Comment le Plan Fayyad sape les fondements juridiques de la diplomatie israélo-palestinienne
En Août 2009, le Premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a publié un plan pour pouvoir proclamer unilatéralement la création d’un Etat. Ce plan implique de nombreuses composantes de gouvernance qui existent déjà. Elles composent les accords d’Oslo et permettent aux Palestiniens de développer leur Etat et de renforcer leurs capacités dans le processus de paix. Dans ces conditions, il n’est donc pas nécessaire de lancer une initiative unilatérale hors du processus.
Le seul cadre juridique valable signé entre Israéliens et Palestiniens demeure l’accord intérimaire de 1995. Il représente les origines statuaires de l’Autorité et il assume la gouvernance palestinienne et ses institutions. L’accord intérimaire affirme sans équivoque : « aucune partie n’initierait ou ne prendrait une mesure qui changerait le statut de la Cisjordanie et la bande de Gaza et cela dans l’attente des résultats des négociations sur le statut final et permanent. »
En Novembre 2009, le chef des négociations palestiniennes, Saeb Erekat, a confirmé publiquement que les discussions avec le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, et le responsable de la politique étrangère de L’Union Européenne, Javier Solana ont soulevé le soutien à une résolution du Conseil de sécurité appelant à la création d’un Etat palestinien le long des frontières d’avant la guerre de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, et conformément à l’objectif déclaré dans le plan Fayyad.
Le plan Fayyad comprend donc des éléments qui concernent l’avenir de Jérusalem, du tracé des frontières et des aspects économiques et font partie intégrante du processus des négociations sur le statut final. S’il est traité unilatéralement, il nuirait au processus et violerait les engagements solennels pris par les Palestiniens.
Toute action unilatérale qui porte atteinte au cadre intérimaire des Accords d’Oslo pourrait compromettre le processus de paix et supprimerait la base de l’existence même de l’Autorité palestinienne. Cependant, si le plan Fayyad, serait adapté et intégré dans le cadre d’une éventuelle reprise des négociations, sur la base de l’infrastructure existante dans les Accords d’Oslo, alors ce plan pourrait servir de point de départ constructif pour tout nouveau cycle de négociations.
Toutefois, il semble bien que le plan Fayyad est une action unilatérale hors du cadre des négociations bilatérales et en fait, ce plan est présenté sous la forme d’un ultimatum. Si Israël ne donne pas suite aux demandes des Palestiniens alors les Palestiniens agiraient unilatéralement en dehors du cadre des négociations. Le plan Fayyad implique plusieurs questions centrales et notamment les divers aspects de l’avenir de Jérusalem tel que l’aéroport d’Atarot, ainsi que le tracé des frontières dans un but précis de gagner l’appui international et la reconnaissance du Conseil de Sécurité.
Ce plan est rédigé dans un langage pragmatique et clair pour influer, entre autres, les dirigeants politiques de l’Union Européenne.
Dans ce contexte et au-delà des gestes dramatiques, la diplomatie, dont celle incluant Israéliens et Palestiniens- ne peut procéder à des gestes unilatéraux ou à des menaces et s’égarer du contexte juridique ou du cadre de procédure auxquels les deux parties se sont engagées. Logiquement parlant, toute tentative pour avancer vers une sorte de relation pacifique entre Israéliens et Palestiniens ne peut être fondée que sur un processus de dialogue et d’acceptation mutuelle et de négociations sincères établies dans un cadre viable et acceptable pour tous.
Le plan Fayyad va donc à l’encontre du concept même du processus de négociation classique, et en tant que tel, il ne peut être acceptable – ni par Israël et ni par les autres partenaires internationaux et les signataires des différents accords signés entre Israël et les Palestiniens.
Selon les médias, le plan de Fayyad contient un additif confidentiel: il sera présenté au Conseil de sécurité, et sera probablement approuvé par les Etats européens et, éventuellement, par les Etats-Unis…Un élément supplémentaire et menaçant qui ajoute à la confusion et au manque de sérieux.
Agir unilatéralement en dehors du processus, pourrait gravement compromettre le cadre lui-même et porter préjudice au propre statut de Salam Fayyad ainsi qu’à l’intégrité constitutionnelle de l’Autorité palestinienne. Dans ce contexte toute déclaration unilatérale d’un Etat palestinien pourrait déclencher une série de réactions, légales ou politiques, qui pourraient créer de sérieux dommages et irréparables au processus de paix.
Rappelons que l’accord intérimaire a établi dans ses dispositions finales (article XXXI) une équation stricte pour faire face aux actions unilatérales de l’une des parties :
“Aucune partie n’initiera ou ne prendra une mesure qui changera le statut de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza et cela dans l’entente des résultats des négociations sur le statut final et permanent.”
Cette clause impose une obligation vitale et réciproque sur chaque partie. En d’autres termes, les Palestiniens ne déclareront pas unilatéralement la création d’un Etat, et les Israéliens ne déclareront pas l’annexion des territoires. Le tout est destiné à assurer que toute activité structurelle grave ne serait que le résultat d’un processus bilatéral.
Ouvrir et violer une telle disposition intégrante de l’accord qui sert de fondement pour l’existence et le fonctionnement de l’Autorité Palestinienne pourrait ouvrir l’accord et mettre en péril sa validité et, ce faisant, démêler potentiellement la raison d’être de l’autorité de l’Autorité Palestinienne ainsi que la prémisse délicate sur laquelle elle repose.
Rappelons que les Etats de l’Union Européenne, la Fédération de Russie, les USA, l’Egypte, et la Norvège sont signataires de l’accord intérimaire en tant que témoins. Il semble donc irréaliste que des pays européens, les USA, les Nations-Unies ou les membres responsables du Conseil de Sécurité agiraient d’une manière qui violerait leurs propres engagements et les documents signés par les Palestiniens et les Israéliens.