Un avertissement pris très au sérieux

Yossi Kupervasser

Le chef d’état-major, Aviv Kohavi, a affirmé que « Les pressions sur l’Iran doivent se poursuivre, l’Iran ne pourrait avoir de capacités pour posséder une bombe nucléaire ». Lors d’un discours prononcé le 26 janvier 2021, le général Kohavi a précisé qu’en 2020 l’armée israélienne avait attaqué 500 cibles au Moyen-Orient.

Estimant qu’un retour à l’accord sur le nucléaire iranien « serait une mauvaise chose », le chef de Tsahal a affirmé avoir ordonné à l’armée de « préparer des plans opérationnels additionnels qui seront prêts en cas de décision des politiques de mener une offensive contre l’Iran. »

Le général Kohavi a dénoncé tout accord qui ressemblerait au mauvais accord de Vienne signé le 14 juillet 2015. (JCPOA).

Les Iraniens ont qualifié cet avertissement de « guerre psychologique » sans valeur. 

Selon Mahmoud Vaezi, directeur de cabinet du président iranien Hassan Rohani, Israël est préoccupé par la politique de la nouvelle administration américaine à l’égard de l’Iran. Il tente par des déclarations intransigeantes coordonnées avec plusieurs États arabes, dont l’Arabie saoudite, à empêcher le retour de Washington à l’accord nucléaire. Le porte-parole de l’armée iranienne a souligné pour sa part que l’Iran se défendrait contre toute agression. 

Bien entendu, le contexte général est beaucoup plus complexe car au-delà de la guerre psychologique face à aux Etats-Unis, les Iraniens prennent la mise en garde du chef d’état-major de Tsahal très au sérieux.

Aviv Kohavi

Aviv Kohavi (IDF)

Le 22 Janvier, 2021, dans une tribune publiée dans Foreign Affairs, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avertit le nouveau président américain Joe Biden de lever “sans conditions” les sanctions imposées par son prédécesseur s’il veut sauver l’accord sur le nucléaire iranien. Dans cet article publié par le prestigieux magazine américain sur les relations internationales, le chef de la diplomatie iranienne est catégorique sur le reprise des négociations et il affirme clairement : « L’Iran accepte l’accord nucléaire qu’il a conclu, mais ne demandez pas à Téhéran de répondre à de nouvelles revendications.  Le nouveau gouvernement américain peut encore sauver l’accord mais seulement s’il peut agréger à Washington une véritable volonté politique permettant de montrer que les Etats-Unis sont prêts à être un partenaire fiable pour un effort collectif. La nouvelle administration Biden doit commencer par supprimer sans conditions toutes les sanctions imposées (à l’Iran) depuis l’arrivée au pouvoir de Trump””, écrit Mohammad Javad Zarif dans sa tribune à la revue Foreign Affairs.

Les Iraniens ne se contentent pas seulement de mots et de discours. Ils soutiennent leur guerre psychologique par des mesures qui raccourcissent le laps de temps pour pouvoir produire une quantité suffisante d’uranium enrichi de qualité militaire. Ils ont commencé à enrichir l’uranium à 20%, en installant de nouvelles centrifugeuses de pointe à Natanz. En accumulant une grande quantité d’uranium enrichi, ils ont aussi l’intention de produire de l’uranium métal utilisable dans les ogives nucléaires.

Ces nouvelles étapes dans la voie du nucléaire militaire ne visent pas seulement à acquérir une arme, elles visent à exercer de fortes pressions sur les États-Unis pour qu’ils reviennent à l’accord de Vienne, tout en présentant la politique de « pression maximale » de l’ancien président Donald Trump comme un échec. 

La préférence transparente de l’Iran de revenir à l’accord et tous ses efforts employés à cette fin sont une preuve supplémentaire qui montre clairement que le général Kohavi avait bien raison d’affirmer qu’un retour à l’accord est bon pour Téhéran et qu’il menace la paix régionale et mondiale ainsi que la sécurité d’Israël.

Il est tout à fait naturel qu’en tant que principal conseiller du gouvernement israélien pour les affaires militaires, stratégiques et opérationnelles, le chef d’état-major se réfère à son évaluation de la menace et aux implications qu’il en dérive.

L’accord de Vienne permet en effet à l’Iran d’obtenir « légitimement » la capacité de produire un vaste arsenal d’armes nucléaires d’ici 2030 sans être exposé à des difficultés économiques ou à une menace militaire. Il a également permis à Téhéran de soutenir ses milices terroristes dans toute la région.

Toutefois, la dissuasion américano-israélienne joue un rôle déterminant dans les tentatives de l’Iran de poursuivre son projet nucléaire. Il a été dissuadé de défier les Américains suite à l’élimination du commandant de la Force Qods, Qasem Soleimani. Et il a été aussi dissuadé lorsque le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, a clarifié en 2012, à la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, que la « ligne rouge » pour l’Etat Juif serait l’accumulation de plus de 250 kilogrammes d’uranium enrichi à 20%. En d’autres termes, les Ayatollahs prennent les avertissements du général Kohavi très au sérieux.

En réalité, tout accord efficace concernant le programme nucléaire iranien doit garantir que les limites de ses activités nucléaires ne seront pas levées, que ses installations militaires soient démantelées et ses projets de missiles balistiques et de croisières limités. De garantir une surveillance et inspection n’importe où et à tout moment et un accès aux scientifiques concernés. Un accord efficace doit également clarifier que l’Iran ne pourra plus soutenir des actions terroristes et déstabiliser ainsi tout le Moyen-Orient.