Le « Printemps arabe » : Quelle désillusion !

Freddy Eytan

Il y a juste dix ans, l’immolation par le feu d’un jeune marchand ambulant tunisien avait marqué le point de départ du « printemps arabe ». Les médias occidentaux rabâchaient ce terme magique sans pouvoir apporter des preuves tangibles sur le terrain. Certains intellectuels nostalgiques et romantiques pensaient naïvement qu’un nouveau « Printemps de Prague » déferlait au Moyen-Orient. Des experts de l’Islam et de la cause palestinienne avaient publié des analyses élogieuses sur les Frères musulmans, d’autres évoquaient avec enthousiasme la fin des dictatures et des royaumes arabes et la mise en place de nouveaux régimes égalitaires où tous les peuples de la région pourraient enfin se prononcer sans crainte et en toute liberté.

Une incompréhension totale de l’évolution tribale au sein des civilisations arabes. Nous le répétons souvent, nous vivons ici dans une région bien différente de celle de l’Europe, et sur tous les plans.

Le fameux « Printemps arabe » tant espéré par les Occidentaux n’était qu’un vœu pieux éphémère qui a joué en boomerang contre les pauvres populations. Les guerres civiles ont causé un nombre incalculable de pertes humaines et un déplacement forcé de millions de réfugiés également vers l’Europe.

Chassés, humiliés, blâmés et torturés, les réfugiés, dont de nombreux chrétiens d’Orient, vivaient en paria, écartés de toute activité publique ou professionnelle, ils n’avaient d’autre choix que de survivre ou de quitter leurs foyers. Leur terre fut spoliée, leurs lieux de culte pillés et incendiés. Dans l’obligation de respecter les lois islamiques, de suivre les versets du Coran ou de porter les vêtements de tradition musulmane, ils ont fui leur pays en abandonnant leurs biens et leur patrimoine.

Manifestation dans la ville de Baniyas

Manifestation dans la ville de Baniyas (Syrie) le 29 Avril 2011. (Syria-Frames-Of-Freedom | Flickr | CC BY 2.0)

Dix après, au sein de certains pays arabo-musulmans on a toujours l’impression que le temps est figé, il ne bouge pas et il ne presse jamais. Bien que chaque Etat soit différent, avec ses propres caractéristiques, les régimes demeurent en général totalitaires, népotistes, oligarchiques, corrompus et policiers.

Une décennie après son déclenchement en Tunisie, le « Printemps arabe » n’a pas réussi jusqu’à ce jour à balayer la tyrannie, la terreur et la corruption. Il a plongé toute la région dans un tohu-bohu, dans un désordre total, et dans le chaos géopolitique.

La doctrine occidentale selon laquelle les dictatures doivent être balayées et remplacées par des régimes démocratiques n’est pas réalisable dans un monde arabo-musulman dominé par des courants islamistes et des tribus archaïques et fanatiques.

Cependant, dix après le déclenchement des « révolutions arabes », un vent de liberté souffle chez les jeunes. Au chômage et désespérés de leur avenir, ils osent descendre dans les rues pour manifester leur mécontentement et leur rage. Ils n’ont plus peur d’exprimer leur opinion sur les réseaux sociaux. Un nouvel outil démocratique qui joue un rôle d’influence considérable sur les décideurs politiques.

Place Tahrir - 9 février 2011

Place Tahrir – 9 février 2011 (Jonathan Rashad | Wikimedia | CC BY 2.0)

Certains pays dont l’Arabie saoudite, les Emirats du Golfe et le Maroc commencent aussi à comprendre que les fanatiques islamistes représentent un cancer au sein de leur nation, et seules des réformes modernes pourront les écarter du pouvoir et améliorer ainsi le niveau de vie. Ils réalisent que la Révolution islamique en Iran et les tentatives des Ayatollahs de l’exporter partout ailleurs ont transformé le vent frais de liberté en un tourbillon qui a fouetté, dévasté et déraciné toutes les valeurs démocratiques. La politique des Islamistes ne peut être compatible ni avec les droits de l’Homme, ni avec les lois internationales. Pour être membre de la Société des nations il faut respecter certaines règles fondamentales et suivre l’évolution de la modernité dans tous les domaines.

Dans ce contexte, un rapprochement avec l’Etat d’Israël est plus que jamais nécessaire pour leur sécurité et pour progresser dans la voie de la modernité. Dans la profonde tourmente, seul l’Etat juif demeure un îlot démocratique stable et solide, une puissance militaire et économique.

En séparant le problème palestinien de leur préoccupation, et en acceptant sans aucune condition préalable l’existence de l’Etat Juif, ils peuvent désormais rêver d’un Proche-Orient pacifiste nourri de coexistence et d’un marché libre et ouvert à tous.

Ainsi, nous pourrions ensemble mettre un terme définitif à la belligérance et à la haine et à aboutir à une paix sincère et viable.

Face au front du refus dirigé par l’Iran, et après une longue décennie d’illusions perdues, une doctrine pragmatique inspirant respect et dignité commence à se réaliser.