Stratégie et objectifs du Hamas – l’erreur de calcul

Yossi Kupervasser

La récente guerre dans la bande de Gaza a été provoquée par le Hamas pour réaliser des buts politiques et non pour atteindre des objectifs militaires tactiques. Un cas classique où les moyens militaires sont utilisés à des fins politiques.

Le déclenchement des hostilités par le mouvement islamiste n’était pas lié à sa situation intérieure puisqu’elle était relativement stable et s’améliorait régulièrement.

En réalité, le Hamas envisageait de gagner les élections législatives mais le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, craignait une victoire du Hamas et il décida de reporter les élections sine die.

Frustré, le Hamas a profité de la démonstration de faiblesse d’Abbas en se présentant comme le leader incontestable des Palestiniens. Pour le faire, il a attiré les foules et l’attention de l’opinion internationale en la focalisant sur Jérusalem. Il a prétendu que la « mosquée al-Aqsa est en danger ». Il a propagé des rumeurs sur une décision juridique concernant   des logements dans le quartier de Jérusalem de Sheikh Jarrah. Puis, dans la foulée, il décida de lancer sept missiles en direction de Jérusalem.

Satisfait des résultats de la guerre, le Hamas s’est positionné comme une force puissante et incontournable au sein des Palestiniens et comme le « protecteur de Jérusalem ». Rassuré qu’Israël n’a pas l’intention de reconquérir Gaza, il a aussi réussi à inciter une partie considérable de la minorité arabe vivant en Israël à des actes de violence contre les Juifs.

Hamas banner on the Temple Mount

(AP Photo/Mahmoud Illean)

Dans la même veine, le Hamas fut surpris et stupéfait par l’ampleur de la riposte israélienne en étant prêt à un cessez-le-feu dès le deuxième jour des combats. Dans cette dernière campagne militaire, Tsahal a démontré une domination parfaite sur le renseignement. Il a ciblé des dirigeants clés, des installations et laboratoires de production d’armes et d’explosifs.  Il a attaqué plus 1 500 cibles à Gaza avec relativement peu de dommages collatéraux involontaires. Sur le plan défensif, le système de défense antimissile Dôme de fer a prouvé son efficacité. De ce fait, le nombre des pertes israéliennes et les dégâts furent relativement bas.

Sur le plan régional, le Hamas a atteint certains objectifs stratégiques et a prouvé ses capacités aux deux groupes radicaux auxquels il appartient – ​​le camp dirigé par l’Iran et la confrérie des Frères musulmans, dirigé par la Turquie et le Qatar. Ces groupes hostiles ont cherché à affaiblir leurs opposants dans le camp arabe pragmatique, à remettre en cause leurs relations avec Israël, et ainsi provoquer une rupture dans les Accords d’Abraham.

Si le premier objectif a été en partie atteint, le but d’affaiblir les pragmatiques arabes et de nuire à la normalisation avec Israël a échoué.

Sur le plan international, le Hamas aspirait à gagner une légitimité par sa volonté de participer au processus électoral palestinien de Mahmoud Abbas. Le retard des élections a rendu plus difficile la réalisation de cet objectif. En apparence, choisir de lancer une campagne terroriste aurait dû être contre-productif. L’administration américaine s’est rangée du côté d’Israël et a soutenu son droit à l’autodéfense après avoir initialement manifesté un certain soutien à la position palestinienne concernant les incidents à Jérusalem, en particulier sur la question de Sheikh Jarrah. 

Toutefois, le Hamas a réussi à obtenir un soutien au sein de l’opinion publique aux États-Unis et ailleurs. Lors de la dernière campagne à Gaza on a connu des discours anti-israéliens et mêmes antisémites. Grâce à sa campagne de propagande, son alliance avec des partis et mouvements de l’extrême gauche, certains médias importants tels que le New York TimesCNN, et la BBC ont plutôt présenté la version palestinienne des faits.

The New York Times

Le Hamas a réussi à remettre la question palestinienne à l’ordre du jour international. Certains organismes internationaux comme l’UNHRC ont adopté des positions anti-israéliennes, comme de coutume. Même l’Union européenne était sur le point d’adopter une position anti-israélienne, et seule l’opposition de certains pays a empêché que cela se produise. Des représentants de diverses organisations et ONG se sont précipités pour aider les Palestiniens et ont rencontré des responsables du Hamas à Gaza.

Cependant, de nombreux membres de la communauté internationale préfèrent renforcer Mahmoud Abbas et lui permettre de jouer un rôle clé dans le contrôle de la reconstruction de Gaza.

Jusqu’à présent, le Hamas a atteint ses objectifs stratégiques et politiques, mais a payé un lourd tribut en termes de dommages causés à ses capacités militaires et terroristes. Pendant ce temps, Israël a atteint ses objectifs en restaurant sa dissuasion.

En conclusion, le Hamas devra relever de grands défis en essayant de maintenir ses atouts et de reconstruire ses capacités terroristes.  Il est clair que le Hamas, avec l’aide de l’Iran et du Hezbollah, étudiera minutieusement sa dernière campagne et essaiera d’améliorer ses capacités et ses positions. Israël fera de même dans le domaine militaire tout en essayant de nuire aux réalisations stratégiques du Hamas.

Voir l’intégralité de l’article sur le site du JCPA-CAPE en anglais
https://jcpa.org/article/hamas-goals-strategy-and-miscalculations/

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