Changements stratégiques au Moyen-Orient
- Israël espère reprendre les négociations avec l’Autorité palestinienne. Nous nous préparons à la création d’un Etat palestinien indépendant et sommes prêts à faire des concessions douloureuses si l’on obtient en retour une paix réelle et durable.
- Israël ne présente pas de conditions préalables à la reprise du dialogue, mais il est clair que toute solution pacifique doit prendre en compte la sécurité de l’Etat juif.
- Une paix véritable nécessite une reconnaissance palestinienne au droit d’Israël à exister et non pas seulement une reconnaissance de son existence. Cela signifie la reconnaissance de pouvoir vivre dans notre propre Etat juif aux côtés d’un Etat destiné au peuple palestinien. Jusqu’à présent cette revendication légitime et naturelle était absente du processus.
- Concernant la crise syrienne, Israël suit une politique claire de non-ingérence. Toutefois, nous sommes très préoccupés par l’éventuel transfert d’armes sophistiquées à des groupes terroristes, en particulier le Hezbollah. Ces armes, notamment les batteries antiaériennes S-300 de fabrication russe, peuvent tomber dans des mains iraniennes. Israël est engagé avec la Russie dans la poursuite des pourparlers mais il s’oppose farouchement à la fourniture de ces armes à la Syrie.
- Le programme nucléaire iranien présente une urgence particulière. Bien que les Iraniens n’aient pas encore produit leur première bombe, leur industrie nucléaire n’a pas été planifiée dans le but de construire quelques bombes et de les mettre à l’abri. Bien au contraire, leur programme a été conçu pour produire des centaines de bombes et les monter ensuite sur des missiles balistiques à longue portée. Il s’agit d’une menace d’une ampleur totalement différente que celle de la Corée du nord ou même du Pakistan. C’est une menace existentielle qui pourrait changer non seulement le cours de l’histoire du Moyen-Orient mais de le la planète entière.
Au cours des derniers mois, et depuis l’installation du troisième gouvernement dirigé par Benjamin Netanyahou, le président Obama et le secrétaire d’Etat John Kerry déploient de sérieux efforts pour relancer les pourparlers de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne. J’ai moi-même participé aux consultations avec le président Obama durant sa dernière visite en Israël, ainsi qu’aux réunions ultérieures tenues avec le secrétaire d’Etat Kerry et le secrétaire à la Défense, Chuck Hagel.
Je suis profondément impressionné par leur détermination à amener les Israéliens et les Palestiniens à la table des négociations, sans condition préalable, et à trouver une solution pacifique au conflit.
La position d’Israël est sans équivoque : nous voulons reprendre les négociations. Le Premier ministre Netanyahou a fait savoir très clairement qu’il était lui-même, avec l’ensemble du gouvernement, totalement engagé sur la formule de deux Etats pour deux peuples. Même s’il existe des opinions différentes au sein de la coalition ou du gouvernement, chaque membre du cabinet est engagé à respecter cette solution.
Une paix véritable signifie la fin de toutes les revendications et une reconnaissance sincère d’Israël en tant qu’Etat-nation du peuple juif. La Résolution 181 sur le plan de partage, adoptée par les Nations unies le 29 novembre 1947, ne mentionnait pas le nom d’Israël pour la simple raison que tous ignoraient, y compris Ben Gourion lui-même, que le nom Israël serait prononcé le 14 mai 1948, jour de la proclamation de notre Etat. En réalité, la dite Résolution envisageait la création d’un Etat juif. Six décennies plus tard, les Palestiniens comme d’ailleurs les Iraniens reconnaissent notre existence. De fait, même ceux qui appellent à nous détruire doivent reconnaître l’existence de notre Etat car on ne peut détruire ce qui n’existe pas.
Pour nous, il s’agit surtout de la reconnaissance et du droit du peuple juif à vivre dans son propre Etat, de la même manière qu’on pourrait exiger un Etat palestinien pour le peuple palestinien. Seule une vraie reconnaissance d’Israël peut conduire à la fin du conflit, à l’acceptation d’un réel partage de cette terre entre le peuple palestinien et le peuple juif.
Quant à la sécurité, cela doit signifier des mesures réelles et adéquates sur lesquelles nous pouvons garantir notre défense en dépit de l’instabilité générale que traverse ces-jours-ci l’ensemble du Moyen-Orient. Personne ne peut prédire avec certitude qu’elle sera la situation dans les cinq ou dix prochaines années. Après le retrait israélien de la bande de Gaza, le Hamas y assure le contrôle et il est fortement soutenu par l’Iran.
Dans ce contexte, nous devrions exiger la démilitarisation totale du futur Etat palestinien. Je m’oppose farouchement à l’installation de forces étrangères dans la vallée du Jourdain ou dans des zones frontalières. Notre principe est clair : les Palestiniens devraient être capables de contrôler leur quotidien et nous devrions, nous, assurer le contrôle de notre propre sécurité, à savoir notre survie.
Nos précédentes expériences avec des forces étrangères furent amères au Liban et à Gaza ; de tels scénarios ne doivent jamais se produire en Cisjordanie.
Pour pouvoir remettre les négociations sur des rails, nous travaillons très étroitement avec le secrétaire d’Etat Kerry et avec l’envoyé du quartet au Moyen-Orient, Tony Blair. Nous déployons de gros efforts pour faire avancer des projets qui permettront de développer l’économie palestinienne tout en avançant sur les plans politique et sécuritaire. Il est clair qu’un progrès dans ce sens, avec une amélioration du niveau de vie des Palestiniens, créera un meilleur climat et éventuellement une plus grande adhésion de l’opinion publique aux pourparlers de paix.
En ce qui concerne la situation syrienne, Israël suit une politique définie de non-ingérence mais nous devons être vigilants. Nous sommes bien entendu préoccupés par le transfert possible d’armes sophistiquées aux organisations terroristes, en particulier le Hezbollah.
Nous devons également garder à l’esprit que le conflit syrien n’est pas seulement une guerre civile locale. Il s’agit d’un conflit beaucoup plus vaste entre l’axe chiite iranien et le monde arabo-musulman sunnite, et cela accroît les dangers et les risques d’escalade.
Enfin, la menace nucléaire iranienne demeure en priorité et elle doit être traitée en urgence. Certes, l’impact des sanctions sur l’économie iranienne est significatif et les Iraniens en payent un lourd tribut. Nous apprécions les tentatives déployées par les Etats-Unis et les pays européens pour renforcer ces sanctions. Je n’envie pas le ministre iranien des Finances car selon notre estimation, l’Iran a déjà perdu plus de 70 milliards de dollars de revenus. Pour une économie de la taille de l’Iran avec un PIB annuel de 400 à 500 milliards c’est impressionnant et les pertes sont bien lourdes. Toutefois, les sanctions sont insuffisantes car dans l’esprit des ayatollahs la capacité nucléaire vaut la chandelle : le peuple iranien peut bien accepter des sacrifices pour atteindre l’objectif de devenir une puissance nucléaire. Nous devons, pour la stabilité et la paix de notre région et de toute la planète, faire tout ce qui est dans notre pouvoir pour les convaincre d’abandonner leur désastreux projet.
Dans les mois à venir, le monde occidental devra trancher sur ce dossier et prendre une décision ferme afin d’empêcher la nucléarisation de l’Iran, sinon il sera trop tard. La seule approche diplomatique efficace devrait s’accompagner d’une menace militaire crédible. Les Iraniens savent qu’ils sont très vulnérables et ils craignent un raid aérien précis et décisif de l’OTAN ou des Etats-Unis. Dans ce contexte, ils pourront alors reconsidérer leur attitude et opter pour un véritable compromis. Mais le temps presse et une telle démarche devra se faire au pas de course.
Yuval Steinitz
Extraits d’une conférence tenue par le ministre des Affaires internationales et des Affaires stratégiques devant la presse étrangère et le corps diplomatique au JCPA-CAPE. Voir l’intégralité des propos sur notre site en anglais.
Vous pouvez retrouver cet article sur Terre d’Israël.