Premières réflexions au confinement israélien

Freddy Eytan

La première réflexion qui s’impose c’est qu’Israël est vulnérable et ne doit compter que sur lui-même. Plus que jamais, nous devrions contrôler notre autonomie stratégique car nos meilleurs alliés, et en premier les Etats-Unis d’Amérique, ont profondément déçu.

Face à une crise aussi grave depuis la Seconde guerre mondiale, la politique isolationniste du président Trump a bafoué malheureusement la solidarité entre les peuples. Elle a traité avec un mépris outrageant l’esprit de la mondialisation. Les leaders de l’Union européenne n’ont pas été non plus à la hauteur. Chaque pays a agi tardivement et différemment en plongeant les populations dans la panique et le désespoir.

Quant aux organisations internationales telle que l’OMS, elles sont devenues insignifiantes, incapables de gérer convenablement les directives prises. La faillite morale a gagné tous les esprits.

Durant cette guerre non conventionnelle contre cet ennemi implacable et invisible, le Conseil de Sécurité de l’ONU n’a pu se réunir, le G20 non plus. Aucune discussion sérieuse, aucune résolution commune des dirigeants de la planète n’a été adoptée. Négligence dans la planification avant et pendant la crise, et aucune stratégie pour pouvoir maitriser la situation et l’ordre national de chaque pays.

La majorité écrasante des leaders fut au départ indifférente à la pandémie. Soucieux de sauvegarder le pouvoir, ils réagissaient en politiciens et non comme de véritables chefs d’Etats. Les sondages d’opinion, les intérêts économiques, et les revendications sectorielles furent toujours plus urgents et trop mis en avant dans toutes les décisions.    

Benyamin Netanyahou

Diriger, gouverner, c’est prévoir, réfléchir avant et agir après sans aucune hésitation. Avoir le courage politique de dire à ses citoyens toute la vérité sur la réalité du terrain y compris les erreurs et les négligences. Prendre toutes les responsabilités ministérielles sur les carences des pouvoirs publics.  Prononcer des discours limpides avec des faits et des chiffres crédibles. Inspirer confiance sans fard, sans artifice.

Vulnérable comme tous les pays de la planète Israël n’est pas à l’abri du virus ni non plus à l’écart des défaillances en cours.

Certes, nous avons pris rapidement des mesures nécessaires mais le manque d’informations et de renseignements ont compliqué la mise en place des infrastructures nécessaires et la coordination entre les ministères, ainsi que l’application des mesures par la police et l’armée.

Devant les rumeurs et les fausses nouvelles, les fameuses Fakenews, il est impératif de coordonner tous les messages gouvernementaux et nommer un responsable professionnel à la communication, ainsi qu’un général de l’état-major chargé des stratégies de confinement.

La société israélienne a confiance dans les services de sécurité, même si cela implique parfois des contraintes dans la liberté de circulation et perturbe la vie quotidienne.

Pour réussir dans la lutte contre la pandémie, les médias, et en particulier les réseaux sociaux, ont une responsabilité de premier ordre, et un rôle extrêmement important à jouer. Il est plus facile de créer la polémique, semer la panique, et la crainte au sein de la population que de calmer les esprits et maitriser une discipline de fer.

Les journalistes comme les experts et les médecins devraient faire preuve de retenue. Certes, la critique est justifiée mais dans les moments de détresse, chaque déclaration ou information a un impact considérable sur l’opinion publique. Les chiffres des décès et le nombre des contaminations affichés avec ostentation et en permanence sur les écrans sont inutiles et superflus car le spectateur ne peut savoir toutes les raisons médicales et faire la comparaison avec des décès suite à d’autres maladies, cardiovasculaires ou le cancer. Les autorités doivent informer au public des informations crédibles, d’une manière transparente et digne de confiance.

En Israël, il existe une affection et une grande estime à l’égard des différents services chargés de la sécurité et envers les unités spéciales de Tsahal et les services du Renseignement tel que le Mossad. Depuis la naissance de l’Etat, les Israéliens sont conscients que leur propre défense dépend de leurs services sécuritaires. Ils ont affronté les pires conflits et les guerres. De ce fait, le choix de l’armée pour gérer la crise et appliquer toutes les consignes est bien justifié.

Le ministère de la Santé devrait donner des directives et des conseils sur la marche à suivre mais seule Tsahal et ses différentes divisions, notamment celles du Renseignement, sont les seules à avoir une riche expérience dans les moments d’état d’urgence. Pour combattre le virus, nous devrions donc employer tous les moyens militaires, comme si nous étions en guerre.  C’est un combat de longue haleine, une véritable guerre d’usure.

La recherche médicale, le Renseignement et les efforts technologiques doivent être utilisés pour réduire le nombre des cas et surtout sauver des vies humaines. Rappelons que lors du déclenchement de la Première guerre du Golfe en 1991, le dictateur irakien, Saddam Hussein, avait menacé de lancer des missiles Scud avec des ogives biologiques et chimiques et toute la population était confinée avec des masques à gaz.

Aujourd’hui, nos réactions sont disproportionnées, pourtant la situation est tout à fait différente et beaucoup moins alarmante. Non, demain ne sera pas l’apocalypse et la fin du monde. Simplement, nous sommes contraints de rester chez-nous et changer nos habitudes, mais dans des conditions plus ou moins confortables. On a tort de s’affoler, il n’existe aucune pénurie de nourriture ou de médicaments. Avec application des consignes, vigilance et discipline, nous pouvons maîtriser facilement notre destin. Nous avons aussi connu dans le passé des crises économiques plus graves avec une inflation galopante de plus de 400% et c’est pourquoi un gouvernement d’union nationale est urgent.  

Rien ne sert de plonger dans l’angoisse et la déprime. Soyons patients et confiants même si la crise durera plusieurs mois encore. Cependant, elle est passagère comme toutes les crises et nous commençons déjà à revenir graduellement à une vie apparemment normale.

La priorité des soins devrait être appliquée dans les maisons de retraite. Nos aînés, les rescapés de la Shoah, tous ceux qui ont construit ce pays devraient être à l’abri contre toute contamination.

Enfin, saluons le courage et le dévouement des médecins et des infirmières, Juifs et Arabes. Ils sont de véritables héros dans cette nouvelle guerre non conventionnelle.