La politisation et les fuites à la presse

La politisation des institutions nationales et des instances judiciaires est un phénomène grave qui risque de menacer les valeurs de notre démocratie.
30 ans après le terrible assassinat du Premier ministre Itzhak Rabin, par un étudiant juif de la faculté de Droit, la société israélienne demeure tragiquement divisée, déchirée entre la droite et la gauche, mais hélas tous les secteurs sont actuellement touchés par ce clivage : Tsahal, la police, le Shin Beit et le Mossad ne sont pas épargnés. Ces institutions sont les symboles de la cohésion nationale et doivent pourtant être tenues à l’écart du discours politique. L’État d’Israël est minuscule et les Israéliens forment une grande famille. La rumeur dans le domaine privé ou public se propage à la vitesse d’un ouragan désastreux.
L’affaire de Sdé Teiman et la mise sur la sellette de la procureure générale de Tsahal, Yifat Tomer Yerushalaim, dépasse l’entendement. Sa « disparition » sur la plage d’Herzliya et son smartphone introuvable soulèvent de nombreuses interrogations sur ses réelles intentions, mais surtout posent des questions de transparence et de confidentialité sur le processus des décisions prises par les institutions gouvernementales. Elle plonge le pays inutilement dans un nouveau tohu-bohu politique dont chaque parti tente de gagner des points, milite par des moyens populistes et anticipe des élections législatives.
La polémique est légitime mais elle doit se faire dans le respect et par le dialogue et non par la force du diktat. Avant l’enquête policière une chasse aux sorcières est inadmissible. Il est toujours préférable de trouver des solutions sur les défaillances pour y remédier. Sur ce point, il est dangereux que toutes les parties préfèrent brandir l’étendard révolutionnaire. Tous veulent avoir raison mais refusent obstinément de respecter l’adversaire et de faire des compromis. La passion l’emporte sur la raison.

Déjà en janvier 2023, la réforme judiciaire avait provoqué des vagues de manifestations populaires. Elles étaient justifiées car on avait touché pour la première fois au sacro-saint de la nation juive qui a offert à l’Humanité les Tables de la Loi. On a osé douter de la bonne foi des juges de Jérusalem, on a profondément vexé tous ceux assis confortablement à la Cour suprême. Cette réforme a piqué au vif des juges honorables, respectés dans le monde entier. Fort heureusement, elle fut gelée mais ces jours-ci elle rebondit malheureusement avec force.
Cette réforme est sans doute nécessaire mais elle s’est transformée rapidement en un débat universel qui prouve d’ailleurs qu’en dehors du conflit israélo-arabe, la démocratie israélienne demeure vivace et un sujet de réflexion, un atout considérable pour le monde libre.
Cependant, seule la Justice est maîtresse du jeu. Elle demeure toujours implacable et jugera de la même manière un Premier ministre, un simple citoyen ou un soldat. Elle publiera son verdict après avoir minutieusement enquêté et étudié tous les aspects de l’accusation, et seulement devant des preuves tangibles et non selon des fonds de rumeurs ou des hypothèses gratuites orchestrées souvent par des avocats intéressés sur les plateaux de télévision.

Toutefois, la divulgation d’informations sensibles aux médias sans obtenir préalablement une autorisation officielle est un acte grave. Rappelons le cas de la soldate, Anat Kam : elle avait en 2009 transmis sans scrupule plus de 2000 documents confidentiels à un journaliste d’Haaretz… Bizarrement et malgré tout, elle publie régulièrement des articles dans ce quotidien libéral en se permettant avec vanité et prétention de donner de leçons de morale et de bonne conduite …
Ces jours-ci, quand la procureure générale de Tsahal assume fièrement l’entière responsabilité de remettre à la télévision une vidéo accusant des soldats de maltraiter des terroristes du Hamas, elle franchie carrément des lignes rouges.
Le 24 mars 2016, l’affaire du soldat israélien, Elor Azaria, celui qui avait achevé un terroriste palestinien gisant au sol à Hébron, a préoccupé sans relâche l’opinion israélienne et internationale. Jamais dans l’histoire de Tsahal un procès n’a provoqué tant d’émotion et de polémique publique. Le procès avait duré plus de 9 mois. Trois juges militaires avaient justifié, dans un long réquisitoire de cent pages, pourquoi le soldat a été accusé d’homicide volontaire. Ils avaient réfuté en bloc les arguments des avocats de la défense. Cette affaire comme celle d’aujourd’hui a été également manipulée par les partis politiques de tous bords. Elles concernent de nombreux aspects de notre vie quotidienne, et notamment notre combat contre le terrorisme, la conduite des soldats dans les Territoires, les valeurs de Tsahal, les enquêtes des ONG, la justice militaire, le rôle de la presse, mais aussi l’avenir des relations du peuple israélien avec son armée. Depuis le 7 octobre 2023 la confiance aveugle à l’égard des généraux s’est vraiment détériorée.
Dans un pays démocratique, il existe des lois fondamentales que chacun doit respecter et surtout appliquer à la lettre. Ce n’est ni dans les colonnes d’un journal, ni à la télévision ou dans une manifestation de rue que le verdict devrait être prononcé.
La procureure générale de l’armée a eu tort de divulguer des informations à la presse pour contrer, selon elle, une propagande mensongère dirigée contre les autorités militaires chargées de l’application de la loi. Malgré sa démission elle devra être jugée comme chaque citoyen. La diffusion de cette vidéo a provoqué un tollé international et des préjudices graves à l’encontre des soldats de Tsahal au moment même où Israël combattait sur plusieurs fronts.
C’est clair l’état de droit doit être respecter au sein de l’armée israélienne mais il est interdit aux officiers supérieurs de prendre des décisions basées sur des opinions purement personnelles ou politiques. Tsahal devra toujours mener une enquête profonde et équitable et respecter les lois et l’éthique.
Dans ce contexte politiquement explosif, le projet de loi sur la peine de mort aux terroristes devra être débattu à la Knesset dans un intérêt purement dissuasif et sécuritaire en évitant démagogie et populisme pour des raisons électorales.
  
	
