Les échecs de la diplomatie française au Liban

Freddy Eytan

Ces jours-ci, le pays du Cèdre, fête le jour de son indépendance dans la crainte d’une nouvelle guerre. Toutes les bénédictions et les prières du nouveau pape Léon XIV à Beyrouth n’ont pas réussi à dissiper les nuages assombris de morosité et de désespoir. La crise libanaise demeure sans issue politique car le Hezbollah refuse de remettre ses armes et démanteler son arsenal militaire. Il prétexte son refus par sa volonté de protéger les Libanais contre « les agressions israéliennes. » Encouragé par l’Iran de poursuive « la lutte armée contre les sionistes », le Hezbollah se permet donc de violer le cessez-le-feu conclu le 27 novembre 2024 sous les auspices des Etats-Unis et de la France. La milice chiite renforce ses troupes, entraine de nouveaux combattants, acquiert de nouvelles armes et missiles via la Syrie et se prépare à une nouvelle confrontation avec Israël. Une situation inadmissible pour Tsahal et intenable pour les habitants des villages israéliens situés le long de la frontière qui tentent de reconstruire leurs foyers et leurs fermes et cultiver paisiblement leurs champs.

Devant l’impuissance de l’armée libanaise de démanteler l’armement du Hezbollah et le désarroi des observateurs de l’ONU d’appliquer le cessez-le feu, Tsahal n’a pas le choix de lancer des raids contre chaque violation de la milice chiite comme il le fait quotidiennement contre le Hamas à Gaza. Désormais, la politique de retenue est révolue.

Cependant, la récente élimination du chef d’état-major du Hezbollah, Haitham Ali Tabatabai, dans la banlieue sud de Beyrouth, ravive les tensions.

Au-delà de l’obsession de créer un Etat palestinien, coûte que coûte, la situation au Liban demeure pour la diplomatie française une véritable préoccupation.

Le président Emmanuel Macron et le président de la République libanaise, Joseph Aoun.
Le président Emmanuel Macron et le président de la République libanaise, Joseph Aoun. (Élysée/YouTube/Capture d’écran

Depuis les Croisades, les rois de France ont joué le rôle de protecteur des populations chrétiennes et au XIVe siècle, la France intervient militairement pour défendre les maronites du mont Liban alors en conflit avec les Druzes. Puis, à partir des années 1920, le Liban devient un protectorat français avec la Syrie dans le cadre d’un Grand-Liban, jusqu’à son accès à l’indépendance en 1941.

Depuis la guerre des Six jours de 1967 à ce jour la France fait cavalier seule et tente d’imposer sa diplomatie sans pouvoir obtenir gain de cause. Elle n’a pas tiré les leçons des Accords Sykes-Picot de 1916 en signant le partage du Moyen-Orient avec précipitation et légèreté. 40 ans plus tard, elle ignora aussi les conséquences de la campagne de Suez de 1956 avec la rupture des relations diplomatiques avec tous les pays arabes, à l’exception du Liban. Et aujourd’hui encore, malgré les humiliations et les échecs successifs, la France de Macron cherche sans succès un rôle d’influence dans notre région et ailleurs.

Durant la guerre civile au Liban déclenchée en 1975, la France a préféré l’exode des chrétiens d’Orient plutôt de les protéger sur le terrain. Seul Israël est venu à leur secours comme il le fait toujours pour sauver toutes les minorités de la région dont les Druzes.

Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre Benjamin Netanyahu. (Capture d’écran/Itai Beit-On/GPO)

Depuis son installation à l’Elysée le 14 mai 2017, Emmanuel Macron fait la sourde oreille sur les avertissements de l’Etat juif concernant les agissements dangereux de l’Iran et le Hezbollah sur la stabilité de la région et la paix dans le monde.

Le 27 septembre 2018, le Premier ministre Nétanyahou dévoilait devant l’Assemblée générale des Nations-Unies la présence au Liban de sites secrets de fabrication de missiles de précision. L’un des sites était situé sous un terrain de football utilisé par une équipe parrainée par le Hezbollah. Un autre se trouvait au nord de l’aéroport international, et le troisième enterré sous le port de Beyrouth, à moins de 500 mètres du tarmac de l’aéroport. Ces trois sites n’étaient pas les seuls et sont donc utilisés par le Hezbollah pour fabriquer et stocker des missiles de précision. Le 4 décembre 2018, Tsahal dévoilait que le Hezbollah creuse des tunnels d’attaque pour envahir toute la Galilée en précisant qu’une vaste opération de Tsahal « Bouclier du Nord » était en cours. Comme de coutume, toutes ces révélations ont été démenties par le Hezbollah et la France a laissé faire.

A l’époque, Londres et La Haye avaient décidé d’inscrire la « branche armée » du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes. L’Allemagne de Merkel avait le courage de déclarer chaque membre du Hezbollah persona non grata.

Peur de la vengeance du Hezbollah, la France fait toujours la distinction nette entre « le politique » et la « branche militaire » comme l’avait fait avec le Hamas avant le 7 octobre 2023. Paris ne pense pas qu’il soit possible de désarmer le Hezbollah car les chiites font partie d’un gouvernement multiconfessionnel.

Le président Macron avait l’occasion lors de ses visites à Beyrouth de dire toute la vérité aux dirigeants libanais. Appeler un chat un chat et dire clairement que le Hezbollah n’est vraiment pas un parti politique mais une milice dangereuse. Le 24 février 2000 Lionel Jospin, Premier ministre de la cohabitation française n’avait-il pas qualifié de « terroristes » les attaques du Hezbollah contre Israel et les Juifs ? Pourquoi a-t-il été réprimandé par le président Chirac et par les médias ?

Certes, la France s’efforce d’empêcher une nouvelle guerre civile dans le pays du Cèdre mais en réalité cette préoccupation concerne non seulement l’avenir du Liban, mais également le fait qu’une guerre civile entraînerait un nouvel afflux massif de centaines de milliers d’immigrés sur le territoire français. Aujourd’hui plus de 210 000 libanais vivent en France.

A chaque incident à la frontière israélo-libanaise les craintes de Macron s’accentuent et il appelle avec angoisse à une retenue maximale de la part de Nétanyahou. Ces jours-ci, devant la crainte que les Etats-Unis et Israël relancent de nouveaux raids contre la reconstruction des sites nucléaires, l’Iran compte sur la France pour signer un nouvel accord. Lors de sa récente visite à Paris le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, déclarait avec fierté sur la chaine France 24 : « l’Iran est sorti victorieux de la guerre avec Israël et des bombardements américains » (sic)

Les démarches diplomatiques tous azimuts d’Emmanuel Macron sont transparentes au moment où la France fortement endettée traverse une crise socio-économique profonde, l’insécurité domine les esprits face au terrorisme islamiste, au narcotrafic, et devant la menace russe qui incite le président français de mettre en place un service militaire volontaire.

Malgré les avertissements israéliens et américains, Macron poursuit aveuglement la politique de l’autruche. N’est-il pas aujourd’hui impopulaire dans son propre pays, isolé en Europe et ridiculisé par Donald Trump et Vladimir Poutine ?

Macron a-t-il la mémoire si courte pour oublier la présence de Yasser Arafat et ses terroristes à Beyrouth ? La propagande haineuse de Khomeiny à Neauphle-le-Château, près de Paris ? A-t-il pardonné l’explosion du Drakkar à Beyrouth le 23 octobre 1983, où 58 paras français avaient été tués ? Les attentats à Paris du Hezbollah dans les années 1990 ? Celui de Chapour Bakhtiar ? Ceux du tristement célèbre Anis Naccache, ou l’assassinat du Premier ministre libanais Hariri, ami de Jacques Chirac, par le Hezbollah iranien ? Et tant d’autres incidents, chantages et humiliations, sans parler des attentats spectaculaires et meurtriers contre l’Amérique et Israël.

Pourquoi minimise-t-il les réelles intentions de l’Iran et du Hezbollah et ignore-t-il les révélations du Mossad notamment sur la présence de réseaux terroristes islamistes en Europe et sur son propre territoire ?

Comment peut-il accepter la présence d’un mini Etat terroriste au Liban, pays cher à la France ? Comment accepter ce fait accompli ? Cette évidence tout à fait normale dans les relations diplomatiques et les lois internationales ? Pire encore, pourquoi avait-il déployé tous ses efforts pour élire à la présidence de la République libanaise, Sleiman Frangié, candidat du Hezbollah et proche de la famille Assad ?

Il semble que le président Macron n’a aucune crainte pour condamner et boycotter l’Etat d’Israël concernant l’avenir des Territoires, ni aucun scrupule de soutenir en bloc toutes les revendications arabes et reconnaitre un Etat palestinien virtuel.

Enfin, nous pouvons sourire quand l’ancien chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, déclare le 27 novembre 2025 sur la chaine BFMTV-RMC : « lorsqu’on fera le bilan, l’engagement d’Emmanuel Macron pour la paix au niveau international sera reconnu. » Vraiment ? Est-il candidat au Prix Nobel face à Donald Trump ?