël, l’État national du peuple juif. Dans un écrit de 1993, Mordechai Nisan analysait avec exactitude ce que ce terme signifiait pour les Palestiniens : “Ce qui est particulièrement intrigant dans la comparaison Vietnam-Palestine vient du fait que dans les deux cas il était possible de parler de dynamique “deux étapes-deux États”, dans un seul pays. Le Vietnam était un pays divisé en deux États jusqu’à ce que les révolutionnaires de l’un détruisent l’État illégitime, le statu quo et tout ses liens avec l’Occident. La vision de l’OLP tourne autour d’un processus dynamique où, après la création d’un État arabe issu de l’OLP dans une partie de la Palestine divisée, celui-ci puisse détruire avec le temps l’État illégitime, le statu quo, et les liens qu’il a noués avec l’Occident. Le destin d’Israël serait aussi définitif au plan politique que l’a été celui du Sud Vietnam.” (37)

Le modèle Vietnamien à gardé toute son attraction pour les Palestiniens. Par exemple, en avril 2004, Farouk Kaddoumi, un responsable de l’OLP, commentait ainsi le plan de retrait de la Bande de Gaza d’Ariel Sharon : «Faisons en sorte que la Bande de Gaza soit le Sud-Vietnam. Nous utiliserons toutes les méthodes disponibles pour libérer le Nord Vietnam [sic].» (38) Dans ce sens, le slogan des deux-États est toujours d’actualité ; Abou Mazen l’a utilisé récemment dans son discours à l’Assemblée générale de l’ONU, le 29 novembre 2012. (39)

Les positions décrites ci-dessus reflètent «la persistance et la continuité de l’argumentation arabe sur cette question.» (40) Elles montrent que les engagements découlant des accords d’Oslo n’ont pas provoqué de changement substantiel dans l’idéologie et les objectifs palestiniens. Un tel changement n’est d’ailleurs visible ni dans leur système éducatif (41) ni dans les médias qui sont sous leur contrôle.

LES PRINCIPALES ENTRAVES À UN RÈGLEMENT DU CONFLIT ISRAËL-PALESTINE

Tous les efforts pour éluder une discussion en profondeur sur les entraves au règlement du conflit comportent le risque du retour des deux parties à un cycle de violence. On a pris l’habitude de classer ces « obstacles » – pour utiliser le terme de Yaacov Bar-Siman – en trois catégories : stratégiques, structurels, et psychologiques. (42) Cependant cette division est artificielle car toutes les catégories d’obstacles contiennent certaines caractéristiques des autres catégories. (On peut aussi appliquer à bon escient la classification de Johan Galtung parce qu’elle inclut la violence indirecte ou structurelle et la violence culturelle qui sont liées entre elles.) Cependant, il est plus pertinent d’identifier en premier le principal obstacle stratégique et de le relier aux autres. Le principal obstacle à la paix réside l’objection existentielle qui met en cause l’État d’Israël en tant qu’État juif. Or c’est le postulat qui est à la base des principes directeurs de la stratégie palestinienne.

Ces principes imbibent les structures et les institutions de l’Autorité palestinienne, en particulier ses médias et son système éducatif. Ils créent une atmosphère de violence, et se déclinent dans un enseignement de la haine, et un endoctrinement incompatibles avec la paix et la coexistence avec Israël. (43) Selon le narratif palestinien, tel qu’il a été exprimé par Abou Mazen aux Nations-Unies, « une injustice sans précédent historique » a été infligée au peuple palestinien. Si c’est vrai, un objectif s’impose,  mettre un terme à cette injustice par tous les moyens possibles, y compris par la guerre. A partir de ce fait de base, nous pouvons comprendre les objectifs et la signification de la violence indirecte – structurelle, culturelle, et religieuse. Dans ce contexte, il est clair que l’absence de violence ne peut pas se transformer en une paix véritable, puisque sur cette base idéologique, toutes les institutions de la société palestinienne sont mobilisées dans la résistance contre Israël.

La reconnaissance palestinienne d’Israël, alors qu’ il n’est pas pour eux une entité nationale et ethnique, révèle leur pragmatisme. Et si les différentes factions palestiniennes considèrent l’OLP comme leur organisation dirigeante, ses positions officielles ne les engagent. Par exemple, Muhammad Dahlan, l’un des principaux leaders du Fatah, expliquait avec verve qu’il n’y avait pas de différences entre le Hamas et le Fatah, et qu’il n’avait jamais demandé au Hamas de reconnaître Israël. Selon Dahlan, le Fatah lui-même n’a jamais réellement reconnu Israël, et il ne le fera jamais. Le Fatah et l’Autorité palestinienne ont reconnu Israël pour répondre à une nécessité pratique, l’obtention de financements et de divers avantages, mais cette reconnaissance n’engage en rien les autres factions de cette organisation. (44)

Les discussions approfondies entre idéologues palestiniens, comme Abou Mazen, Saeb Erekat, Yasser Abed Rabbo, et Nabil Shbaat, ont permis de comprendre leur point de vue et leurs craintes, réelles et imaginaires, sur les implications d’une reconnaissance d’Israël comme État juif. Au-delà du rejet complet de la notion de nation juive, ils craignent que la reconnaissance ne provoque l’extinction du droit fantasmatique au transfert en Israël d’un million et demi d’Arabes, «les Arabes de 1948». Les complications que les Palestiniens ont introduites dans ce débat sont choquantes. Reportons-nous à un extrait d’un discours d’Abou Mazen du 28 mai 2011, devant la Commission de surveillance de la Ligue Arabe : “Les Israéliens ont commencé à parler d’un nouveau sujet depuis un an ou deux, celui de la reconnaissance comme État juif ou de la judéité de l’État d’Israël. Naturellement nous avons rejeté cette démarche et nous continuerons à rejeter des déclarations de ce type. Nous leur disons qu’ils peuvent aller aux Nations unies et soulever toutes les questions qu’ils désirent, mais pour notre part nous ne considérons pas que ce soit notre obligation, ou notre affaire, notre tâche, de déterminer quelle est la nature de l’État [d’Israël] et quelle est sa nationalité. Mais nous comprenons très bien quel est l’objectif de Netanyahou … : Il veut fragiliser le statut des Arabes en Israël, et il désire empêcher complètement l’exercice du droit au retour, le droit de tout palestinien d’aller dans l’État d’Israël.” (45)

Le refus de reconnaître l’État du peuple juif et le consensus sur l’impératif de continuer la lutte, sont la justification idéologique véritable de leur but stratégique. Dans les rangs des Palestiniens, il n’y a pas de divergences d’opinion sur le bien-fondé de leur droit à la lutte violente, y compris au terrorisme. Les organisations ne divergent jusqu’à un certain point que sur le meilleur moment pour relancer la lutte violente Après 19 ans de processus politique (et 45 ans depuis la première publication de la Charte nationale palestinienne originale, en 1964), la sixième Conférence nationale du Fatah s’est réunie à Bethléem en août 2009 dans un grand concert de cymbales, et avec l’appui généreux de l’État d’Israël. Le souffle idéologique militant qui caractérisait le Fatah à l’époque où il se présentait comme un mouvement révolutionnaire adepte de la lutte violente était toujours présent. La sixième Conférence a réaffirmé la Charte nationale palestinienne dans son ensemble. On y trouve toujours  l’article 9 qui appelle à la poursuite de la lutte violente contre l’entité coloniale sioniste jusqu’à sa destruction finale : “La lutte armée, la seule voie pour libérer la Palestine, est donc stratégique et non pas tactique. Le peuple arabe palestinien affirme dans le présent article sa détermination inébranlable de mener la lutte armée et de poursuivre la révolution populaire pour la libération et le retour dans son foyer national.” (46)

L’éthique palestinienne de résistance est renforcée par des expressions caractéristiques de l’incitation à la violence et de la haine envers Israël. Cet appel à la violence a pour but la libération de toute la Palestine des mains de l’occupation étrangère sioniste. Le texte suivant de l’article 22 de la Charte, maintenu à la sixième Conférence nationale du Fatah de 2009, reprend les mêmes antiennes : Le sionisme est un mouvement politique organiquement lié à l’impérialisme mondial et il s’oppose à tous les mouvements de libération et à tous les mouvements de progrès dans le monde. Le mouvement sioniste est par essence fanatique et racialiste : parmi ses objectifs figurent l’agression, l’expansion et l’établissement d’implantation coloniale. Ses méthodes sont celles des fascistes et des nazis. Israël agit à pas de loup pour le mouvement sioniste, il est une base géographique et humaine de l’impérialisme mondial et un tremplin pour son expansion en terre arabe en vue d’anéantir les aspirations de la nation arable à la libération, à l’unité, et au progrès. Israël est une menace constante pour la paix au Moyen-Orient et dans le monde entier… »

Selon l’analyse d’Harkabi, cet article est à la base « du discours affirmant que le sionisme est hostile pas seulement aux Arabes, mais à tout ce qu’il y a de positif dans le monde… La guerre contre Israël est donc élevée du niveau des intérêts arabes à celui d’une mission humanitaire universelle. » (48)

Ces positions idéologiques sont au fondement du narratif et de l’éthique palestiniens. Elles sont et seront martelées dans la conscience de la population palestinienne par tous les moyens disponibles, à savoir les moyens de communication de masse, qu’ils soient officiels, publics ou privés. Elles sont aussi transmises à la jeune génération à travers l’appareil éducatif palestinien. Après l’examen d’un échantillon de 117 ouvrages scolaires palestiniens, IMPACTSE, un organisme de recherche spécialisé dans l’étude du matériel scolaire, qui travaille selon les normes et les recommandations de l’Unesco, a rapporté les résultats de ses recherches en 2011 : La tendance générale de ces conclusions est une indifférence complète pour les droits des Juifs, et presque complète pour l’existence d’Israël. Parallèlement à ce déni, notre analyse a mis en évidence une diabolisation constante des Juifs et d’Israël qui prépare la lutte violente et méconnaît complètement la tolérance, la réconciliation, et la paix. Bien que ces ouvrages scolaires ne renferment pas d’appel à la violence contre Israël et les Juifs, ils propagent de façon inquiétante le vocabulaire du djihad et du martyre. Israël demeure illégitime, l’intégralité de son territoire est considérée par les livres scolaires de l’Autorité palestinienne comme des terres palestiniennes occupées en 1948. »

Les auteurs de ces rapports ont identifié quatre thèmes récurrents dans ces ouvrages scolaires de l’Autorité palestinienne : 1) le rejet des droits des Juifs et de l’existence d’Israël ; 2) la diabolisation à la fois des Juifs et d’Israël ;  3) un point de vue biaisé sur le conflit arabo-israélien ; et 4) l’encouragement au martyre et à la lutte violente plutôt qu’un plaidoyer pour la tolérance et la paix. (50)

La délégitimation et la diabolisation du vis-à-vis israélien en guise de préparation à la lutte à venir sont étroitement associées à la volonté d’éviter la paix avec Israël, élevée au statut d’objectif. En fait, les accords passés sont interprétés de façon explicite comme un indice de la faiblesse Israël. Les concessions israéliennes n’ont aucun effet «d’apprentissage stratégique» (c’est-à-dire un changement des objectifs) pour les dirigeants politiques et intellectuels palestiniens. La littérature scolaire fournit un exemple flagrant de la «violence indirecte» décrite ci-dessus: la violence culturelle, est une matrice de justifications et une charpente psychologique pour entretenir la violence ouverte.

LE PLAN FAYYAD

Le premier ministre Fayyad avait élaboré un plan intitulé, « Pour en finir avec l’occupation, pour édifier un État, » en août 2009. Il se proposait de jeter les fondations matérielles et humaines d’un État palestinien, avec un pragmatisme politique très apprécié par la communauté internationale.

Le plan Fayyad est un document impressionnant, dans le style de l’époque actuelle, qui affiche une maîtrise sophistiquée des concepts de base du discours international en mettant l’accent sur les droits de l’homme. Mais ce manifeste intègre l’éthique de la lutte contre Israël dont le nom est absent du document, et incontestablement de son esprit. (51)

Il faut noter que la position de Fayyad n’a pas obtenu un grand soutien dans l’opinion palestinienne. Il ne disposait pas de soutiens politiques structurés et il était même considéré comme un ennemi de l’intérieur par la direction de l’Autorité palestinienne, et principalement par le Fatah. Ce dernier a manœuvré sans répit pour limiter sa latitude d’action et l’écarter des cercles d’influence. Les propositions politiques de Fayyad donnent une impression de responsabilité propre aux chefs d’État, ce que ses adversaires ressentaient comme l’antithèse de leur conception de monde, et même comme une véritable menace.

Bien que Fayyad ait manœuvré pendant des années pour conserver sa position (ses adversaires reconnaissaient son utilité), il a fini par présenter sa démission le 13 avril 2013 et Abou Mazen a acceptée. (52).

Dans son essence, la stratégie de Fayyad a consisté à réunir les conditions  d’initiatives unilatérales pour la reconnaissance internationale de l’État palestinien, le but étant d’éviter de payer le prix d’un accord acceptable par Israël. Dans un véritable accord on aurait trouvé la reconnaissance de l’État d’Israël comme le foyer du peuple juif, la déclaration d’une fin définitive du conflit, et la renonciation à  toute nouvelle revendication,. Pour Fayyad, c’était était exclu. Le but stratégique des Palestiniens était donc d’obtenir l’indépendance dans le sens de la fin de «l’occupation», et l’exercice de leur souveraineté sur la Judée et la Samarie (dans le périmètre antérieur à 1967) avec le concours de la communauté mondiale.

Le problème fondamental du document réside dans sa conformité à l’éthique de combat palestinienne. En voulant atteindre ses objectifs sans reconnaître son voisin comme une nation à part entière, il empêche toute résolution positive du conflit sur la base deux États légitimes.

LA DUALITÉ DE LA STRATÉGIE PALESTINIENNE

Le programme de Fayyad soulignait avec force l’importance de l’établissement d’un État palestinien et de ses institutions, en même temps que la continuation de la lutte et de la résistance. L’identité de l’État palestinien et la légitimité de sa création sont spécifiés parallèlement à la négation et à la délégitimation Israël. Le plan rejetait tout lien entre les Juifs et la terre d’Israël, ainsi qu’avec Jérusalem, décrite comme une ville appartenant à l’héritage arabo-palestinien, objet d’un authentique attachement culturel et religieux de la part des chrétiens et des  musulmans (et qu’Israël a occupé par la force).

La stratégie de la lutte violente a inspiré le Fatah depuis sa création et joué un rôle majeur au sein du processus d’Oslo. Arafat misait sur une stratégie duale de négociations combinées au terrorisme. (54) Malgré son échec, et en dépit des six années du second soulèvement armé (Intifada), Abou Mazen a repris la stratégie duale de négociations combinées avec la résistance populaire, tout en insistant sur le fait que l’usage de la violence ne servait pas les intérêts palestiniens. Il est important de souligner qu’Abou Mazen n’a jamais rejeté complètement  l’utilisation de la violence ni désigné le terrorisme comme immoral ou illégitime. En précisant publiquement que le terrorisme et la violence ne servent pas les intérêts palestiniens aujourd’hui, il sous-entend bien que si la situation change le retour à la lutte armée peut être envisagé.

Au sujet de la violence, on peut signaler le discours de Nabil Shaath, le responsable des relations extérieures de l’Autorité palestinienne envoyé à Gaza par Abou Mazen. Sur place, il fit ouvertement l’éloge de la lutte et de la résistance sous toutes ses formes, y compris la lutte armée. On peut supposer que le Fatah et Abou Mazen avaient donné l’un et l’autre leur accord au choix des termes employés par Shaath. Ce n’est pas la première fois qu’Abou Mazen transmet un message par le truchement d’un émissaire, pour pouvoir nier par la suite toute responsabilité personnelle. Voici un extrait du discours de Nabil Shaath : La bataille que vous avez engagée a commencé depuis une centaine d’années. Le peuple a combattu depuis une centaine d’années pour libérer cette terre, et pour libérer Jérusalem. Quand vous criez que vous allez marcher sur Jérusalem, eh bien c’est exactement en cela que votre victoire est en train de réaliser. C’est défendre Jérusalem et la Palestine dans leur entièreté, par tous les moyens de résistance, la résistance armée, la résistance politique, en allant à l’ONU, par la solidarité, par toutes les formes de confrontation avec l’ennemi qui occupe notre terre. (55)

S’il y a  un document palestinien, officiel ou pas, qui expose clairement les lignes directrices de la stratégie nationale palestinienne et ses principes d’organisation, c’est sans doute celui-là. (56)

Néanmoins, il est clair que la stratégie palestinienne repose une hypothèse non démontrée adoptée par la communauté internationale. Selon elle, le conflit israélo-palestinien est la clé de la sécurité dans la région, de la stabilité du Moyen-Orient, et même de la confrontation entre le fondamentalisme islamique et l’Occident. Saeb Erekat a exprimé cette façon de voir, qui élève le conflit israélo-palestinien au rang de problème numéro un de la région : « la question de la Palestine est le foyer des interactions en cours dans notre région entre hégémonie, chantage et contrôle. On n’aboutira à rien si on ne prend en compte la question palestinienne.» (57)

Mahmoud Abbas l’explicite un peu mieux devant l’Assemblée générale de l’ONU, le 29 novembre 2012, au cours de son un plaidoyer pour le statut d’État observateur non membres de l’ONU. Le choix de la date du 29 novembre est symbolique puisque c’est le jour anniversaire de la reconnaissance de l’État juif à l’ONU en 1948.

Abbas tentait de projeter l’image d’un futur chef d’État, mais à bien regarder, son message est belliqueux, chargé émotionnellement, et fallacieux. Il décrit les Palestiniens comme les victimes innocentes d’une « injustice sans précédent historique. » Il affirme aussi que la communauté internationale se trouve devant la « dernière chance pour une solution à deux États, » naturellement sans définir précisément ce qu’il entend par ce terme. Il  présente le peuple palestinien comme la victime innocente de l’occupation coloniale d’Israël «qui institutionnalise la peste du racisme et diffuse la haine et l’incitation à la violence.» (58)

Les choix de vocabulaire d’Abbas sont directement empruntés au lexique soviétique de la Guerre froide. (59) Parmi les termes récurrents, il y a « l’occupation coloniale raciste, » « l’épuration ethnique, » « l’agression et l’occupation.”  Arafat utilisait les mêmes termes dans son discours à l’ONU de novembre 1974, sans doute le modèle où Abbas a puisé. Il déclara aussi : “Mais nous devons répéter ici une fois encore notre avertissement : la fenêtre d’opportunité est étroite et le temps s’écoule rapidement. Le fil de la patience s’abrège et l’espoir se fane. Des vies innocentes ont été prises par les bombes israéliennes… Ce qui est en train de rappeler douloureusement au monde que cette occupation coloniale et raciste est en train de rendre plus difficile sinon impossible le choix de la solution à deux États et de la recherche de la paix.”

Les temps ont changé et à présent la direction de l’OLP porte des costumes occidentaux. Mais ce message est une réminiscence des paroles d’Arafat : « aujourd’hui nous venons en brandissant une branche d’olivier d’une main et de l’autre le fusil d’un combattant de la liberté. Ne laissez pas la banche d’olivier tomber de ma main. Je répète : ne laissez pas la branche d’olivier tomber de ma main. » (60) Le langage est peut-être différent, mais le message est identique.

LA PAIX POSITIVE, COMME SOLUTION OPTIMALE

L’État d’Israël ne peut pas accepter l’établissement dans son voisinage d’un État palestinien qui ne s’engage pas sur la voie de la paix positive, avec ses quatre composantes fondamentales (spécifiés au début de cet article). Un État palestinien qui ne s’inscrirait pas dans le cadre et dans l’esprit de la paix positive se transformera probablement en un État en faillite et hostile. Il déstabilisera la région et fera peser le risque de l’irrédentisme sur Israël et sur la Jordanie. Au lieu de se consacrer à l’édification véritable d’un État, il deviendra une enclave stratégique, la plateforme d’une lutte politique et militaire, comme le Cambodge au cours de la guerre du Vietnam.

La nature politique et idéologique du voisin qu’Israël aura à ses côtés représente un intérêt vital pour lui. Un État palestinien viable devra exercer son autorité sur ses citoyens en adoptant un comportement responsable et conforme au droit : 1) il devra s’assurer le monopole de l’usage de la force 2) il devra fournir à la population le bien-être et la sécurité dont il est le garant, à travers des institutions d’État, une gouvernance efficace, la préservation de la loi et de l’ordre, et une gestion économique compétente ; 3) il devra remplir ses obligations envers ses voisins en conformité avec le droit international et assurer ainsi la sécurité de la région.

Il est temps que la communauté internationale soutienne l’impératif d’une paix positive. Cela signifie appliquer les mêmes normes aux deux parties en présence : la répudiation du terrorisme, l’affirmation de son caractère immoral, le refus catégorique d’accorder une légitimité quelconque à des mouvements terroristes ; et le plus important, l’obligation pour les Palestiniens d’alimenter un climat positif par l’établissement d’un environnement culturel compatible avec la paix.

Ces exigences sont raisonnables et modestes, mais il est nécessaire de partir de cette base si l’on veut aboutir à la conclusion du conflit et à une paix stable, pas seulement à une armistice ou à une absence de guerre. Les Palestiniens doivent renoncer publiquement et irrévocablement à la logique vicieuse qui veut que la paix et la justice signifient la liquidation d’Israël. Sans un changement fondamental et clairement exprimé de leurs objectifs stratégiques, les négociations de paix ne pourront pas conduire à la paix.

Les auteurs  expriment leur reconnaissance à Ido Mizrach, du Département des Affaires Stratégiques du bureau du premier ministre pour son aide. Il a mis de nombreux documents importants à notre disposition pour la préparation de cet article.

1. Pour la littérature de base voir: Johan Galtung, “An Editorial,” Journal of Peace Research 1, 1 (March 1964): 1–4. Oliver Ramsbotham, Tom Woodhouse, and Hugh Miall, Contemporary Conflict Resolu¬tion, 2nd ed. (Cambridge, MA: Polity Press, 2005), 3–31. Louis Kriesberg, “The Development of the Conflict Resolution Field,” in I. William Zartman, ed., Peacemaking in International Conflict: Methods and Techniques, rev. ed. (Washington: U.S. Institute of Peace Press, 2007).

I. William Zartman, “Ripeness: The Hurting Stalemate and Beyond,” dans Paul C. Stern and Daniel Druckman, eds., International Conflict Resolution after the Cold War (Washington: National Academy Press, 2000), 225–250. Yaacov Bar-Siman-Tov, “Adaptation and Learning in Conflict Management, Reduction and Resolution,” International Journal of Peace Studies 18 (2003): 19–37. Herbert C. Kelman, “Social-Psychological Dimensions of International Conflict,” in I. W. Zartman ed., Peacemaking in International Conflict: Methods and Techniques (Washington, DC: U.S. Institute of Peace, 2007), 61–107.

2. Samuel Huntington, The Third Wave: Democratization in the Late Twentieth Century(Norman, OK: University of Oklahoma Press, 1991). Huntington appellait ce retour mondial de la démocratie “La troisième vague”

3. David Makovsky, Making Peace with the PLO: The Rabin Government’s Road to the Oslo Accord (Boulder, CO: Westview Press, 1996), 15.

4.Dans Ivory Towers on Sand, Martin Kramer soulignait que “l’exception palestinienne” était l’un des paradigmes dominants dans les cercles universitaires américains. “On croyait que les Palestiniens avaient une ‘société civile’ étincelante, en Palestine et à l’étranger. Ils avaient des institutions représentatives,  des syndicats et des associations. Leurs dirigeants étaient des personnes responsables. Qu’on leur accorde  l’auto-administration et les Palestiniens prouveront que le monde arabe peut vivre en démocratie. Martin Kramer, Ivory Towers on Sand (Washington, DC: Washington Institute for Near East Policy, 2001), 70, as quoted by Joel Fishman, “The Broken Promise of the Democratic Peace: Israel and the Palestinian Authority,” Jerusalem Viewpoints, No. 477, Jerusalem Center for Public Affairs, May 1, 2002, http://www.jcpa.org/jl/vp477.htm.

5. Alicia Cabezudo and Magnus Haavesrud, “Rethinking Peace Education,” in Charles Webel and Johan Galtung, eds., Handbook of Peace and Conflict Studies (New York: Routledge, 2007), 280.

6. Voir la description de la nature et des caractéristiques culturelles et structurelles de la violence, et la nécessité de prendre en compte toutes les dimensions de la violence dans Ramsbotham, Woodhouse, et Miall, Contemporary Conflict Resolution, 10.

7. On peut trouver une définition du premier -et du second – changement d’optique dans “Leadership and Institutional Change,” National Academy for Academic Leadership, http://www.thenationalacademy.org/ready/change.html.

8. Theological-Political Treatise, 1670.

9. Jerusalem Post, November 23, 2001.

10. Yehoshafat Harkabi, “The Arab-Israel Conflict” (1969), in Yehoshafat Harkabi, ed., Pales¬tinians and Israel ( Jerusalem: Israel Universities Press/Keter, 1974), 19. L’idée de forcer Israël à accepter un armistice en échange de retraits importants est à la base du désastreux ( Juin 1970). Harkabi a écrit une contribution fondamentale Arab Attitudes to Israel ( Jeru¬salem: Keter, 1972).

11. El Mundo (Caracas), February 11, 1980, cité par  Robert Wistrich, A Lethal Obsession (New York: Random House, 2010), 703 and 1080, n. 58.

12. Khaled Abu Toameh, “Les Palestiniens avaient programmé de la violence pour contraindre les États-Unis à forcer Israël à des concessions,” publié le 22 février 2013, http://www.gatestoneinstitute.org/3598/palestinians-plan-violence.

13. Natan Sharansky et  Ron Dermer, The Case for Democracy (New York: Public Affairs, 2004), 151.

14. Observer, 7 avril 2002, cité par Joel Fishman, “Broken Promise.” Voir aussi Robert Cooper,The Post-Modern State and the World Order (London: Demos Publications, 2000), http://www.demos.co.uk/publications/thepostmodernstate.

15. Ibid.

16. Pour aller plus loin sur ce concept, voir Shiri Landman, “Barriers to Peace: Protected Values in the Israeli-Palestinian Conflict,” in Yaacov Bar Siman-Tov, ed., Barriers to Peace in the Israeli-Palestinian Conflict ( Jerusalem: Jerusalem Institute for Israel Studies, 2010), 135–177.

17. Case for Democracy, 156, 172.

18. Evelyn Gordon, “The Deadly Price of Pursuing Peace,” Commentary ( January 2010), http://www.commentarymagazine.com/article/the-deadly-price-of-pursuing-peace/.

19. “Le 10 mai 1994 Yasser Arafat fit une communication qu’il croyait officieuse en privé dans une mosquée lors de sa visite à Johannesburg en Afrique du Sud. Mais un journaliste Sud Africain, Bruce Whitfield, de la radio d’informations 702, trouva le moyen d’enregistrer ses propos (en langue anglaise). La période était euphorique pour le processus de paix israélo-arabe, Arafat était triomphalement retourné à Gaza six jours plus tôt; tout le monde pensait que le conflit tirait à sa fin. Dans ce contexte, les propos belliqueux d’Arafat à Johannesburg sur ‘le djihad pour libérer Jérusalem’, eut un grand impact sur les Israéliens, entamant un processus de désillusion qui eut beaucoup de peine à se réduire au cours des années qui suivirent.” Daniel Pipes, “[Al-Hudaybiya and] Lessons from the Prophet Muhammad’s Diplomacy,” Middle East Quarterly, September 1999, http://www.danielpipes.org/316/al-hudaybiya-and-lessons-from-the-prophet¬muhammads. Voir aussi, “Arafat told al-Quds editor: I will make Oslo Israel’s curse,” February 16, 2006, http://www.youtube.com/watch?v=I0tmmd4VoVI.

20. Cette expression est de Michael Gerson, l’une des plumes du Président George W. Bush.

21. Al-Hayat al-Jadida, 12 décembre 2010, cité par Itamar Marcus et Nan Jacques Zilberdik, “Les réactions palestiniennes étaient mitigées sur l’aide de l’AP pour le feu du Mont Carmel : même si votre maison a été pillée, vous ne voulez pas qu’elle brûle,” Palwatch, publié le 5 janvier 2011, http://palwatch.org/ main.aspx?fi=157&doc_id=4109.

22. Voir Yosef Kuperwasser et Asher Fredman, “The Incitement and Culture of Peace Index: Methodology and Trends,” dans Alan Baker, ed., The Changing Forms of Incitement to Terror and Violence: The Need for a New International Response ( Jerusalem: Jerusalem Center for Public Affairs et  Konrad Adenauer Stiftung, 2012), 55–60.

23. Robert C. Tucker, The Soviet Political Mind, rev. ed. (New York: Norton, 1971), 7.

24. Yehoshafat Harkabi, “The Palestinian National Covenant” (November 1969), in Harkabi, Palestinians and Israel, 64.

25. Bernard Lewis, “The Palestinians and the PLO: A Historical Approach,” Commentary 59 ( January 1975): 39.

26. Harkabi, Arab Attitudes, 8.

27. Yehoshafat Harkabi, “Arab Positions on Zionism,” in Shmuel Almog, ed., Zionism and the Arabs ( Jerusalem: Historical Society of Israel and Zalman Shazar Center, 1983), 191.

28. Joel Fishman, “The Cold-War Origins of Contemporary Anti-Semitic Terminology,” Jerusalem Viewpoints, No. 517, May 2–16, 2004, Jerusalem Center for Public Affairs, http:// www.jcpa.org/jl/vp517.htm.

29. Par exemple, la Charte de l’OLP est actuellement en ligne sur les sites Internet suivants : 1) Département des réfugiés de l’OLP, http://plord.ps/ar/index.php?act=Show&id=500; 2) Le Conseil exécutif de l’OLP, le Bureau natioanl de défense de la terre et de la résistance aux implantations, http://plord.ps/ar/index.php?act=Show&id=500; et 3) le site de la mission de Palestine en Allemagne, http://www.palaestina.org/fileadmin/Daten/Dokumente/Abkommen/PLO/palaestinensische_nationalcharta.pdf (accessible le 15 mars 2013).

30. Selon Farouk Kaddoumi, la direction palestinienne a entamé la révision de la Charte au cours de la visite du président Clinton à Gaza, mais a interrompu l’opération à présent. “Kaddoumi a dit le contraire de ce que beaucoup de gens croyaient, la Charte de l’OLP n’a jamais été amendée pour reconnaitre le droit d’existence d’Israël. ‘Le Charte nationale palestinienne n’a pas été amendée à ce jour… On a dit que certains articles n’étaient plus en vigueur, mais ils n’ont pas été modifiés. Je fais partie de ceux qui ne sont pas d’accord pour que l’on change quoi que ce soit.”.’” Khaled Abu Toameh, “Kaddoumi: PLO Charter was never changed,” Jerusalem Post, 23 avril 2004.

31. Abu Mazen, “I Reject Israel as a Jewish State,” PMW Videos, publiée le 30 April 2009, http:// www.youtube.com/watch?feature=endscreen&NR=1&v=2ilLeENaxK4.

32. “The Meaning of a ‘Democratic Palestinian State’” (1970), in Palestinians and Israel, 96.

33. Abu Iyad [Salah Khalaf ] et Eric Rouleau, My Home, My Land, trans. Linda Butler Koseoglu(New York: Times Books, 1978), 69, cité par Joel Fishman, “Ten Years since Oslo: The PLO’s ‘People’s War’ Strategy and Israel’s Inadequate Response,” Jerusalem Viewpoints, No. 503, September 1–15, 2003, www.jcpa.org/jl/vp503.htm.

34. Yosef Bodansky, “Arafat’s ‘Peace Process,’” ACPR Policy Paper 18 (1997): 3–4.

35. Case for Democracy, 147.

36. Lewis, “Palestinians and the PLO,” 45. On peut trouver les textes de ces résolutions dans “Appendix E, Political Programme for the Present Stage of the Palestine Liberation Organization Drawn up by the Palestinian National Council, Cairo, June 9, 1974,” in Yehoshafat Harkabi, The Palestinian Covenant and Its Meaning (London: Valentine Mitchell, 1979), 147–148.

37. Mordechai Nisan, “The PLO and Vietnam: National Liberation Models for Palestinian Struggle,” Small Wars and Insurgencies 4, 2 (Autumn 1993): 203, 204.

38. Abu Toameh, “Kaddoumi.”

39. “Full text of Mahmoud Abbas’s speech to the UN General Assembly, November 29, 2012,” http://www.timesofisrael.com/full-text-of-mahmoud-abbass-speech-to-the-un-general¬assembly-november-29-2012/.

40. Harkabi, “Arab Positions,” 187.

41. Voir “Introduction,” Israel, the West, Women and the Environment in Palestinian Textbooks: An Analysis of Palestinian Authority Textbooks, Grades 1–12, IMPACT-SE Report, 2011, http://www.impact-se.org/docs/reports/PA/PA2011.pdf.

42. Yaacov Bar-Siman-Tov, “Introduction: Barriers to Conflict Resolution,” in Barriers to Peace.

43. Pour le contexte culturel avec sa documentation, voir “The Culture of Peace and Incitement in the PA Index,” Prime Minister’s Office, 2 décembre 2012, http://www.pmo.gov.il/English/ MediaCenter/Spokesman/Documents/hasataENG0212112.ppt.

44. Muhammad Dahlan, “The Fatah Movement does not recognize Israel,” PMW-Palestinian-Watch, posted March 22, 2009, http://www.youtube.com/watch?v=eylEdsu5mOE.

45. Le site officiel de Mahmoud Abbas, http://www.presidency.ps/videogallery. aspx?id=49&page=4&T=kh.

46. “Palestinian National Covenant of 1968,” dans Harkabi, Palestinian Covenant, 120.

47. Harkabi, Palestinian Covenant, 123.

48. Ibid., “The Palestinian National Covenant” (Novembre 1969), dans Harkabi, Palestinians and Israel, 65.

49. Pour d’autres analyses de l’éthique et des valeurs fondamentales dans les programmes scolaires palestiniens, voir: “Introduction,” Israel, the West, Women and the Environment in Palestinian Textbooks, IMPACT¬SE Report, 2011, p. 3, http://www.impact-se.org/docs/reports/PA/PA2011.pdf.

50. Ibid. Voir aussi Arnon Groiss, “De-legitimization of Israel in Palestinian Authority school¬books,” Israel Affairs 18, 3 ( July 2012): 455–484.

51. Palestinian National Authority, “Palestine, Ending the Occupation, Establishing the State: Program of the Thirteenth Government,” publié en août 2009, http://www.un.int/wcm/ webdav/site/palestine/shared/documents/Ending%20Occupation%20Establishing%20 the%20State%20%28August%202009%29.pdf.

52. Khaled Abu Toameh, “Why Salam Fayyad Stands No Chance against Fatah,” Gatestone Institute, April 11, 2013, http://www.gatestoneinstitute.org/3670/fayyad-vs-fatah.

53. Palestinian National Authority, “Palestine, Ending the Occupation, Establishing the State.” Also Isabel Kershner, “Palestinian Leader Maps Plan for Separate State,” New York Times, August 25, 2009, http://www.nytimes.com/2009/08/26/world/middleeast/26mideast. html?_r=0,

54. Jonathan D. Halevi, “The Palestinian Authority’s Responsibility for the Outbreak of the Second Intifada: Its Own Damning Testimony,” Jerusalem Center for Public Affairs, No. 594, posted February 20, 2013, http://jcpa.org/article/the-palestinian-authoritys responsibility-for-the-outbreak-of-the-second-intifada-its-own-damning-testimony.

55. Nabil Shaath lors d’un défilé de la “victoire” à Gaza, diffusé par Al-Quds TV le 22 novembre 2012. MEMRI TV, clip 3651, http://www.memritv.org/clip_transcript/en/3651. htm.

56. Ce qui est le plus proche d’un tel document est la dernière interview de “Faysal Al-Husseini : ‘The Oslo Accords Were a Trojan Horse; The Strategic Goal is the Liberation of Palestine from the [ Jordan] River to the [Mediterranean] Sea,’” MEMRI Special Dispatch No. 236, July 6, 2001, http://memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=sd&ID=SP23601.

57. “The Political Situation in Light of Developments with the US Administration and Israeli Government and Hamas: Continued Coup d’État; Recommendations and Options,” Decembre 2009, http://transparency.aljazeera.com/ar/projects/thepalestinepapers/2012 1911330468619.html.

58. “Full text of Mahmoud Abbas’s speech to the UN General Assembly, November 29, 2012,” http://www.timesofisrael.com/full-text-of-mahmoud-abbass-speech-to-the-un-generalassembly-november-29-2012.

59. Voir Fishman, “Cold-War Origins.”

60. “Speech by Yasser Arafat,” Assemblée générale des Nations Unies, New York, 13 novembre 1974, Le Monde diplomatique, English edition, http://mondediplo.com/focus/mideast/ arafat74-en..

Joel Fishman et Kobi Michael

Cet article est une traduction de l’anglais parue sur le site France-Israël Marseille.

Retrouvez l’intégralité de l’article original sur le site du JCPA.