L’Iran menace les Émirats arabes unis

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(Tasnim)

La réaction iranienne était prévue. Juste après l’annonce d’un accord visant à établir des relations diplomatiques entre Israël et les Émirats arabes unis (EAU), les dirigeants politiques et militaires de l’Iran ont lancé des mises en garde.

Les chefs de l’armée iranienne et les Gardiens de la Révolution islamique menacent directement et ouvertement les Émirats arabes unis. Le chef d’état-major de l’armée iranienne a même averti : « Les émirs des États du Golfe devront faire face à des conséquences similaires à celles du président égyptien Anouar Sadate ». Rappelons que le président Sadate a été assassiné le 6 octobre 1981 lors d’un défilé militaire au Caire, par des fondamentalistes musulmans commandités par l’Iran. Ils l’avaient accusé d’avoir osé signer un Traité de paix avec l’Etat Juif.  

Une quarantaine d’années après la normalisation des relations des pays arabes avec Israel est toujours considérée par les Ayatollahs de « trahison » contre le peuple palestinien et contre la revendication islamique sur Jérusalem. Ils prévoient des conséquences négatives sur toute action israélienne qui permettrait d’étendre son influence et ses activités dans la région.

Les dirigeants iraniens ont souligné la résilience du front de résistance dans la région. Ce front du refus comprend les organisations terroristes palestiniennes, les milices chiites pro-iraniennes en Irak, le Hezbollah, les Houthis au Yémen et les organisations d’opposition chiites dans les pays du Golfe. 

Selon Téhéran, Israël peut utiliser les Émirats arabes unis comme tremplin pour ses activités de renseignement et de sécurité de l’autre côté du golfe Persique. Cette crainte iranienne s’est accentuée ces jours-ci avec les nombreuses explosions et la multiplication des incendies dans des installations liées au programme nucléaire. Les accords commerciaux signés entre les Emirats et Israel signés déjà pour lutter contre la pandémie du coronavirus suscitent aussi des inquiétudes à Téhéran.

Kayhan

Kayhan

Le ton menaçant de l’Iran est destiné également à dissuader d’autres pays du Golfe, en particulier Oman, Bahreïn, le Qatar et l’Arabie saoudite, de renoncer à normaliser leurs relations avec Israël tout en se rapprochant des États-Unis et en réalisant ainsi le « deal du siècle » du président Trump.

Le président iranien, Hassan Rohani, a vivement critiqué l’accord entre les Émirats arabes unis et Israël et a même menacé de prendre « plusieurs mesures » si une véritable normalisation se réaliserait. Selon lui, l’accord coïncide avec la campagne électorale de Donald Trump : « Les EAU ont fait un mauvais calcul car ils ne peuvent pas assurer la sécurité et la stabilité en se rapprochant des ennemis de l’Islam et de l’Iran. »

Pour les Pasdarans « la normalisation des relations entre les Émirats arabes unis et Israël est une forte erreur stratégique qui accélérerait la destruction du régime sioniste ». Cet accord est pour eux : « un couteau empoisonné frappé dans le dos de la nation islamique mais la Grande Palestine sera bientôt libérée du Jourdain jusqu’à la Méditerranée grâce à la persévérance et à la patience de ses combattants. »

Les Iraniens affirment que ces dix dernières années, Abu Dhabi était devenu un refuge sûr pour Israël, qui a mis en place des réseaux d’espionnage et de renseignement du Mossad contre les pays de la région. 

Siyasat-e Rooz

Siyasat-e Rooz

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, en visite à Beyrouth a confirmé lors d’une conversation téléphonique avec son confrère palestinien, Riyad al-Maliki, que l’Iran soutiendrait la lutte du peuple palestinien et leurs aspirations aux droits nationaux. Lors de sa visite au Liban, Zarif s’est également entretenu au téléphone avec le chef du Jihad islamique palestinien, Ziad Nahala, et lui a envoyé un message similaire.

La presse iranienne conservatrice et réformiste s’est alignée sur la position officielle du régime iranien ainsi que sur les chefs de l’establishment sécuritaire iranien et a défini l’accord comme une « trahison » et un « accord douteux ». Le journal ultra-conservateur Kayhan, qui sert de porte-parole du dirigeant iranien, a publié un gros titre le 15 août 2020 : « Les Émirats arabes unis sont désormais une cible légitime pour les forces de la Résistance ». L’édition anglaise de Kayhan a choisi le titre « Deal avec le diable ».

Les EAU étaient autrefois un moyen majeur pour l’Iran de contourner les sanctions américaines. Cependant, au cours de la dernière année et encore plus depuis la pandémie les Émirats arabes unis ont pris un certain nombre de mesures contre la contrebande de marchandises vers l’Iran.

L’Iran pourra à nouveau menacer la liberté de navigation dans le Golfe persique, et même encourager des manifestations contre les régimes de la région.

Téhéran est confronté à plusieurs développements et doit faire face à plusieurs crises simultanément – à la fois internes et sur la scène internationale. La pandémie continue de faire des ravages socio-économiques. Au Liban, avec le Hezbollah, l’Iran est confronté aux conséquences et aux défis suite à l’explosion dans le port de Beyrouth. Enfin, sur la scène internationale, malgré sa « victoire » au sein du Conseil de sécurité de l’ONU et l’échec du projet américain de prolonger l’embargo sur les armes, l’administration Trump est déterminée à recourir à toutes les options pour mettre un terme à son projet nucléaire dont l’application de sanctions beaucoup plus sévères.