Pourquoi un consulat américain pour les Palestiniens à Jérusalem ? 

Alan Baker

Selon certaines informations, l’administration américaine envisage de reporter l’ouverture du consulat à Jérusalem en tant que mission pour les Palestiniens jusqu’au jour où le gouvernement Bennet-Lapid adopte un budget national.

Barak Ravid du site d’information Walla précise que la décision américaine fait suite à une requête israélienne et que le Premier ministre, Naftali Bennett, est opposé à la réouverture du consulat, soutenant que cela contredit la reconnaissance américaine de Jérusalem en 2017 comme capitale d’Israël. 

Cependant, toute demande de réouverture de l’ancien consulat américain à Jérusalem- en tant que mission américaine indépendante au service de l’Autorité palestinienne et des résidents palestiniens des territoires- soulève des questions juridiques et politiques nécessitant un examen approfondi.

L’ancien consulat américain de Jérusalem fonctionnait comme une entité indépendante, distincte de l’ambassade américaine en Israël, servant principalement de mission quasi diplomatique pour la population arabe des territoires et de l’Autorité palestinienne.

Avec la reconnaissance par les États-Unis en 2017 de la souveraineté d’Israël sur l’ensemble de la ville de Jérusalem, toute nouvelle mission consulaire en Israël exigerait, conformément à la pratique consulaire internationale, le consentement préalable d’Israël.

 

Bien entendu, comment Israël puisse donner son consentement à la réouverture d’un consulat américain à Jérusalem en tant que mission indépendante en Israël, au service d’une entité politique étrangère – l’Autorité palestinienne et les résidents des zones sous son contrôle.

Les accords d’Oslo de 1995 dont ont été témoins les leaders de la planète et notamment le président américain, Bill Clinton, permettent aux États étrangers de maintenir des « bureaux de représentation » dans les zones contrôlées par l’Autorité palestinienne afin de faciliter la mise en œuvre des accords de coopération au profit de l’Autorité. Cela semblerait être la formule appropriée pour toute représentation américaine via la direction et le peuple palestiniens.

Le 25 mai 2021, le Secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a rencontré à Ramallah Mahmoud Abbas, dans le cadre d’une série de mesures destinées à « s’engager avec le peuple palestinien et lui apporter son soutien ». Blinken a annoncé l’intention de l’administration américaine de rouvrir l’ancien consulat général américain à Jérusalem.

L’ancien consulat avait servi de mission quasi diplomatique auprès des dirigeants palestiniens et desservait les résidents palestiniens de Jérusalem-Est, des régions de Cisjordanie et de la bande de Gaza. 

Soulignons que le consulat a fusionné en 2019 avec la nouvelle ambassade des États-Unis, qui a ouvert ses portes à Jérusalem après la reconnaissance américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Rappelons des faits historiques. Après la Proclamation de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948, et après la conquête de Jérusalem-Est suite à la guerre des Six Jours de 1967, les États-Unis s’étaient abstenus de reconnaître la souveraineté d’Israël sur toute partie de Jérusalem, à l’Est comme à l’Ouest. Cette position est aussi celle de la France et de nombreux pays occidentaux.

Compte tenu de la solide relation historique entre Israël et les États-Unis, la politique officielle américaine de principe et de longue date de non-reconnaissance de la souveraineté et du statut juridique d’Israël sur toute partie de Jérusalem, et le fonctionnement continu et actif du consulat en tant que de facto représentation américaine auprès des Palestiniens, Israël   a empêché d’exiger tout changement formel ou légal de la situation.

Le ministère israélien des Affaires étrangères a même accordé au consulat et à son personnel, sur une base de facto et pragmatique, des privilèges et immunités consulaires symboliques.

Cependant, cette situation juridique et factuelle de non-reconnaissance a pris fin avec la déclaration officielle des États-Unis du président Trump reconnaissant Jérusalem comme capitale d’Israël et la relocalisation de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem.

Dans sa déclaration officielle du 6 décembre 2017, le président Trump a proclamé Jérusalem capitale d’Israël et a demandé au département d’État de déplacer l’ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem.

Ce faisant, il a reconnu que les limites spécifiques de la souveraineté israélienne à Jérusalem font l’objet de négociations sur le statut final entre les parties. Le Président Trump avait déclaré :

« Cette décision ne vise en aucun cas à s’écarter de notre ferme engagement à faciliter un accord de paix durable. Nous voulons un accord qui soit pleinement pour les Israéliens et pour les Palestiniens. Nous ne prenons position sur aucune question de statut final, y compris les limites spécifiques de la souveraineté israélienne à Jérusalem, ou la résolution des frontières contestées. Ces questions relèvent des parties concernées ».

Avec l’ouverture de la nouvelle ambassade à Jérusalem le 14 mai 2018, les fonctions de l’ancien consulat vis-à-vis des résidents palestiniens de Jérusalem et de la région ont été regroupées au sein de la nouvelle ambassade des États-Unis à Jérusalem sous une nouvelle « unité des affaires palestiniennes », formé sous l’égide plus large des relations américaines avec Israël.

Ce changement de statut de l’ancien consulat a été considéré par la direction palestinienne et de nombreux officiers du service extérieur américain qui avaient servi dans le consulat, comme une décision controversée et une dégradation des relations américano-palestiniennes, conduisant à un boycott par la direction palestinienne de la nouvelle unité.

La reconnaissance officielle américaine de la souveraineté d’Israël à Jérusalem a établi une nouvelle situation juridique bilatérale qui a remplacé l’ancienne politique de non-reconnaissance, par laquelle les États-Unis ont reconnu l’application de la loi israélienne à Jérusalem.

En tant que telle, une relation consulaire mutuellement acceptée entre Israël et les États-Unis est basée sur la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires à laquelle Israël et les États-Unis sont parties. L’article 4 détermine que les postes consulaires, ou tout autre bureau faisant partie d’un poste consulaire, ne peuvent être établis sur le territoire de l’Etat de résidence qu’avec le consentement de cet Etat. De même, les articles 7 et 8 de la convention exigent que l’exercice des fonctions consulaires vis-à-vis d’un autre État ou pour le compte d’un autre État nécessite un agrément spécifique.

De toute évidence, la réouverture de l’ancien consulat à Jérusalem, dont la juridiction serait censée couvrir les relations avec les dirigeants palestiniens, les organes gouvernementaux palestiniens et les résidents palestiniens des territoires, dont aucun n’est soumis à la souveraineté d’Israël, serait politiquement et juridiquement problématique à la lumière de la nouvelle situation depuis 2017 d’acceptation formelle par les États-Unis de la souveraineté d’Israël à Jérusalem et de l’application de la loi israélienne dans la ville.

L’ouverture par les États-Unis d’un bureau de représentation à Ramallah, ou ailleurs dans les Territoires sous gouvernance palestinienne, serait conforme à la documentation du processus de paix convenue par Israël et les Palestiniens et soutenue par les États-Unis, et ne serait pas exiger le consentement d’Israël, dans la mesure où la loi israélienne n’est pas appliquée dans ces domaines.

Voir l’intégralité de l’article sur le site du Jerusalem Center en anglais.

https://jcpa.org/article/a-u-s-consulate-for-the-palestinians-should-be-on-palestinian-territory-not-in-jerusalem/