Le combat du Maroc contre le terrorisme islamiste

Jacques Neriah

Depuis la montée en puissance de l’État islamique en Syrie et en Irak, le risque terroriste sur le Maroc provoque une recrudescence de l’activité djihadiste qui persiste même après la défaite militaire du groupe au Proche-Orient. Le Maroc est également préoccupé par le fait que certains de ses ressortissants qui ont rejoint l’État islamique pourraient revenir au Sahel. 1645 marocains ont rejoint des groupes djihadistes en Syrie et en Irak, dont 745 sont morts dans des attentats suicides ou au combat. La plupart se sont battus pour l’État islamique. Parmi les survivants, 270 sont rentrés au Maroc et 137 ont été poursuivis. La loi marocaine punit jusqu’à 10 ans ceux qui rejoignent des groupes djihadistes à l’étranger.

Les cellules terroristes djihadistes ont donc trouvé un terrain fertile au Maroc dans lequel elles se développent et se transforment non seulement en une menace réelle pour la stabilité du royaume, mais aussi pour les divers mouvements islamistes au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe.

Le 16 mai 2003, quatre jours après avoir fait 26 morts lors d’attaques portées contre des édifices occidentaux à Riyad, Arabie saoudite, 14 terroristes lancent des attaques suicides sur différents hôtels, restaurants ou centres communautaires de Casablanca. Elles sont principalement dirigées contre des propriétés juives. Leurs auteurs sont des jeunes provenant du bidonville de Sidi Moumen, des membres de Salafia, un groupe affilié à Al-Qaïda. 33 autres personnes, dont huit Européens ont été tués et une centaine furent blessés.

BCIJ

Des policiers marocains chargés de la lutte contre le terrorisme islamiste (BCIJ)

Ces attentats sont les actes terroristes les plus graves qu’a connus le Maroc. Ils représentent le point de départ de l’affrontement entre le royaume chérifien et les organisations terroristes islamistes. Ils surviennent deux ans après les attaques spectaculaires du 11 septembre 2001 à New York, symbolisant la montée au puissance du radicalisme islamiste à travers le monde. 

Depuis lors, le Maroc a adopté une guerre impitoyable et sans merci contre les organisations djihadistes tout en renforçant ses défenses autour d’objectifs et d’institutions stratégiques. 

Mohamed Nifaoui, du Bureau Central d’Investigation Judiciaire (BCIJ) a déclaré lors d’un colloque sur le fléau du terrorisme tenu en février 2021 : « le Maroc a réussi depuis 2003 à démanteler plus de 2 000 cellules terroristes, appréhendant 3535 terroristes et déjouant plus de 500 opérations terroristes, soit près de 10 par mois !

Attentats en Europe dont les auteurs sont des ressortissants marocains. (Conseil européen des relations extérieures)

Pourtant, en mars 2021, quelque 982 assassinats avaient été perpétrés dans la région du Sahel bordant les frontières sud du Maroc, représentant près de 40% des crimes commis dans la région, et imputés à des réseaux terroristes. Sur les milliers de volontaires combattants dans les rangs des organisations djihadistes, 5 000 sont originaires des pays d’Afrique du Nord, dont 1 654 Marocains (femmes et enfants compris). 270 sont revenus d’Irak et de Syrie, 137 cas ont été traités et poursuivis.

Soixante-quinze pour cent étaient « Inghimasiyyine », des agents d’infiltration chargés de protéger les convois, puis de participer à des attaques ciblées.  Certains des combattants marocains occupaient aussi des postes ministériels au sein de l’État islamique. Soulignons que le Maroc emploie également un réseau de 50 000 mqadmin (informateurs) à travers le pays, signalant aux services de sécurité toute activité suspecte. Il est devenu le premier pays d’Afrique du Nord à mettre en orbite un satellite de surveillance à haute résolution.

Ibrahim Benchekroun, djihadiste marocain ayant combattu en Syrie et en Afghanistan. Capturé par les forces américaines, après avoir purgé 4 ans dans la célèbre prison de Guantanamo, il est extradé au Maroc et condamné à 6 ans de prison. A sa libération, il part en Syrie pour diriger le bataillon des milices marocaines.

Les réseaux islamiques ont recruté des djihadistes, principalement dans la banlieue de Casablanca et dans la ville nord de Ceuta. Ces réseaux se concentrent également sur les résidents espagnols de la communauté des expatriés marocains en Espagne. Depuis 2013, les agences antiterroristes espagnoles, en coopération avec leurs homologues marocains, ont démantelé plus de 40 cellules terroristes et incarcéré environ 150 djihadistes. 

Dans ses efforts de lutte contre le terrorisme, le Maroc a noué des partenariats avec d’autres grandes puissances dans la lutte contre le terrorisme. Le Maroc a signé de nombreuses conventions traitant de la sécurité et de la coopération judiciaire.

Benchekroun entouré de milices marocaines en Syrie.

Une relation particulière s’est développée avec les États-Unis. En décembre 2020, dans le cadre de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, il était prévu, selon certaines informations, que les États-Unis ouvre un consulat local et même une base militaire. Cette relation stratégique pourra fournir au Maroc des renseignements essentiels et préventifs concernant les activités des djihadistes et autres organisations terroristes constituant une menace pour le royaume. 

Depuis 2016, le Maroc fait aussi partie du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM), la force multinationale initiée par les États-Unis dans la lutte contre les djihadistes dans la ceinture du Sahel et ailleurs en Afrique.

Participation de l’aviation marocaine dans un exercice conjoint avec le porte-avions Eisenhower. 4 mars 2021. (AFRICOM)

Le Maroc a également développé sa coopération avec la France, l’Espagne et le Portugal dans le cadre de la sécurité G4. Il est prévu une coopération aussi avec la Belgique.

Le 5 mai 2021, le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a mis en garde contre les intentions de l’Iran dans la région : « il utilise des milices armées pour déstabiliser l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest aussi. L’Iran menace la souveraineté du Maroc en soutenant le Polisario, en leur offrant des armes et munitions, et en formant les milices du Polisario pour attaquer le Maroc. L’Iran, à travers le Hezbollah, est aussi en train d’étendre ses activités de déstabilisation en Afrique de l’Ouest. Nous sommes aujourd’hui très vigilants par rapport à la menace que constitue l’Iran pour notre sécurité. C’est donc pour toutes ces raisons qu’il est important que les Etats-Unis prêtent une attention particulière à la menace que représente l’Iran pour leurs alliés, notamment dans cette région du monde » a souligné le ministre marocain des Affaires étrangères. 

En conclusion, durant ces dernières années, les organismes chargés du combat contre le terrorisme au Maroc ont marqué des succès mais aussi certains échecs sans réussir à éradiquer totalement les organisations djihadistes, profondément enracinées dans la société marocaine. 

Lire l’intégralité de l’article et ses notes sur le site anglais du JCPA-CAPE

https://jcpa.org/moroccos-battle-against-islamic-jihadi-terrorism/

 

 

 

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