Asymétries dans la géométrie

Richard Rossin

L’ONU et d’autres avec la France, en exception européenne, appellent à un cessez-le-feu. Que ne l’avaient-ils pas fait le 7 octobre !

Ce jour-là, Israël fut attaqué, et pour une fois, on lui avait témoigné de la compassion, des propos martiaux condamnaient la barbarie du « super-pogrom », ses tortures, ses mutilations, ses viols, ses enlèvements. Mais on n’avait pas demandé de cessez-le-feu au Hamas qui avait mis deux ans à préparer cette agression. Enfin, tous n’avaient pas condamné l’attaque, notamment l’ONU. D’ailleurs l’ONU, ni personne, ne souligne qu’une attaque contre un de ses Etat membre est illégale. Il est vrai qu’on ne demande pas de cessez-le-feu à une organisation terroriste et que l’ONU n’a jamais empêché la moindre guerre.

Un pogrom ? jamais tel pogrom dans l’Histoire n’eut lieu, tant dans sa réalisation que dans son bilan, en Orient ou en Occident. Pourtant, d’emblée, avant même la riposte israélienne, certains Occidentaux obsessionnels prennent faits et cause pour les assassins et leur horde de civils pillards qui les suivirent et dont certains étaient des employés, voire des amis, des assassinés.

Ces antisionistes monomaniaques applaudissent même à l’invraisemblable exposition de corps des personnes assassinées et de plus de deux cent otages trainés, insultés et frappés dans les rues gazaouies. Ils prennent fait et cause au nom d’une curieuse morale exempte d’humanité qui a des difficultés à cacher une religieuse haine ethnique séculaire. Les temps sauvages reviennent-ils ? Emportés par leur propre haine antisioniste, ils dénoncent une vengeance d’Israël, alors qu’il s’agit de justice, de la défense de valeurs universelles de liberté et d’égalité et de celle des citoyens israéliens. Ils dénient l’existence du carnage pourtant filmé par les barbares eux-mêmes. Ils oublient, ces aveuglés, qu’ils sont, eux aussi, confrontés à la fureur des Islamistes, leurs innombrables attentats depuis plus de quarante ans.

136 otages sont toujours détenus par le Hamas dans des conditions inhumaines.

136 otages sont toujours détenus par le Hamas dans des conditions inhumaines. (@bringhomenow/X)

Dès la riposte israélienne, sont proférées des mises en équivalences folles entre le massacre intensionnel des civils israéliens par une organisation terroriste et les morts civils collatéraux de la guerre de défense d’un Etat démocratique, ceci à l’argument que la guerre fait des victimes et qu’une victime est une victime. Est-ce du même ordre de torturer, violer, d’assassiner intentionnellement des civils que de riposter en défense à une agression ? Entendre parler de bombardements israéliens indistincts sur Gaza par des chefs d’Etats qui avaient bombardé indistinctement dans les Balkans, en Irak à Mossoul et à Raqqa, prêterait à sourire si ce n’était tragique. Au contraire, ce qu’aucune autre puissance n’a jamais fait, Israël le fait en prévenant les Gazaouis des sites de bombardements prévus, au risque de faire fuir des lieux les ennemis en armes intimement mêlés à la population civile.

Pire, lorsque Tsahal propose aux gazaouis d’évacuer de larges zones pour limiter ce que tous les militaires du monde appellent des dégâts collatéraux, cela devient un scandale. Mais l’évacuation de plus de deux cent mille Israéliens de chez eux par mesure de sécurité, est passée sous silence : information déséquilibrée ! Mensonges directs et par omission, qui brouillent évidemment la réalité de la guerre. Géométrie variable.

La parole est offerte aux négationnistes, relativistes et contextualisateurs divers qui défendent toutes les luttes de libération nationale à l’exception notable de celle du peuple juif qui s’appelle le sionisme au profit d’un peuple nouveau sans réalité historique, ni politique mais érigé en paradigme du persécuté (quand, où et par qui ?). Un « pauvre persécuté » qui ne manque ni d’armes, ni de missiles modernes. Géométrie du mensonge et de la négation des faits

Alors, ils parlent, sans savoir, de carnage (en oubliant le massacre du 7/10), nient les informations argumentées, les preuves venant d’Israël mais prennent, pour argent comptant, les chiffres flous avancés par un ministère de la santé d’un groupe terroriste. Toujours les mêmes variables d’une même géométrie. Ils soutiennent avec véhémence des terroristes contre une démocratie.

Un cessez-le-feu donc est exigé. Évidemment les guerres font des victimes (toujours innocentes ?), évidemment tout un chacun, enfin beaucoup le disent, espère la paix mais la paix n’est pas le seul silence des armes. Qui dans la région refuse obstinément une paix ? Israël n’a une première frontière avec un de ses voisins (l’Egypte) que depuis 1979. Auparavant, il n’y avait que des lignes d’armistice, ses voisins ne voulaient pas de frontières malgré les guerres qu’ils avaient initiées et perdues. Aujourd’hui, les pacifistes institutionnels accusent l’agressé plutôt que l’agresseur ! La logique de Munich 1938.

Un cessez-le-feu, il y eut une pause le mois dernier pour négociation, au Qatar, visant la libération1 d’une centaine d’otages. Ceux-là que la Croix Rouge avait refusé de tenter de visiter et dont certains étaient captifs dans de braves familles gazaouies.

La Croix Rouge se résoudra à faire le taxi sur quelques mètres pour eux… Mais le Hamas met fin brutalement à l’accord. Une otage libérée était retenue et abusée chez un professeur de l’UNWRA2, a-t-il été poursuivi ? L’UNWRA fut créée en 1949 par l’ONU pour être une bombe à retardement : elle est spécifique aux arabes réfugiés de Palestine3 avec un statut unique qui perpétue la qualité de réfugié de père en fils. Réfugiés interdits d’intégration dans les pays frères…Israël, sans aide, avait à l’époque intégré près d’un million de Juifs spoliés et expulsés des pays musulmans.

Le rôle du Qatar sunnite est ambigu, il est allié de l’Iran shiite, grand ordonnateur de cette guerre, investit partout dans le monde notamment en France et dans les grandes université américaines4 (on vient d’en voir les conséquences), et finance aussi le Hamas5 mais joue les bons offices entre Israël et le Hamas sur les questions d’otages et de cessez-le-feu.

Le plus important, en fait, est la nature du conflit dont l’Occident au passé lourd se délecte en devisant sur une morale qui n’est pas une éthique. Le grand traumatisme du monde musulman fut l’abolition du Califat en 1924 par Atatürk ; en réaction Hassan el Banna (grand père de Tariq Ramadan) créa la confrérie de Frères Musulmans en 1928 pour un islam radical, la renaissance du Califat et la reprise du djihad ; rien n’est plus étranger à cet islam-là que les nationalismes notamment musulmans qui sont perçus en grands ennemis. Le nationalisme palestinien n’est pour le Hamas qu’un alibi à sa lutte pour le djihad mondial et en premier lieu sa guerre à mort contre Israël. Il en appelle statutairement à la destruction totale6. L’objectif réel du Hamas sunnite est l’instauration d’une théocratie mondiale moyenâgeuse à l’instar du rêve de l’Iran shiite, un allié tactique mais un ennemi à terme. A cet égard, la réponse d’Israël est une guerre contre un totalitarisme avec ses ostracisations, l’asservissement des femmes, l’esclavage, le massacre des homosexuels, la dhimmitude opposée aux non-musulmans, une guerre pour des valeurs et pour la justice, une réponse qui se trouve être une défense de ce qui fit le monde démocratique occidental, ses droits universels de l’homme. L’utilisation du terme de Hamas brouille les cartes, occultant qu’il s’agit de l’islamisme en guerre.

Dès lors, on ne peut que s’étonner de la réaction des démocraties qui sont visées par cette guerre mondiale non déclarée mais subie et dont personne ne veut dire le nom. Elle dure depuis des décennies. Elle a débuté par des attentats dans des avions et des aéroports auxquels la seule réponse fut, à grands frais, la multiplication des contrôles aux embarquements avec une débauche de personnels et de matériels sophistiqués, avec des queues interminables. Cela fait-il tourner une industrie et résorber un chômage importé ? Puis, les méga attentats extrêmement bien organisés contre les grandes cités occidentales7 : Munich New York, Madrid Londres, Toulouse, Paris, Nice, Barcelone ; les plus importants, mais on compte en moyenne en France et par an, plusieurs dizaines d’attentats islamistes. La guerre unilatérale !

Le plus étonnant est qu’il n’y a toujours pas de réelle qualification juridique du terrorisme, les terroristes sont jugés comme des criminels de droit commun et rien n’est fait contre les commanditaires idéologiques de ces attentats qui continuent à avoir pignon sur rue dans la plupart des pays. Qu’entend-on ? Des appels aux négociations d’échange d’otages8 contre des prisonniers régulièrement condamnés par la justice ; un des précédents terroristes libérés fut Yahya Sinwar9, organisateur du massacre et de cette dernière guerre déclenchée. Et des appels trop précoces au cessez-le feu, on en connait les résultats après ceux de 2006, 2009, 2012, 2014, 2018, 2021 : des conflits toujours plus meurtriers, des réarmements de plus en plus lourds. Tombent aussi, des condamnations d’éliminations des responsables de massacres et de guerres comme si la mort des Merah, Kouachi, Coulibaly et Ben Laden, pour ne citer qu’eux, n’avaient pas été des assassinats ciblés… à raison. Autant d’appels au renforcement du terrorisme international.

L’implication de l’Iran et récemment de leurs supplétifs Houthis du Yémen qui bloquent la navigation en mer Rouge et dans la mer d’Arabie, blocus illégal au regard du droit international sur la navigation et la libre circulation dans les détroits, éveille un peu les consciences : le commerce mondial est en danger ! Une coalition s’est constituée pour tenter d’assurer la liberté de navigation, coalition bien timorée active sur les tentatives d’effet mais pas sur leurs sources.

Une plainte, aberrante, est déposée auprès de la Cour Internationale de Justice par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide envers les Palestiniens, le seul groupe humain génocidé qui a vu sa population multipliée par sept en soixante ans. On se souvient que ce même pays avait refusé l’injonction du TPI à lui remettre Omar el Bechir, le génocideur des Darfouris en visite sur son territoire. L’Afrique du Sud fut aussi l’organisatrice de quatre célèbres conférences judéophobes à Durban et est une des plaques tournantes du financement du Hamas et du Hezbollah10. Bienvenue en absurdie. La première plaidoirie de l’avocat sud-africain explique, reprenant la pensée d’un bruyant politicien français à l’antisémitisme débridé, que les Israéliens, tous les Israéliens, sont ontologiquement coupables par leur simple existence… c’était simplement la thèse des nazis.

Le monde politico-intello-médiatique devrait enfin prendre conscience de la réalité populaire : des sondages récents en France11 montre qu’une large fraction de la population a une vision plutôt favorable à l’égard d’Israël en guerre, craint des conséquences terroristes dans l’hexagone et trouve justifiée l’élimination du Hamas. Bref, une vision plus claire de la situation mondiale que celle des pseudo décideurs. Ce monde devrait être attentif aussi au modèle sociétal que revendique une part des Musulmans de France qui défendent haut et fort le Hamas. Combien de temps les dirigeants d’une démocratie peuvent-ils ignorer l’avis populaire sans danger ? Quand entendront-ils, avant de lancer des propositions d’avenir utopiques, le discours et le langage des Islamistes qui se moquent et de la vie et de la prospérité ? Des valeurs complètement étrangères à leur pensée.

Richard Rossin

Ecrivain, ancien Secrétaire général de MSF, cofondateur de Médecins du Monde, ancien Vice-président de l’Académie Européenne de Géopolitique, membre du CAPE.


  1. Echange un pour trois↩︎

  2. Plus de 3000 employés de l’UNWRA ont célébré le massacre du 7/10 sur Telegram.↩︎

  3. 650.000 dans un monde qui comportait alors 50.000.000 de réfugiés↩︎

  4. Au moins 4,7 milliards de dollars versés entre 2001 et 2021. Sa devise est : « Allah est notre objectif ; le Prophète est notre chef ; le Coran est notre loi ; le Jihad est notre voie ; mourir dans le chemin d’Allah est notre voie, plus grand espoir. » ↩︎

  5. A hauteur de 30 millions de dollars par mois.↩︎

  6. Israël a le double défaut d’être, et peuplé de Juifs haïs, et d’être une terre qui fut conquise par les Arabes (638).↩︎

  7. Munich (1972), New York (1993 & 2001), Madrid 2004), Londres (2005, 2013, 2015, 2017), Toulouse (2012), Paris (2015), Nice (2016), Barcelone (2017).↩︎

  8. On comprend bien la souffrance des familles de captifs↩︎

  9. Opéré en Israël d’une tumeur cérébrale lors de son incarcération pour meurtres↩︎

  10. Voir le journal Jeune Afrique : L’Afrique du Sud, plaque tournante financière du jihadisme, du 13/8/2023 ;

    ↩︎

  11. Ifop 29/10 (70% craignent une attaque terroriste en France) et 7/12/2023 (62% pense l’élimination du Hamas justifié, 72% voient les manifestations pro-palestiniennes antirépublicaines et antisémites et pour 71% les actes antisémites sont dangereux pour la société) et TF1 27/10/2023 (82% craignent des répercussions terroristes en France)

    ↩︎