Après l’échec de Macron, l’Iran poursuit son projet atomique
Le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, continue d’adopter une politique intransigeante à l’égard de tout ce qui concerne la reprise des négociations avec les pays occidentaux sur l’avenir du programme nucléaire.
Après l’échec d’Emmanuel Macron à organiser une rencontre entre les présidents Donald Trump et Hassan Rohani à New-York, le guide suprême a déclaré que, dès lors, l’Iran poursuivrait sa politique en se dégageant au fur à mesure de tous ses engagements vis-à-vis de l’accord nucléaire.
Khamenei a précisé que l’Occident avait échoué complètement en pensant exercer des pressions et imposer des sanctions contre son pays. Selon lui, l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (AEOI) mettra minutieusement en œuvre toutes les décisions gouvernementales en fonction du retrait américain de l’accord signé à Vienne, le 14 juillet 2015. Khamenei estime que ses experts et savants appliqueront à la lettre leur mission jusqu’au jour où un meilleur résultat sera obtenu. Sans aucun doute, dit-il « l’organisation iranienne de l’énergie atomique répondra à cet objectif. »
Khamenei a ridiculisé la politique régionale et internationale des États-Unis, affirmant qu’elle avait « échoué totalement et sur tous les plans ». Selon lui, tout l’argent du monde ne pourra effrayer les Iraniens, et toute action pour isoler l’Iran sera vouée à un échec cuisant.
L’Iran veut remettre en fonctions le réacteur à eau lourde d’Arak (photo Iran News Agency)
Khamenei ajoute que ce sont bien les Etats-Unis qui ont demandé une aide à « leurs amis européens » pour que le président Rohani accepte de négocier avec le président Trump, en marge de la dernière Assemblée générale des Nations unies. Tout a échoué et sera mis à chaque fois à l’échec si les sanctions ne sont pas levées et si les Etats-Unis ne reviennent pas sur leur mauvaise décision.
Dans ce contexte, Khamenei a défini les sanctions imposées au secteur pétrolier iranien comme un « problème éphémère ». Selon lui, l’Iran a trouvé une alternative et une démarche appropriée qui transformeront ce problème tactique à court terme en un « avantage stratégique à long terme » car le budget national ne dépendrait plus des revenus pétroliers.
Khamenei a loué les activités des Gardiens de la Révolution iranienne et leur courage et détermination à faire face à la crise, en particulier le rôle des Pasdaran dans le « front de la résistance » contre ce qu’il a appelé « un front cruel de puissances arrogantes et diaboliques ».
Dans cet esprit, Khamenei exprime sa grande satisfaction sur le bon fonctionnement de la Garde révolutionnaire, mais ajoute qu’elle devait accroître ses efforts et développer ses capacités pour atteindre le summum. Ces dernières semaines, de hauts responsables politiques et militaires iraniens ont souligné l’importance d’un front de résistance et de son intégration dans la stratégie générale de l’Iran dans la région.
Le porte-parole de l’AEOI, Behrouz Kamalvandi (photo AEOI)
À la suite des déclarations du dirigeant suprême, l’Organisation iranienne de l’énergie atomique s’est empressée de publier un communiqué dans lequel elle annonçait le retrait graduel des engagements à l’égard de l’accord nucléaire, tout en précisant que les autres signataires ne respectaient pas leurs obligations conformément au libellé de l’Accord de Vienne.
L’AEOI précise : « Nous sommes certains que les experts et les leaders du monde seront surpris par nos réalisations concernant l’enrichissement de l’uranium à 20%. Ils seront également surpris par les nouvelles réalisations des experts iraniens dans le domaine de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. » (sic)
Behrouz Kamalvandi, porte-parole de l’AEOI, a averti le 6 octobre 2019 que la décision iranienne de réduire progressivement ses engagements avait été prise après une longue année de « patience stratégique ». Suite au retrait unilatéral de l’administration américaine, l’Iran serait prêt à continuer à respecter l’accord nucléaire dans son intégralité dès que les autres signataires le feront.
Depuis, l’Iran a pris trois décisions majeures vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire :
- L’augmentation du niveau d’enrichissement de 3,67% à 4,5% ;
- L’acquisition de réserves d’uranium enrichi dépassant la limite de 300 kg autorisée par l’accord ;
- L’extension de la recherche et développement de divers projets (principalement des centrifugeuses) auxquels l’accord nucléaire avait imposé des limites.
Le 7 novembre 2019, il est prévu que l’Iran augmentera le niveau d’enrichissement à plus de 20%. Cette démarche est dangereuse et sera vivement critiquée par les autres signataires de l’accord.
Dans l’attente, malgré son ton agressif, il semblerait que Khamenei laisse encore une marge de manœuvre pour entamer un processus diplomatique. Le président Rohani et le ministre des Affaires étrangères, Jafad Zarif, n’ont pas complètement fermé la porte à la poursuite des contacts avec l’Occident afin de ramener les États-Unis à l’accord nucléaire. L’Iran peut être très encouragé par l’accueil chaleureux reçu lors de l’Assemblée générale des Nations unies, en particulier par la « précipitation » des dirigeants européens, et particulièrement du président Macron, à rencontrer Rohani. Ces embrassades européennes ont eu lieu malgré les déclarations de certains signataires (Allemagne, France et Royaume-Uni) affirmant que l’Iran était à l’origine de l’attaque du 14 septembre 2019 contre des installations énergétiques en Arabie saoudite.
Zarif a appelé à améliorer le plan du président Macron et à y apporter plusieurs modifications pour qu’il reflète enfin les souhaits de l’Iran. Selon lui, les efforts de Téhéran pour atteindre cet objectif se poursuivront par plusieurs canaux. Dans le même temps, Rohani a salué les efforts du président français et accusé les États-Unis de créer des obstacles et d’envoyer des messages contradictoires. Le président iranien a souligné que la voie diplomatique resterait ouverte si les droits de l’Iran étaient respectés.
L’Iran se moque de l’empressement des Européens à renouer avec lui (photo Fars News)
Parallèlement, au cours des dernières semaines, de plus en plus de personnalités religieuses en Iran et des chefs des Gardiens de la Révolution ont appelé, une fois encore, à la destruction de l’État d’Israël. Ces diatribes rappellent les déclarations du Guide suprême en 2016 selon lesquelles Israël cesserait d’exister dans 25 ans.
Il est possible que tous ces discours belliqueux contre Israël servent d’écran de fumée pendant que des négociations sont en cours entre l’Iran et les États-Unis afin de permettre à Téhéran de revenir sur les clauses de l’accord nucléaire qu’elle a signé.
En tout état de cause, d’ici le 7 novembre 2019, l’engagement de l’Iran à l’égard de l’accord atomique devrait être suivi, y compris l’enrichissement d’uranium à plus de 20%. La diplomatie et les efforts de l’Europe pour tenter d’y remédier ont échoué jusqu’à présent.
La politique régionale de l’Iran contre Israël et l’Arabie saoudite, au Yémen, en Irak ou en Syrie, rendra apparemment plus difficile tout progrès de négociation avec lui.
Toutefois, rappelons que l’Europe a montré qu’elle était disposée à ignorer les violations des libertés et des droits de l’Homme en Iran, ainsi que son rôle dans les activités terroristes et notamment sur le sol européen.
Donc, pour réussir et revenir sur le marché iranien, en investissant et en coopérant économiquement avec les Iraniens, et face à la faiblesse des États-Unis, les Européens feront tout pour réaliser un profit maximal et relancer les négociations afin de mettre enfin en œuvre l’accord nucléaire de Vienne.
Soulignons que les pays européens sont déjà soutenus par la Chine et la Russie, et eux aussi tentent de parvenir à un « accord équilibré » par la reprise des négociations. Le seul obstacle demeure l’Amérique et ses sanctions paralysantes.
Michael Segall
Pour citer cet article
Michael Segall, « Après l’échec de Macron, l’Iran poursuit son projet atomique », Le CAPE de Jérusalem, publié le 10 octobre 2019: http://jcpa-lecape.org/apres-echec-de-macron-iran-poursuit-son-projet-atomique/
Illustration de couverture : Les présidents Emmanuel Macron et Hassan Rohani se rencontrent à New York, en septembre 2019, en marge de l’Assemblée générale des Nations-unies (photo Mehr News)
NB : Sauf mention, toutes nos illustrations sont libres de droit.