Alliot-Marie au Quai- retour de la politique arabe au détriment d’Israël
Contrairement à Israël où le Premier ministre est ligoté par les caprices de la coalition parlementaire, en France, les remaniements ministériels sont devenus banals et le président de la République est le maître absolu de la politique intérieure et extérieure.
En principe, un changement d’un ministre des Affaires étrangères ne modifie pas fondamentalement la politique du chef de l’Etat puisque la diplomatie demeure le domaine réservé de l’Elysée.
Cependant, la nomination de Mme Alliot-Marie à la place de Bernard Kouchner, marque un changement dans le style d’action et les pôles d’intérêts. Désormais, la politique du général De Gaulle, de Giscard d’Estaing et de Jacques Chirac au Proche-Orient sera suivie par Madame Alliot-Marie. Quarante ans après la mort du Général, la France revient dans la région avec une diplomatie classique, glaciale et mercantile, où la raison cartésienne va de pair avec la raison d’Etat. Les sentiments, l’humanitaire, et le la lutte pour les droits de l’Homme, chers à Bernard Kouchner seront mis aux vestiaires.
Depuis que le processus de paix avec les Palestiniens est dans l’impasse, Nicolas Sarkozy a refroidi ses relations avec son “copain” Bibi. Le projet ambitieux du président français de créer une entente politique et économique dans le bassin Méditerranéen est mis dans un fond de tiroir. Les démarches françaises pour aboutir à un accord avec les Syriens ont été aussi vaines, quant au Liban, la France n’exerce plus son influence comme dans le passé. La prise de fonction d’Alliot-Marie tentera donc de rectifier le tir et de resserrer les liens avec le monde arabe. Madame Alliot-Marie sera reçue avec tous les égards dans toutes les capitales de la région. Le drapeau tricolore, le tapis rouge et les courtoisies seront exposés souvent en Arabie Saoudite, dans les Emirats du golfe, en Libye et en Algérie. L’image de Madame Alliot-Marie celle de “la Dame de fer”, de la “force tranquille” est trompeuse en ce qui concerne le Moyen-Orient. Le langage ferme contre le projet nucléaire iranien sera dorénavant plus mesuré, amadoué, et plus conciliant.
Certes, l’expérience politique du nouveau chef de la diplomatie est riche et son influence grandit. Ministre d’Etat, Madame Alliot-Marie a été chargée des ministères de la Justice, de l’Intérieur, des Cultes, de l’Outre-mer et des Collectivités Territoriales, elle est parfaitement consciente du poids électoral des musulmans de France, mais pour le moment elle n’a pas des intentions présidentielles.
Elle demeure toujours présidente du Gaullisme du Renouveau. Soulignons encore, que cette dernière année, Madame Alliot-Marie a été très attentive aux dirigeants de la communauté juive, et suivant Nicolas Sarkozy, très ferme sur le combat contre l’antisémitisme en France et sur la délégitimation de l’Etat juif.
Concernant Israël, son optique est plutôt crispée, glaciale. Ministre de la Défense, elle a été moins enthousiaste que ses prédécesseurs, tels que Léotard, Millon ou Richard qui eux, ont tous effectué des visites amicales en Israël. Alliot-Marie a refusé des invitations de ses homologues israéliens, Ben Eliezer et Shaoul Mofaz. Elle a été aussi très critique sur les vols de reconnaissance de l’aviation israélienne au Liban. En juin 2008, elle a accompagné le président Sarkozy à Jérusalem. Quelques minutes après son arrivée elle s’est précipitée vers… l’esplanade des Mosquées… C’était la première fois qu’elle débarquait en Terre sainte et elle choisit, sans attendre, de déposer une gerbe sur la tombe de Fayçal Husseini… Puis arrivée à la porte des Lions et accompagnée du Consul Général de France à Jérusalem, elle a visité le Dôme du Rocher et a dit avec émotion: “On connait cet endroit de par l’histoire et les textes, mais le fait de m’y être rendu a pour moi un double sens: d’une part, en ma qualité de ministre des Cultes, cela s’inscrit dans le cadre de mon travail sur la notion française de respect et de tolérance que nous appliquons à toutes les religions, d’autre part pour saluer la mémoire d’un homme, Fayçal Husseini, qui a consacré sa vie à la paix”.
La visite “à la sauvette” et dans la nuit noire, de Madame Alliot-Marie sur la même esplanade sacrée, à la fois, pour les Juifs (Mont du Temple) et pour les Musulmans (l’esplanade des mosquées) est passée inaperçue et seul un écho timide a été entendu dans la presse française… Par contre, le journal palestinien Al- Qouds a consacré, lui, un long reportage illustré de photos. Le site Internet du consulat français, voire de “l’ambassade de France à Al-Qouds, Palestine”, a publié ce texte in extenso et en arabe….Cette visite n’a pas non plus était programmée avec les autorités israéliennes et “la France” a refusé d’être escortée par la police locale comme il se doit… Sur ce point rien n’a changé dans la politique stricte du Quai d’Orsay. Jérusalem demeure une ville en partie occupée et donc elle n’est pas reconnue “de jure” comme la capitale de l’Etat juif.
Rappelons que la visite de Jacques Chirac dans le vieux quartier de la ville, en octobre 1996, a tourné à l’aigre justement pour des questions de sécurité… Soulignons, une fois encore, que dans la “Jérusalem unifiée” l’Etat d’Israël est toujours souverain et la sécurité des visites officielles, jusqu’à nouvel ordre, est sous la responsabilité des autorités israéliennes. Enfin, on peut se demander pourquoi madame le ministre du Cultes, en première visite officielle en Israël, ne s’est pas recueillie, ce soir là et tout naturellement, devant le mur des Lamentions qui jouxte l’esplanade sacrée pour les deux religions monothéistes…
Le lendemain matin, Madame Michèle Alliot-Marie a déposé une gerbe sur la tombe de Yasser Arafat à Ramallah… Pour pouvoir apaiser les esprits dans le monde arabe et équilibrer sa politique au Proche-Orient, la France a toujours eu des idées… C’est l’équilibre du double langage dans les enjeux de cette région du monde.
En conclusion, la France de Madame Alliot-Marie sera probablement plus active au Moyen-Orient. La nouvelle patronne du Quai d’Orsay est dans son fief, elle s’efforcera avec ses diplomates à renforcer ses relations avec le monde arabo-musulman au détriment de l’Etat juif. Dans une France qui est plongée dans un marasme économique et social, c’est bien le retour de la politique arabe, celle du gaullisme.