Chine-Israël : relations bilatérales solides et divergences géopolitiques

Freddy Eytan

A l’occasion du 30ième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et Israël, le président Xi Jinping a félicité chaleureusement son homologue Isaac Herzog. Il a indiqué que « l’amitié entre les deux peuples s’approfondie chaque jour davantage et les relations bilatérales ont enregistré des progrès remarquables. »

En effet, depuis le 24 janvier 1992, jour de la cérémonie de la signature de l’accord établissant les relations diplomatiques complètes, les échanges bilatéraux avec la Chine ont été multipliés par plus de 200 et atteignent aujourd’hui plus de 18 milliards de dollars.

1200 entreprises israéliennes sont déjà installées en Chine et, ici, de nombreuses sociétés et compagnies chinoises contribuent au développement des infrastructures israéliennes, notamment dans le domaine ferroviaire, des télécommunications, de l’agriculture, des équipements en énergie solaire, et des produits pharmaceutiques. Il existe aussi une large coopération entre les universités dans les projets de recherche et d’innovation, notamment avec le Technion, et les universités de Tel-Aviv et de Béer Shéva.

La coopération culturelle est également fructueuse. Ces jours-ci, les orchestres philarmoniques des deux pays ont offert un concert mémorable à Pékin, et un festival du cinéma israélien a eu un grand retentissement à Shanghai. Grâce aux vols directs et aux consulats d’Israël installés dans les villes importantes de ce gigantesque pays, plus de 150 000 touristes chinois arrivent ici chaque année. 

Le ministre israélien des Affaires étrangères David Lévy avec le ministre chinois des Affaires étrangères Qian Qichen, 24 janvier 1992

Le ministre israélien des Affaires étrangères David Lévy avec le ministre chinois des Affaires étrangères Qian Qichen, 24 janvier 1992 (Sa’ar Ya’akov/GPO)

 

Au-delà des bonnes et solides relations bilatérales, soulignons qu’Israël a été le premier pays au Moyen-Orient à reconnaître le régime communiste de Mao Zedong, il a fallu attendre plus de quatre décennies pour que la Chine fasse de même. Ses relations amicales avec le monde arabe et ses liens avec l’Union soviétique avaient empêché des relations normales.

Deux événements internationaux majeurs avaient changé la donne géopolitique :

  • L’effondrement de l’Union soviétique.
  • La conférence internationale pour la paix au Moyen-Orient réunie à Madrid.  

Pékin n’avait pas de stratégie précise au Moyen-Orient alors même que les échanges économiques se sont intensifiés avec le monde arabe. La Chine le voyait essentiellement comme un fournisseur de pétrole. Elle tenait à rester un partenaire purement économique dans cette région.

Sur la solution du problème israélo-palestinien, elle ne pouvait concurrencer les Etats-Unis ou l’Union soviétique. Elle demeurait donc un acteur neutre pour pouvoir intensifier, sans contraintes, la coopération économique et ses investissements dans le monde arabe et en Israël.

Aujourd’hui, la Chine avance ses pions, lentement mais sûrement. Ses gigantesques chantiers sont devenus familiers sur tous les continents. Ses produits et marchandises inondent tous les marchés internationaux. La Chine progresse dans tous les domaines et sur tous les plans notamment dans la construction de la nouvelle « route de la soie. »

Le président chinois Xi Jinping (à droite) serre la main du Premier ministre Netanyahu au Grand Palais du Peuple à Pékin.

Le président chinois Xi Jinping (à droite) serre la main du Premier ministre Netanyahu au Grand Palais du Peuple à Pékin, 09 mai 2013 (GPO)

Dans les années à venir, Israël devra consolider ses bonnes relations bilatérales pour justement obtenir un soutien de la Chine dans les dossiers brûlants de la planète, en priorité sur le projet nucléaire iranien.

Le rapprochement de Pékin avec les ayatollahs et la signature des accords stratégiques entre les deux pays inquiètent beaucoup, d’autant plus que les relations américano-chinoises se détériorent.

Le monde actuel n’est plus bipolaire. Il est dirigé par plusieurs puissances dont les intérêts de chacune ne sont pas toujours compatibles avec ceux d’Israël.

Le président israélien Reuven (Rubi) Rivlin rencontre le vice-Premier ministre chinois Wang Yang, à Jérusalem.

Le président israélien Reuven (Rubi) Rivlin rencontre le vice-Premier ministre chinois Wang Yang, à Jérusalem, 11 novembre 2015 (Mark Neyman/GPO)

L’Etat Juif ne peut donc miser exclusivement sur les liens privilégiés avec les Etats-Unis. Il devra donc manœuvrer avec sagesse et séparément avec chaque puissance.

Contrairement aux Etats-Unis, à la Russie ou à la France, la Chine n’a jamais eu une communauté juive importante qui a pu influer sur les décisions gouvernementales. Certes, le lien étroit entre nos deux peuples est bien ancien et remonte à la communauté juive de Kaifeng, installée il y a plus d’un millénaire. Les Juifs étaient à l’époque et pour la plupart des marchands venus de Perse et d’Inde.

L’antisémitisme n’a jamais existé en Chine. Des petites communautés juives ont prospéré à Harbin, Tianjin et surtout à Shanghai. Dans les années 1930 et 1940, la Chine a accueilli plus de 20.000 Juifs fuyant les camps de la mort nazis. La population juive en Chine a atteint près de 40.000 personnes à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Durant ces trois dernières décennies, la Chine a prouvé sa fidélité et sa forte amitié à l’égard de l’Etat Juif. Elle demeurera pour longtemps encore, un acteur puissant et incontournable dans les affaires internationales. Dans ce contexte, le devoir du gouvernement actuel est de maintenir ces relations dans un esprit constructif, en réfléchissant toujours aux générations futures.

Enfin, en raison des divergences géopolitiques, nous devrions sauvegarder scrupuleusement nos propres intérêts sécuritaires, stratégiques et économiques.

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