Givat Hamatos – nouveau quartier stratégique à Jérusalem

Nadav Shragai

Le 16 novembre 2020, le ministère français des Affaires étrangères a condamné « les annonces relatives à la construction de 1.257 unités de logement dans la colonie israélienne de Givat Hamatos, à Jérusalem-Est. La colonisation est illégale en droit international et remet en cause sur le terrain la solution des deux États. La France appelle les autorités israéliennes à revenir sur cette décision. »

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a condamné cette initiative, la qualifiant de tentative d’Israël « de tuer la solution à deux États soutenue par la communauté internationale ».

Le chargé des affaires étrangères au sein de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré qu’il était « profondément inquiet » par cette évolution. « C’est un endroit clé entre Jérusalem et Bethléem en Cisjordanie occupée et toute construction de colonies portera gravement atteinte aux perspectives d’un État palestinien viable et contigu et, plus largement, à la possibilité d’une solution négociée à deux États, conformément aux paramètres convenus au niveau international et avec Jérusalem comme future capitale de deux États ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou avait annoncé qu’il avait levé les restrictions sur la construction dans ce quartier :  « Jérusalem est en train de se construire et de s’agrandir. Nous relions toutes les parties de la Jérusalem réunifiée. J’ai supprimé toutes les restrictions, et maintenant Jérusalem se construit sous mon autorité. »

Jérusalem sud, Givat HaMatos, la colline de l’avion, où un avion s’est écrasé en 1967. (David Katz | The Israel Project | CC BY-SA 2.0)

Le projet de construction d’un quartier résidentiel juif à Givat Hamatos dans le sud de Jérusalem a été approuvé par le Comité de planification et de construction du district de Jérusalem dès 2014, mais il a été gelé au cours des six dernières années sous les pressions des États-Unis et des pays européens et particulièrement  la France.  

 Contrairement au passé, Israël a clairement indiqué cette fois-ci qu’il n’avait pas l’intention de se retirer de la publication de l’appel d’offres. Il s’agit d’un plan de construction stratégiquement significatif, adjacent à la ligne verte à seulement 300 mètres de la zone industrielle de Talpiot et près de la route Hébron,

Ce plan permettra donc la contiguïté entre tous les quartiers juifs de Jérusalem. Les Palestiniens souhaitaient préserver une connexion urbaine entre Bethléem et le village Beit Safafa qui  constituera les territoires de Jérusalem-Est, « capitale du futur État palestinien ».

Givat Hamatos, est l’une des dernières réserves foncières disponibles pour pouvoir construire des logements dans l’enceinte municipale et au total, environ 2 610 logements sont prévus pour la population juive. 

Cette colline plate est située au sud de Jérusalem, à une altitude de 813 m au-dessus du niveau de la mer. Avant la guerre des Six Jours, étaient installées des positions jordaniennes qui visaient parfois par des tirs les quartiers juifs de Talpiot. Le 6 juin 1967, au deuxième jour de la guerre un avion de chasse de l’armée de l’air s’est écrasé sur la colline. Le lieutenant Dan Givon a trouvé la mort et pour perpétuer sa mémoire le site porte le nom de l’avion tombé. (En hébreu Matos veut dire avion).

En 1991, le site comptait 400 caravanes, logées par des  immigrants d’Éthiopie, venus en Israël dans le cadre des opérations Moshe et Shlomo.  Aujourd’hui, il ne reste que quelques dizaines de caravanes habitées surtout par des Israéliens sans abri.  Un monument a été érigé près du site à la mémoire des Juifs éthiopiens qui ont péri lors de leur voyage dans le désert éthiopien.  On y trouve également des vestiges de la période du Second Temple ainsi que des tranchées et des canaux de communication jordaniens.

Environ 40 hectares appartiennent à l’État, 10%  de la zone est une  propriété privée des résidents de Beit Safafa et de l’Église grecque Elias. La zone désignée pour la construction juive est un terrain administratif. La zone désignée pour la construction arabe est un terrain privé.

Le projet de construction du quartier juif de Givat Hamatos s’inscrit dans la continuité de la création de 12 grands quartiers juifs, construits depuis 1967, dans les zones des territoires annexés à la Jérusalem unifiée. La création de ces quartiers a pour but d’empêcher à nouveau la division de la ville et en même temps  préserver la majorité juive à Jérusalem. 

L’une des principales raisons de la diminution de la majorité juive à Jérusalem (59% aujourd’hui) est due au grand départ des Juifs de la ville. La principale raison du départ est directement liée au manque de construction résidentielle dans la ville et à la pénurie d’appartements.  Au cours des cinq dernières décennies plus de 400 000 Juifs ont quitté Jérusalem et seuls 250 000 environ s’y sont installés.

Rappelons que lors de la Conférence de paix tenue à Annapolis (2007), les Palestiniens ont proposé un échange de territoires avec Israël qui incluait l’existence continue de tous les grands quartiers juifs de Jérusalem-Est, y compris le Quartier Juif, à l’exception de Har Homa et Givat Hamatos.

La « guerre contre la continuité urbaine » demeure à Jérusalem l’un des éléments clés de la lutte entre Israël et les Palestiniens.   Cependant, la construction israélienne est réglementée, tandis que la palestinienne est en grande partie illégale, en raison du petit nombre de permis de construire délivrés dans les zones arabes de la ville depuis 1967. En réalité, elle s’inscrit dans la stratégie palestinienne pour que Jérusalem soit la capitale de leur futur Etat.