Les paroles et les actes en France

freddy_eytanLe dîner du CRIF est une tradition instaurée depuis 1985 pour engager un dialogue sincère avec le président de la République, le gouvernement et les principaux responsables politiques, dans le cadre d’une soirée conviviale et mémorable. En dépit des critiques sur l’instauration du communautarisme, le dîner est devenu au fil des ans un événement politique et médiatique incontournable.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, jamais les Juifs de France n’avaient connu une menace aussi pesante sur leur avenir. Les derniers attentats et les actes antisémites les inquiètent profondément. Le président actuel du CRIF, Roger Cukierman, a bien raison de lancer un cri d’alarme et de pointer du doigt l’origine du Mal. En effet, pourquoi ne pas dire la vérité sur les auteurs ? Ne sont-ils pas des jeunes musulmans intoxiqués par une mauvaise éducation et influencés par une incitation à la haine, y compris dans les prisons de France ?

Certes, la forte communauté musulmane de France est en pleine mutation et se cherche. Son identité est complexe et floue car les médias comme les autorités craignent de la choquer ou de l’affronter. On désigne ses membres par des termes qui ne correspondent pas toujours à leur véritable origine. Le vocabulaire utilisé est imprécis avec ses connotations et préjugés. Ils sont : “immigrés”, ” musulmans”, “islamistes” ” arabes”, ” beurs”, “nord africains”, “maghrébins” ou “harkis”. Cette communauté importante est plurielle et diversifiée et ne forme pas un bloc monolithique. Elle est composée de forts courants contradictoires, des plus séculaires jusqu’aux plus fondamentalistes. Cependant, l’intégrisme l’emporte surtout dans les couches défavorisées.

Quant à la communauté juive, elle est la plus importante de la diaspora juive en Europe. Structurée depuis Napoléon, elle est héritière de souffrances, de pogroms et de la Shoah, elle doit se défendre et être défendue. Elle est profondément française et européenne mais revendique légitimement le droit à la différence. Comment peut-elle gommer un passé millénaire, se détacher de l’appartenance au peuple du Livre ? Comment rompre avec la tradition et pourquoi couper ses liens avec les Juifs d’Israël ? Comment ne pas être solidaires de l’Etat d’Israël et ne pas le défendre dans les moments de crise et de conflits ? Les Juifs forment une grande famille, un groupe humain et humaniste qui se caractérise par la conscience de son unité et la volonté de vivre en commun : Juifs de la diaspora avec les Juifs de l’Etat d’Israël. Les Juifs sont une nation, mais ils ne sont pas une nation comme les autres. En dépit de la dispersion à travers les continents, les Juifs demeurent un peuple uni, solidaire et structuré malgré leurs divergences d’opinion et les multiples facettes socio-économiques qu’ils représentent. La nation juive a toujours eu une vocation universelle d’union, de rassemblement, de solidarité et de respect envers l’Etat, la laïcité, les religions, la Justice et les droits de l’Homme. Cette spécificité est unique. Contrairement à d’autres communautés, elle n’est pas sectaire et ne souhaite pas devenir  missionnaire.

Les Juifs, venus d’Europe de l’Est ou après la décolonisation des pays du Maghreb, se sentaient d’abord français et la France était leur havre d’accueil et le pays des libertés par excellence. Depuis leur arrivée en France, ils se sont intégrés et ont prouvé une loyauté exemplaire. Ils ne peuvent gommer du jour au lendemain leurs racines françaises. Elles sont profondes, elles datent du début de l’ère chrétienne.

 

Les Juifs français aiment la France et Israël. La question d’un double amour dans l’âme juive, pour sa patrie spirituelle et sa patrie temporelle, date de l’exode des Hébreux après la destruction du Temple de Jérusalem. On retrouve des philosophes et poètes qui aimaient profondément leur pays natal et tout autant Jérusalem. Ce double amour ne leur posait pas de problème car l’affection que l’on ressent pour son père ne diminue en rien celle que l’on éprouve pour sa mère.

Le soutien fidèle apporté à Israël s’inspire aussi du sentiment de justice auquel s’ajoute la sympathie que mérite tout naturellement un petit peuple digne et courageux. En plus des liens affectifs et historiques qui attachent les Juifs français à leurs frères israéliens, il existe un devoir de justice, d’autant plus que depuis la création de l’État Juif jusqu’à ce jour, ses ennemis tentent de l’anéantir.

Devant la nouvelle vague antisémite et l’aggravation de la situation, le Président de la République souhaite agir avec fermeté. Il a prouvé sa sympathie pour le peuple juif. Toutefois la situation aujourd’hui s’est dégradée en raison d’un laxisme latent de tous les gouvernements de la Cinquième République, de Gauche comme de Droite. Tous les gouvernements qui se sont succédés ont laissé faire. Ils ont permis à plusieurs millions de maghrébins de s’installer en France sans pouvoir leur fournir une infrastructure adéquate. Des villes-dortoirs ont été créées sans apporter à cette nouvelle jeunesse une éducation et un emploi.

Les actes antisémites qui éclatent dans les banlieues nord de Paris et dans plusieurs villes de France, laissent Hollande, Valls et Cazeneuve perplexes. Ils craignent qu’une réaction musclée du gouvernement attise la haine et la violence et ils sont convaincus que la vague se calmera suite au dispositif policier et militaire installé devant les écoles et les institutions juives depuis le dernier attentat contre l’Hyper-Cacher. Ils ont tort, rien n’indique que les actes et les attentats ne se reproduisent pas, avec même plus de gravité. Les Islamistes sont toujours omniprésents en France, seules des lois draconiennes, et notamment leur expulsion du territoire, seront dissuasives.

Hollande et Valls sont des amis sincères et sensibles de la détresse de la communauté juive. Cependant, les Juifs de France souhaitent être rassurés par les autorités, non seulement par des déclarations mais aussi par des actes. Circuler librement dans les rues avec une kipa ou un taleth sans être agressés par des voyous. Envoyer leurs enfants à l’école en toute tranquillité sans être insultés de “sale juif” ou de “youpin”. Pouvoir mener une vie normale et paisible et gommer une fois pour toutes les profanations des cimetières, des graffitis et des croix gammées sur les murs des synagogues de Paris et de province.

Une campagne d’information et d’explication est nécessaire dans toutes les écoles et les propos dans ce sens du Président Hollande sont encourageants. Il est temps aussi que les dirigeants de la communauté musulmane sortent de leurs mosquées et lancent avec les imams des appels à une véritable intégration et une coexistence plutôt de se dérober des responsabilités et boycotter le dîner du CRIF. Ce boycottage n’est-il pas un camouflet aux autorités françaises ? Une gifle au Président de la République qui a prononcé un discours remarquable ? A la tradition d’accepter l’invitation ? L’hospitalité ?

La France vit actuellement des moments difficiles sur tous les plans et dans tous les domaines. Si le gouvernement souhaite vraiment que les Juifs ne partent pas en Israël ou ailleurs, s’il préfère que les Juifs contribuent à son succès dans la crise économique et sociale, il devrait apporter des gages, prendre des décisions audacieuses et rassurer la communauté. Désormais, le gouvernement doit enfin passer aux actes !

Freddy Eytan