Les enjeux du nouveau tourisme musulman à Jérusalem

Nadav Shragai

Introduction – Freddy Eytan

Les Accords d’Abraham ouvrent une nouvelle page historique dans les relations avec le monde arabo-musulman. Au-delà de la normalisation et des liens bilatéraux scellés avec quatre nouveaux pays (Maroc, Emirats arabes unis, Bahreïn, Soudan) ces accords présentent aussi des enjeux sur le tourisme à Jérusalem et sur l’afflux de pèlerins sur le Mont du Temple.

Durant ces dernières décennies, les Palestiniens, l’Iran et les mouvements islamistes avaient accusé Israël de mettre en danger la mosquée al-Aqsa. Lors de la seconde Intifada, la diffamation mensongère a provoqué des affrontements meurtriers et des émeutes sanglantes sur le Mont du Temple, au moment même où le gouvernement israélien a souhaité faciliter l’accès aux touristes et ouvrir un tunnel sécuritaire. Cette rumeur diffamatoire concernant la mosquée al-Aqsa est bien évidement insensée, mais hélas elle est acceptée par des millions de musulmans comme une vérité absolue.

Cette fausse accusation grossière a débuté dans les années 1930 avec le Grand mufti, Hajj Amin el Husseini, tristement célèbre collaborateur d’Adolf Hitler.

Ces mensonges se sont transmis de génération en génération, créant un cercle vicieux de violence et de terrorisme dans la région et partout dans le monde.

Delegation from the Emirates visits Al Aqsa mosque under Israeli protection

(Quds News Network)

La fausse histoire sur le Mont du Temple et Al-Aqsa servait de prétexte et d’inspiration pour commettre des actes terroristes. Les commanditaires palestiniens ont incité à la haine et ont encouragé les auteurs de lancer des opérations suicidaires- voiture bélier et arme blanche-en laissant croire que les autorités israéliennes agissent en complot pour détruire les mosquées installées sur le Mont du Temple.

Les commanditaires promettaient aux auteurs de devenir « chahids », des « martyrs privilégiés » pour la cause sacrée de l’Islam.

Les islamistes palestiniens souhaitaient donc falsifier l’Histoire et tentaient de provoquer par tous les moyens une guerre de religion. 

Désormais, tout bascule avec les Accords d’Abraham et la vérité est dévoilée au grand jour avec les visites des premiers touristes en provenance des Emirats. Cependant, cette nouvelle vague touristique entraîne d’ores et déjà certains incidents provoqués par des Palestiniens.

Plusieurs délégations ont été accueillies chaleureusement par les Israéliens dans les rues de Jérusalem, mais ont été huées et insultées vulgairement par des foules palestiniennes, et furent chassées des lieux musulmans sacrés.

Dans ce contexte, le gouvernement israélien et les services sécuritaires et religieux devraient se préparer à une nouvelle vague de pèlerins pour pouvoir faciliter les visites dans des conditions paisibles et convenables pour toutes les parties et éviter des incidents et des affrontements inutiles. Dans la même veine, il serait bien entendu important d’examiner aussi les revendications légitimes et millénaires des Juifs sur le Mont du Temple.

L’analyse de Nadav Shragai

15 septembre 2020, le président américain Donald Trump déclare lors de la cérémonie de signature du traité de paix entre Israël et les Emirats :

« Durant plusieurs décennies, le Moyen-Orient a souffert de nombreux conflits, des hostilités, des mensonges et des supercheries. Tant de fausses accusations ont été propagées selon lesquelles les Juifs et les Arabes sont depuis la nuit des temps ennemis et que la mosquée al-Aqsa est en danger et attaquée en permanence. Ces mensonges se sont transmis de génération en génération, créant un cercle vicieux de violence et de terrorisme dans la région et partout dans le monde.

Les accords historiques d’Abraham ont prouvé que les habitants du Moyen-Orient peuvent se libérer des préjugés et préjudices et ainsi ne plus rater les rendez-vous de l’Histoire.

Les Accords d’Abraham ouvrent également aux musulmans du monde entier la voie pour pouvoir visiter librement les sites historiques d’Israël et prier pacifiquement à la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, le troisième site le plus sacré de l’Islam. Jared Kushner, le conseiller principal du président américain avait précisé que l’accord créera une réalité dans laquelle la mosquée al-Aqsa sera ouverte à tous les musulmans et donc les extrémistes et les Iraniens ne pourront plus dire que la mosquée est en danger. Ces Accords représente un grand succès et un pas important pour la paix et la coexistence.

Toutefois, ces accords évoquent le tourisme «de toutes les confessions », et donc pour la première fois l’administration américaine mentionne également la possibilité de maintenir une prière hébraique sur le Mont du Temple. Une affirmation qui surprend puisque le « statu quo » établi par le ministre de la Défense de l’époque Moshe Dayan, juste après la fin de la guerre des Six Jours de 1967, autorise les Juifs à visiter le Mont du Temple mais leur interdit de prier sur les lieux. Tous les gouvernements israéliens craignaient en effet un conflit interconfessionnel entre l’islam et le judaïsme, et pour cette raison, le droit à la prière juive n’a pu être exercé jusqu’aujourd’hui.

The Saudi national soccer team visited the al-Aqsa mosque in Jerusalem, October 14, 2019

(Arab News, social media)

Le plan Trump ouvre donc le Mont du Temple à « des fidèles pacifiques et des touristes de toutes confessions.» Il est apparemment en contradiction avec la politique de l’administration Obama-Kerry. En octobre 2015, les États-Unis, Israël et la Jordanie avaient conclu un nouvel accord sous les auspices de l’ancien Secrétaire d’État américain John Kerry. En raison des affrontements violents qui avaient eu lieu à l’époque sur le Mont du Temple, le Premier ministre Netanyahou avait promis de continuer à appliquer les engagements antérieurs selon lesquels seuls les musulmans pourront prier sur le lieu sacré mais les Juifs seront autorisés à visiter. C’était la première fois qu’Israël annonçait publiquement et officiellement que les Juifs ne pouvaient prier sur le Mont du Temple et que cette option était réservée uniquement aux musulmans. Jusque-là, seule la politique de statu quo dictée par Moshe Dayan – non officielle et non déclarée – était appliquée. C’était aussi la première fois que les États-Unis et la Jordanie en coordination avec Israël reconnaissaient que les Juifs pouvaient visiter le Mont du Temple sans toutefois pouvoir prier. 

L’afflux prévu de pèlerins musulmans visitant Jérusalem et le Mont du Temple oblige l’État d’Israël à se préparer sur tous les plans et empêcher les Palestiniens de perturber ce tourisme sans précédent ? Ce développement devra aussi ouvrir le débat sur la présence juive sur le Mont du Temple, sur son caractère et son avenir. Que pensent également les rabbins sur le tourisme musulman sur le site le plus sacré des Juifs du monde entier ?

The President of Israel, Chaim Herzog, welcomed Saudi Sheikh Shuha Ishak Idris to his official residence. On the right, Israeli businessman, Yaakov Nimrodi

(National Library of Israel)

La « normalisation religieuse » sous la forme d’un tourisme musulman sur le Mont du Temple et à Jérusalem est une principale préoccupation. Rappelons que les lieux saints de l’Islam en Terre d’Israël, et en priorité la mosquée al-Aqsa sur le mont du Temple, (avec son Dôme du Rocher situé à proximité) est le troisième lieu le plus sacré pour les musulmans après La Mecque et Médine. Jérusalem est inscrite dans la tradition musulmane, aux côtés de La Mecque et de Médine. Elle est l’une des trois destinations que chaque musulman se trouve dans l’obligation de visiter selon un commandement dérivé d’un « Hadith ».

Le Mont du Temple, épicentre du conflit entre judaïsme et l’islam est censé devenir un lieu de rapprochement et de coexistence. Soulignons que des pèlerins musulmans comme la Malaisie et l’Indonésie, de pays islamiques qui ne reconnaissent pas Israël, ont visité ces dernières années Al-Aqsa.

Ces visites favorisent-elles la normalisation, qui est toujours disqualifiée par certaines parties du monde musulman, ou renforcent-elles les Palestiniens opposés à la normalisation et aux Accords d’Abraham ?

Voir l’intégralité de l’article de Nadav Shragai, expert au JCPA-CAPE et auteur de nombreux ouvrages sur Jérusalem sur le site en anglais : 

https://jcpa.org/article/the-temple-mount-in-jerusalem-from-religious-conflict-to-religious-normalization/