La diplomatie Lapid mise à l’épreuve

Freddy Eytan

Dans les années 1970, Henri Kissinger affirmait sans équivoque qu’Israël n’a pas de politique étrangère, celle-ci dépendra toujours de la situation intérieure et des contraintes de la coalition au pouvoir. Plusieurs décennies après, le gouvernement Bennet-Lapid va-t-il contredire les propos du célèbre Secrétaire d’Etat américain ? Prouver qu’il est possible de diriger une politique étrangère indépendante et cohérente avec une vision vers l’avenir.

Voilà seulement trois semaines que ce gouvernement est installé à Jérusalem et il semble que de véritables efforts se sont déjà réalisés pour renforcer les relations diplomatiques internationales et améliorer l’image d’Israël dans le monde.

Au-delà des contacts préliminaires et protocolaires pris par le nouveau gouvernement avec les leaders de nombreux pays, nous saluons le ballet diplomatique entrepris avec sagesse et dynamisme par le nouveau ministre des Affaires étrangères. Les voyages fréquents à l’étranger, les nombreux entretiens, les rencontres fructueuses avec les homologues Arabe, Américain, Russe et Européen prouvent que Yair Lapid est confiant dans ses démarches et bien déterminé à défendre la juste cause de l’Etat d’Israël.

Convaincre ses interlocuteurs des bonnes intentions mais qu’il n’existe pas de raccourci vers le chemin de la paix, qu’il est fort important de prendre très au sérieux les revendications sécuritaires de l’Etat Juif, et surtout les menaces de l’Iran et ses milices.

Orfèvre dans la communication et les médias, Lapid est bien placé pour présenter un autre visage d’Israël, celui de l’innovation, et de la haute technologie dans tous les domaines. Une démocratie exemplaire, une Justice implacable pour tous, une société multiconfessionnelle, où musulmans, arabes, juifs et chrétiens coexistent malgré un climat de guerre permanente.

Cette image de l’Etat d’Israël nul ne peut l’ignorer ou la contester.

Yair Lapid

Yair Lapid (Avi Ohayon/GPO)

Cependant, le nouveau gouvernement devrait être vigilant devant les pourparlers des Occidentaux avec l’Iran, et être très prudent concernant la solution du problème palestinien.

L’entretien fructueux du Premier ministre Bennet avec le roi jordanien a gommé les malentendus avec notre voisin hachémite et la rencontre de Lapid à Bruxelles avec ses homologues tourne une page tumultueuse avec les Européens.

L’Union européenne est notre premier partenaire économique. La consolidation des relations est un grand intérêt commun. Toutefois, s’ils souhaitent jouer un rôle d’influence dans le processus de paix, nous devrions exiger une politique équilibrée. Une séparation nette entre les relations bilatérales et multilatérales est nécessaire pour que l’Europe cesse de mener un double jeu.

Josep Borell

Josep Borell (Unión Europea en Perú (CC BY 2.0))

Les fréquentes déclarations de certains diplomates et commissaires européens, notamment celles du chargé des Affaires extérieures, l’Espagnol, Josep Borell, dépassent tout entendement.    

Hier comme aujourd’hui, l’Union européenne conditionne l’amélioration des relations bilatérales avec une solution adéquate du problème palestinien.

Avant de permettre aux Européens d’intervenir dans notre région,  de nous donner des leçons de morale, de nous offrir de bons offices, et nous proposer de « garantir » la sécurité de l’Etat d’Israël, Lapid devrait exiger une volonté politique sincère pour faire la distinction entre le multilatéral et le bilatéral. Par exemple, l’Union européenne devra cesser de prendre différentes mesures contre « la colonisation », telle que l’étiquetage des produits ‘Made in Israël’ ». Tolérance zéro à toute sorte de boycottage ou discrimination politique et économique.  

Dans ce contexte, l’Europe devra encourager et soutenir la récente normalisation avec les pays arabes.

L’Europe qui s’efforce de combattre le terrorisme, l’antisémitisme   et la radicalisation, en déjouant des attentats grâce aux renseignements sensibles obtenus par les services israéliens, ne peut non plus ignorer l’incitation à la haine et les salaires versés aux terroristes.

Les Européens peuvent poursuivent leur soutien financier aux Palestiniens mais devront exiger préalablement un changement radical dans leur conduite et leur paradigme, un retour sans condition à la table des négociations.

Ils ne peuvent bercer les Palestiniens d’illusions en mettant la « charrue avant les bœufs », trancher dores et déjà sur le statut final, en leur offrant un Etat palestinien indépendant sans aucune concession.

Depuis plus de 50 ans, Les Européens interviennent dans ce conflit sans aucun résultat tangible.   

Nous souhaitons vivement tourner la page car nous partageons avec l’Europe un passé commun, des valeurs démocratiques et universelles.

Le nouveau gouvernement Bennet-Lapid est capable de consolider ces relations à condition d’agir avec sagesse, prudence et fermeté. Ne  plus retomber dans le piège des solutions rapides et éphémères.