Israël n’est pas un Etat vassal des Etats-Unis

Freddy Eytan

La présence d’un Centre de coordination militaro-civile (CCCM) en Israël, dans la ville de Kiryat Gat, provoque la polémique et de nombreuses interrogations au sein de la classe politique. Et pourtant, il ne s’agit que de 200 militaires américains dont le but est de superviser le cessez-le-feu à Gaza et appliquer le plan Trump. Nous devrions donc agir de concert avec les Américains tout en préservant notre pouvoir décisionnel indépendant, en défendant le principe sacro-saint selon lequel nous pourrions pouvoir nous défendre, seuls, nous-mêmes.

La donne stratégique et géopolitique a complètement changé au Moyen-Orient depuis le 7 octobre 2023 grâce au solide soutien des Etats-Unis. Soyons donc réalistes et modestes. Certes, nous représentons une forte puissance régionale mais nous ne pouvons plus poursuivre une guerre sans fin à Gaza ni non plus affronter tout seuls des attaques de l’Iran et ses satellites, ni les interventions militaires de la Russie, de la Chine ni même de la Turquie.

Il n’y a pas d’autre alternative à l’alliance avec l’Amérique et nous devrions la sauvegarder tout en adoptant une politique indépendante mettant nos intérêts sécuritaires en priorité. Dans l’intérêt commun une concertation préalable est préférable avant toute décision majeure. Le vote en première lecture à la Knesset concernant l’annexion de la Judée de la Samarie n’a pas été réfléchi sur tous les enjeux diplomatiques. Prise à la légère, cette décision importante sur l’avenir de l’Etat juif a été adoptée pour des raisons de politique politicienne dans le but de mettre Netanyahou sur la sellette. Résultat : crise inutile avec les Etats-Unis et un rejet clair de toute annexion de la part de l’administration Trump.

Rappelons que durant la guerre de Kippour d’octobre 1973, les États-Unis vinrent en aide à Israël en organisant un pont aérien et maritime. Ils livrèrent une panoplie très importante de matériel militaire dont des avions, hélicoptères et chars, ainsi que des quantités de munitions et des pièces détachées de rechange.

Marco Rubio (<em>David Azagury/U.S. Embassy Jerusalem</em>)
Marco Rubio (David Azagury/U.S. Embassy Jerusalem)

 

Ce matériel a donné un second souffle à Tsahal et ainsi il a pu gagner la guerre sur tous les champs de batailles, sur le plateau du Golan, dans la péninsule du Sinaï, et sur la « rive africaine » du canal de Suez.

Après la guerre de Kippour et le désengagement des troupes israéliennes, les Etats-Unis et Israël ont signé, en septembre 1975, un mémorandum d’accord qui renforçait les relations bilatérales et la coordination stratégique et diplomatique entre les deux pays alliés.

En 1981, sous l’administration du président Ronald Reagan, un accord de coopération stratégique et de sécurité fut signé. Depuis, les deux pays forment une alliance militaire. Des exercices et des manœuvres militaires sont régulièrement et conjointement organisés.

Secretary Rubio after tour of Civil-Military Coordination Center
Le secrétaire Rubio après la visite du Centre de coordination civilo-militaire (Département d’État américain/YouTube/Capture d’écran)

Plus que jamais, nous dépendons donc des Etats-Unis. Depuis le fameux embargo décrété sur les armes par le Général Charles de Gaulle le 2 juin 1967, et face à la vente massive d’armement soviétique aux pays arabes, l’Amérique demeure notre principal alliée stratégique et notre fournisseur d’armes et de munitions. Jusqu’en 2028, l’aide militaire américaine sera élevée à plus de 4 milliards de dollars par an. Le budget national de la défense prévu pour 2026 devra aussi augmenter de plusieurs  milliards de dollars en raison de la guerre.

Les Américains savent parfaitement qu’Israël est le seul bastion démocratique de la région et leur fidèle allié, conscients qu’un affaiblissement de l’Etat juif agirait contre les intérêts stratégiques des Etats-Unis.

Israël est non seulement un acheteur majeur d’armes américaines, mais il développe également de nombreux programmes de recherche, de développement, et échange du renseignement militaire précieux en coopération étroite avec les États-Unis.

En 1987, les États-Unis ont accordé à Israël le statut d’allié majeur – non membre de l’OTAN – lui permettant d’acquérir tout l’armement américain nécessaire pour sa défense.

En janvier 1991, lors du déclenchement de la Première Guerre du Golfe et pour pouvoir affronter et intercepter les missiles Scud lancés par Saddam Hussein, les États-Unis livrèrent des systèmes de missiles sol-air Patriot.

Depuis, tous les présidents américains, démocrates et républicains, ont suivi la même politique et livré le matériel militaire qu’avait demandé Israël.

Depuis 1948, Israël applique la devise de ne jamais dépendre de personne pour sa sécurité, et il refuse que des soldats étrangers, notamment américains, participent à ses batailles dans les conflits armés ou contre le terrorisme. Il rejette aussi la présence sur son territoire de casques bleus de l’ONU ou des troupes de l’OTAN pour assurer la paix.

Toutefois, l’idée de la signature d’un Pacte de Défense avec les Etats-Unis est une fois de plus soulevée sérieusement. Les opposants argumentent qu’une alliance de défense pourrait lier les mains de Tsahal. Ils évoquent les raids contre les centrales nucléaires en Irak (1981) et en Syrie (2007). Rappelons qu’après la destruction d’Osirak à Bagdad, le président Reagan, pourtant grand ami d’Israël, avait suspendu la livraison de nouveaux avions F16.

Depuis le terrible 7 octobre 2023, une révision de notre doctrine de défense en coordination avec les Etats-Unis est donc nécessaire. Il est urgent de signer un pacte de défense concernant des attaques lancées par nos ennemies au-delà de nos frontières avec des clauses qui permettront à Israël d’agir rapidement dans le cas de casus belli ou devant un raid ciblé planifié en dernière minute contre des chefs et des cellules terroristes.

Ainsi, nous pourrions assurer notre défense sur tous les fronts, garantir nos succès militaires et surtout empêcher l’Iran d’acquérir sa première bombe atomique.

Au fil des années, nous constatons que les relations entre les États-Unis et l’État juif soufflent le chaud et le froid. Depuis 1948, nous avons assisté à des malentendus, des frictions et des crises parfois graves mais les relations n’ont jamais abouti à la rupture ou au divorce. Les commentaires de certains journalistes, les analyses des anciens généraux du Renseignement, des leaders de l’opposition et des dirigeants communautaires sont toujours exagérés et alimentent, à chaque fois, la querelle pour des intérêts politiques ou personnels.

Dans ce contexte, nous sommes dans l’obligation de trouver une entente et éviter aux Etats-Unis ou à l’Europe d’intervenir brusquement et publiquement dans nos affaires intérieures ni dicter l’ordre du jour concernant le dossier palestinien. La sagesse, la realpolitik, et la raison d’Etat devraient l’emporter sur toutes les divergences personnelles et les malentendus.

Avec le partage des mêmes valeurs universelles avec les Etats-Unis nous formons ensemble une grande famille. C’est dans ce cadre fraternel que nous devrions agir pour renforcer notre résilience et consolider nos relations avec la société des nations.