Centenaire de la déclaration Balfour : les menaces d’Abbas

wikipedia-arthur_balfour_photo_portrait_facing_leftLe Royaume Uni commémore officiellement le centenaire de la déclaration Balfour, une lettre ouverte du 2 novembre 1917 du ministre anglais des Affaires Etrangères à Lord Walter Rothschild dans laquelle « le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine »[1]

Abbas, président de l’Autorité Palestinienne à la onzième année de son mandat de quatre ans et qui vient d’être réélu à l’unanimité président du Fatah après avoir exilé ou réduit au silence toute opposition, veut commémorer, à sa façon, ce centenaire en proposant de poursuivre la Grande-Bretagne devant la Cour Pénale Internationale pour cette déclaration…

La déclaration Balfour, publiée en pleine Première Guerre mondiale et ses charniers, n’est pas un OVNI, elle s’articule avec les accords Hussein ben Ali/Mac Mahon, la déclaration Cambon et les accords Sykes/Picot qui tous envisagent la division de la région avec un Etat juif après la défaite envisagée de l’empire ottoman, allié au Reich allemand.

wikipedia-balfour_portrait_and_declaration

La déclaration Balfour

Les Anglo-français, souhaitant une révolte arabe derrière le front turc, engagent les négociations avec Hussein ben Ali (Sheriff de La Mecque et descendant du Prophète). L’accord avec Mac Mahon (Haut-Commissaire britannique en Egypte), stipule expressément[2] exclure du futur royaume arabe la Mésopotamie (actuel Irak) et la côte syrienne d’Alep à la Mer Morte, donc la Palestine. Hussein accepte et lance, le 10 juin 1916, la révolte arabe avec l’aide du colonel français Brémond et du colonel anglais Lawrence. La belle épopée loin du Lawrence de Peter O’Toole.

Avec, notamment, la création en 1915, au cœur de l’empire ottoman, du réseau d’espionnage NILI qui permettra aux Anglais de contourner les défenses turques du verrou de Gaza et prendre Beer Sheva[3], le mouvement sioniste devient un atout pour les alliés.

Ainsi, le 4 juin 1917, soit cinq mois avant la déclaration Balfour, Jules Cambon, secrétaire général du Quai d’Orsay, écrit à Nahum Sokolov, dirigeant sioniste : « ce serait faire œuvre de justice et de réparation que d’aider, par la protection des Puissances alliées, à la renaissance de la nationalité juive, sur cette terre d’où le peuple d’Israël fut chassé il y a tant de sièclesLe gouvernement français, qui est entré dans cette guerre pour défendre un peuple injustement attaqué, et qui continue la lutte pour assurer la victoire du droit sur la force, ne peut qu’éprouver de la sympathie pour votre cause, dont le triomphe est lié à celui des alliés. Je suis heureux de vous donner sous ce pli une telle assurance. » Les Anglais ont-ils craint de laisser ce terrain aux Français ? Abbas, lorsque l’idée lui est venue de poursuivre la déclaration Balfour en justice, est venu à Paris, en pleine agitation autour du Brexit, rencontrer François Hollande ; voulait-il l’assurer qu’il ne poursuivrait pas la France pour la déclaration Cambon ?

Parions qu’Abbas ne poursuivra pas non plus la Turquie pour la prise de Jérusalem par Selim 1er le 30 décembre 1516 ; les Ottomans ont occupé la Palestine jusqu’en 1917… Palestine : pourquoi ne pas poursuivre l’Italie, dont les ancêtres, les envahisseurs romains, avaient ainsi rebaptisé la Judée, mais il est vrai qu’à cette époque tous les habitants étaient Juifs.

wikipedia-desk_balfour-musee-israel

Le bureau de Lord Balfour présenté au Musée de la Diaspora, Tel-Aviv

Il ne poursuivra probablement pas non plus, la famille Hachémite pour le traité d’amitié et de coopération du 3 janvier 1919 entre Fayçal, fils d’Hussein ben Ali, et Weizmann ; traité soulignant qu’une collaboration étroite entre l’Etat arabe et la Palestine juive constituait « la condition la plus sûre pour la réalisation des aspirations nationales des deux parties ». Ni pour la lettre de Fayçal du 3 mars 1919 à Felix Frankfurter, membre de la Cour suprême des Etats-Unis et dirigeant de l’Organisation Sioniste Mondiale : « Les Arabes (…) considèrent le mouvement sioniste avec la plus profonde sympathie… Nous souhaitons de tout cœur aux Juifs un heureux retour dans leur foyer… Le mouvement juif est nationaliste et non impérialiste… Et il y a en Syrie assez de place pour tous les deux. Je pense très sincèrement que nous ne pouvons réussir qu’ensemble. » Ce traité recommandait encore l’application de la déclaration Balfour et de « toutes les mesures nécessaires pour encourager et stimuler l’immigration massive de Juifs en Palestine. » Il est vrai que Fayçal avait subordonné l’exécution du traité au respect des engagements britanniques et que la Syrie entière, notamment sa partie Est, était revenue aux Français qui l’avaient chassé, mais il avait reçu en échange la Mésopotamie que les Anglais s’étaient réservée…

Trop tard pour poursuivre Lawrence qui estimait en 1920 que « les succès du sionisme amèneraient fatalement, après un délai très bref, un relèvement du niveau de vie matériel des Arabes, et que cela aurait les conséquences les plus décisives pour l’avenir du monde arabe. »

De même pour Karl Marx qui, après une violente diatribe contre l’islam (islamophobie avérée), rappelle dans le Daily New York Tribune du 15 avril 1854 que les Juifs sont très largement en majorité à Jérusalem mais « victimes d’une oppression et d’une intolérance constantes de la part des musulmans, insultés par les Grecs, persécutés par les latins ? »[4]

Peut-être Abbas a-t-il espéré à Paris faire cacher la stèle de Mesha (roi de Moab au IX siècle avant) qui grava avoir vaincu les descendants d’Omri, roi d’Israël, elle est encore exposée au musée du Louvre ; mais aucune chance de faire disparaitre celle de Tel Dan sur laquelle un roi araméen, probablement Hazaël, célèbre sa victoire sur Yoram fils d’Ahab roi d’Israël et A’hazyahou fils de Yoram roi de la maison de David… Elles sont en désaccord avec les idées impérialistes d’Abbas (qui est aussi le nom du premier des Abbassides qui massacra ses prédécesseurs et fit donner un repas sur leurs cadavres…).

Pourquoi ne pas poursuivre tout simplement l’Histoire ? Avec l’UNESCO pour allié, ça pourrait marcher.

wikipedia-weizmann_and_feisal_1918

L’émir Fayçal avec Haïm Weizmann (à gauche)

Poursuivre la Grande-Bretagne est insuffisant : son mandat lui fut attribué par la Société Des Nations qui intégra la déclaration Balfour : il faut poursuivre la communauté internationale. Aujourd’hui l’ONU, qui a repris les résolutions de la défunte SDN et a reconnu l’Etat d’Israël. Il y a là, vraiment, matière à poursuivre l’ONU, malgré son incroyable complaisance avec lui !

Plus insupportable encore, Dieu lui-même attribue, dans le Coran, cette terre aux enfants d’Israël dans les sourates V, VII et XVII[5], nonobstant le fait qu’une terre ayant été musulmane doit le redevenir comme l’Espagne, le Portugal, les Balkans, le Languedoc, le Poitou, la vallée du Rhône et jusqu’à Sens. Le Coran décrit même le premier et le second Temples[6], ces Temples qui n’ont jamais existé selon l’Autorité Palestinienne d’aujourd’hui. Abbas devrait donc poursuivre Dieu et le Coran en justice.

Les dictateurs qui oppriment leurs peuples n’ont jamais de scrupule et les Nations souvent les suivent. Gageons qu’au moins l’UNESCO suivra.

Pour conclure, poursuivre la déclaration Balfour est sûrement une manière de clamer, une nouvelle fois, vouloir une coexistence pacifique entre deux Etats pour deux peuples…

 

Richard Rossin

Ancien secrétaire Général de MSF, cofondateur de Médecins du Monde, ancien Vice-Président de l’Académie Européenne de Géopolitique


[1] Publiée dans le Times de Londres le 9/11 sous le titre : Palestine for the Jews. Official Sympathy.

[2] Lettre du 24 novembre 1915.

[3] 31/10/1917.

[4] On remarquera que ce texte a, dans sa version française, récemment disparu sur Google avec les mentions : 1/ Termes manquants : 1854 jérusalem   et 2/ Certains résultats peuvent avoir été supprimés conformément à la loi européenne sur la protection des données

[5] V (20 et 21), VII (137) et XVII (verset 104 : Nous avons dit ensuite aux Fils d’Israël : par Allah, habitez cette terre! Quand l’autre promesse se réalisera, nous vous ferons revenir en foule[5], et Ô mon peuple, entrez en Terre du Sanctuaire, inscrite pour vous par Allah, ne revenez plus sur vos pas, vous retourneriez en perdants.

[6] Sourates XXXIV ; 13 et XVII ; 7.


 

Pour citer cet article : 

Richard Rossin, « Centenaire de la déclaration Balfour : les menaces d’Abbas », Le CAPE de Jérusalem: http://jcpa-lecape.org/centenaire-de-la-declaration-balfour-les-menaces-abbas/