Absence de leadership et de stratégie pragmatique

Freddy Eytan

Les conclusions implacables de la commission d’enquête sur la terrible bousculade au mont Meron auront sans doute une influence sur les recommandations des juges qui devront se prononcer sur les terribles défaillances du 7 octobre 2023. Ces tragiques événements indiquent l’urgence de réformes dans le fonctionnement de l’Etat, une coordination efficace entre les différents ministères, mais surtout ils prouvent la négligence des projets en cours et la nonchalance à l’égard des menaces existentielles.  « Hiyé béséder, il ne faut pas s’inquiéter, tout ira bien », se contentent de dire toujours les Israéliens…Résultat : ils improvisent et font à chaque fois les mêmes erreurs…

Depuis le 7 octobre 2023, nous combattons pour une cause vitale, pour notre existence dans une région peuplée de musulmans dont une partie souhaite notre disparition. Au départ, la communauté internationale avait bien compris notre légitime combat mais très vite le vent de sympathie s’est transformée en une orageuse tempête de haine et en un déferlement de vagues antisémites.

Dans les moments de tourmente, de détresse, nous plaçons nos espoirs et nos frustrations sur ceux dont les connaissances, la sagesse et les compétences sont présumées. Nous comptons sur eux pour obtenir des directives, une protection et un ordre pour obtenir des réponses adéquates. Depuis deux décennies, nous sommes confrontés à une crise de leadership, non seulement au sein du pouvoir exécutif, mais dans de nombreux domaines de la vie publique. Nous constatons qu’il existe, comme d’ailleurs dans le monde entier, une carence en leadership, une absence de véritables leaders, ceux qui possèdent le charisme, l’audace, l’expérience, et surtout les intérêts des citoyens et des affaires de l’État.

Israeli Prime Ministers

Les différents chefs de gouvernements israéliens (Knesset.gov.il)

Un chef de gouvernement dans un État démocratique devrait avoir une vision de long terme de ce qui est nécessaire au peuple. Il devrait ignorer les articles de presse, les critiques, et les sondages. La politique n’est pas du marketing ou des relations publiques pour gagner quelques points électoraux éphémères.

Un vrai leader ne s’impose pas comme un petit chef, il convainc grâce à son autorité, son respect, sa claire vision, et sa stratégie pragmatique. Il n’incite pas à la haine, à la vengeance de l’adversaire ou d’une communauté. Il doit être intègre, donner le bel exemple, et surtout motiver les gens pour la noblesse d’une cause. Abraham Lincoln disait à propos du leadership : « on peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le monde une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps ».

Un vrai leader doit bouger tout le temps, avec enthousiasme et passion. Il doit conjuguer avec intelligence pouvoir et leadership. Le pire défaut est de mettre en avant son intérêt personnel ou familial, avant celui de l’État. Son autorité est avant tout morale. Nous avons connu en Israël des leaders socialistes comme Ben Gourion ou Lévy Eshkol, et de droite tels Begin ou Shamir qui vivaient modestement dans un petit appartement à Tel-Aviv. Chacun était conscient de la nécessité de donner l’exemple. Tout leadership doit en effet être intègre, sans faille.

Diriger, gouverner, c’est prévoir, réfléchir avant et agir après sans aucune hésitation. Avoir le courage politique de dire à ses citoyens toute la vérité sur la réalité du terrain y compris les erreurs et les négligences. Prendre toutes les responsabilités ministérielles en cas de carences des pouvoirs publics.  Prononcer des discours limpides avec des faits et des chiffres crédibles. Inspirer confiance sans fard, sans artifice. Le devoir du citoyen est de respecter les lois mais dans un pays démocratique chacun est aussi libre de protester, de critiquer et de manifester sa colère.

Le système à la proportionnelle demeure un grand mal de la politique israélienne. Un changement est urgent, vital pour le bon fonctionnement des affaires de l’État. En raison de système électoral compliqué, l’absence d’un parti majoritaire, la multiplication de petites formations charnières et extrêmes, Israël ne peut être gouverné convenablement et ne pourra jamais appliquer une politique cohérente, une diplomatie claire et harmonieuse. Pour entrer en guerre ou pour négocier la paix, un dirigeant israélien doit toujours prendre en considération sa coalition capricieuse. Un Premier ministre devra toujours faire des acrobaties pour renforcer le mécanisme qui assure l’application du programme politique.

Hélas, les promesses électorales sont rarement tenues, certaines décisions sont prises après avoir mal évalué les scénarios et les risques possibles. De nombreuses décisions gouvernementales ont été décidées à la hâte et focalisées uniquement pour le maintien du pouvoir. De ce fait, le système électoral actuel est en faillite.

L’avenir d’Israël dépend de la capacité du gouvernement à préserver son unité, à réduire l’influence des fanatiques, à calmer les esprits, à résoudre les problèmes socio-économiques et à relever les grands défis en cours. Le gouvernement devra redonner confiance et apporter des solutions à de multiples problèmes qui concernent la sécurité, la vie chère, la violence verbale, l’éducation, la santé et plusieurs autres domaines.

Malheureusement, le Mal israélien persiste par la présence de démagogues et de populistes, les combats idéologiques ne sont plus aussi percutants que dans le passé. La maladie de la démocratie israélienne devrait être soignée par les nouveaux dirigeants pour restaurer la confiance des citoyens. Le ras-le-bol, le dégoût de la politique et les messages creux risquent de provoquer une indifférence totale aux affaires de l’État et une forte abstention à chaque échéance électorale. Nous l’avons constaté ces jours-ci lors des élections municipales. Le manque d’idéologie et de réformes concrètes plonge la société israélienne dans l’incertitude et le désespoir surtout au sein de la jeunesse.

Dans la même veine, comment pourrions-nous attirer aussi les Juifs de la diaspora à venir s’installer en Israël, si nous ne sommes pas capables d’assurer la sécurité et le bien-être ?

Il est donc urgent de redonner à ce peuple confiance, courage et espoir. Il mérite absolument un meilleur leadership et une vision plus réaliste dans l’intérêt uniquement de la nation et de l’État et ainsi assurer aux générations futures un meilleur avenir.