Comment la Turquie protège le Hamas

Depuis la tristement célèbre affaire de la flottille du Marmara, en mai 2010, Israël surveille de très près les relations entre la Turquie et le mouvement Hamas.

Cet incident grave avait révélé que le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, entretenait des relations étroites, directes et permanentes avec le chef du Bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal.

Les autorités turques autorisent, à ce jour, la branche militaire du Hamas à opérer à partir d’un bureau installé à Istanbul.

Ce bureau du Hamas à Istanbul est chargé de la planification des attaques terroristes et du transfert de fonds aux activistes de l’organisation en Cisjordanie. Il est dirigé par Saleh al-Arouri, depuis Beyrouth, assisté de nombreux membres du Hamas, relâchés en 2011 dans le cadre de l’accord de libération de détenus palestiniens en échange du soldat franco-israélien Guilad Shalit.

Le parti de la Justice et du Développement, dirigé par Erdoğan, est lié par ses origines avec le mouvement de la confrérie musulmane internationale. Bien que le Hamas ait annoncé qu’il coupait ses liens avec ce mouvement, ses contacts se poursuivent.

Certes, le Hamas a adopté un profil bas en ce qui concerne ses relations avec les Frères musulmans en Egypte. Cette attitude a un but tactique afin de se rapprocher du régime égyptien et pour alléger le fardeau dans la bande de Gaza.

Cependant, le Hamas continue d’être en contact permanent avec toutes les branches des Frères musulmans du monde entier. En réalité, il joue, en plein jour, un flagrant double jeu.

Le 12 février 2018, les services israéliens de la Sécurité intérieure (Shin Beit) avaient officiellement annoncé que le Hamas a transféré un montant de plusieurs millions de dollars à ses militants en Cisjordanie via la Turquie.

Bien que le chef du bureau du Hamas à Istanbul, Saleh al-Arouri, fut expulsé selon l’accord de réconciliation entre la Turquie et Israël, suite à l’incident du Marmara, il poursuivit ses activités terroristes à partir du quartier Dahya de Beyrouth, fief du Hezbollah. Il sert également d’agent de liaison entre les dirigeants du Hamas et l’Iran.

Le Shin Beit a arrêté récemment un citoyen turc, Kamil Takli. Ce professeur de droit avait aidé des militants du Hamas, relâchés dans le cadre de la libération de Guilad Shalit, à s’installer confortablement en Turquie. Il était impliqué dans un réseau de blanchiment d’argent, et fut expulsé d’Israël. Selon le Times britannique du 13 février 2018, Takli travaillait avec une compagnie militaire privée, SADAT, dirigée par un conseiller d’Erdoğan, Adnan Tanriferdi.

Le Hamas transfère des fonds en Cisjordanie via la Turquie

Dans le cadre de l’enquête, le Shin Beit a également arrêté Dirham Jabarin, impliqué dans le transfert de fonds. Il s’était rendu plusieurs fois en Turquie. Avant son arrestation, il avait réussi à transférer la somme de 200 000 euros aux militants de l’aile militaire du Hamas en Cisjordanie. Une somme supplémentaire de 91 000 euros a été trouvée en sa possession. Cet argent était prévu pour financer des activités terroristes contre Israël et son procès est en cours.

Toujours selon l’enquête, les activistes du Hamas en Turquie possèdent une société du nom d’IMES. Ils l’utilisent comme écran pour blanchir des capitaux valant des millions de dollars qui sont ensuite transférés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Ce bureau d’Istanbul fonctionne en toute connaissance et avec l’approbation des services de sécurité de Turquie. La liaison du Hamas avec les autorités turques est assurée par Jihad Yaghmour, un terroriste du Hamas impliqué dans l’enlèvement du soldat israélien Nahshon Waksman en 1994, relâché depuis dans le cadre de l’accord Shalit.

Dans le cadre des discussions sur la normalisation des relations avec la Turquie, Israël avait exigé la fermeture du bureau du Hamas à Istanbul. La Turquie rejeta cette demande mais a accepté d’expulser le directeur du bureau, Saleh al-Arouri. Ce dernier a déménagé au Qatar, puis s’est installé à Beyrouth.

Le chef du bureau du Hamas à Istanbul, Saleh al-Arouri (à gauche) avec le leader du Hezbollah, Nasrallah

Al-Arouri continue de gérer le bureau d’Istanbul depuis le Liban. Il est responsable de nombreuses actions terroristes dont l’enlèvement et l’assassinat de trois jeunes israéliens de Goush Etsion en juillet 2014. Rappelons que cet odieux acte avait finalement déclenché l’Opération « Bordure Protectrice » dans la bande de Gaza.

Saleh al-Arouri exploitait également un vaste réseau terroriste à partir du bureau d’Istanbul. Il comprenait plus de 60 activistes en Cisjordanie. Ce réseau a tenté de déstabiliser l’Autorité palestinienne, et en particulier le pouvoir de Mahmoud Abbas.

Le Shin Beit a arrêté plusieurs membres de ce réseau. En leur possession, on a découvert des armes et des explosifs. Le chef du Shin Beit de l’époque, Yoram Cohen, s’était personnellement rendu à Ramallah pour informer le président de l’Autorité palestinienne de cette prise.

Mahmoud Abbas remercia Israël pour sa précieuse aide. Il ignorait complètement l’existence de ce réseau terroriste du Hamas. Il ordonna à ses services d’arrêter tous les activistes clandestins du Hamas, cachés en Cisjordanie.

Il est clair que le fonctionnement du bureau du Hamas à Istanbul, qui planifie toujours des activités terroristes contre Israël, est une violation flagrante des accords récents signés entre Israël et la Turquie.

Certes, Israël reconnaît l’importance stratégique des relations avec ce pays musulman et il n’a pas rompu ses relations diplomatiques, en dépit du fait que les activités du Hamas ont pignon sur rue et se déroulent avec l’autorisation du président turc.

Erdoğan se considère comme le leader le plus important de la confrérie mondiale des Frères musulmans. Il n’a pas seulement donné le feu vert aux activités terroristes du Hamas contre Israël depuis le territoire turc, il soutient également, avec le dirigeant du Qatar, les activités terroristes des Frères musulmans et de l’Etat islamique contre le gouvernement du président égyptien Sissi.

Actuellement se tient au Caire un procès des membres d’un vaste réseau terroriste des Frères musulmans. Ce réseau avait comploté en juin 2013, en connivence avec des agents secrets turcs, pour faire tomber le gouvernement du Maréchal Sissi. Ils planifiaient des attentats terroristes avec des voitures piégées dans le but précis de déstabiliser le régime égyptien.

Yoni Ben Menahem

 


Pour citer cet article :

Yoni Ben Menahem, « Comment la Turquie protège le Hamas », Le CAPE de Jérusalem, publié le 25 février 2018: http://jcpa-lecape.org/comment-la-turquie-protege-le-hamas/


Illustration : Erdoğan (à droite) avec les leaders du Hamas, Ismail Haniyeh (à gauche) et Khaled Mechal.

NB : Sauf mention contraire, toutes nos illustrations sont libres de droit.

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