Israël face à l’accord sur le nucléaire iranien

Yossi Kupervasser

Une éventuelle signature sur un accord nucléaire iranien renforce considérablement la position des ayatollahs car si l’Iran décide d’enrichir son stock d’uranium à un niveau militaire, il pourrait produire plusieurs engins atomiques.

Face à une administration américaine affaiblie après un retrait désorganisé d’Afghanistan et une riposte prudente à l’invasion russe en Ukraine, les ayatollahs sont convaincus que leur politique intransigeante menée depuis l’élection de l’ultraconservateur, Ebrahim Raisi, est justifiée pour obtenir toutes leurs revendications. 

Une fois l’accord signé, l’Iran aura facilement accès à ses avaloirs gelés (environ 100 milliards de dollars) et à des revenus des exportations de pétrole. Toutes ces sommes faramineuses pourront renforcer le régime islamiste, redoubler les activités de ses milices chiites, augmenter les actes terroristes, et ainsi propager la doctrine révolutionnaire islamiste dans notre région et à ailleurs.

Selon le rapport du 4 mars 2022 publié par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) l’Iran a déjà accumulé :

33,2 kg d’uranium enrichi à un niveau très élevé de 60 % (contre 17,7 kg en novembre 2021) ;

182 kg d’uranium enrichi à un niveau élevé de 20 % (contre 113 kg en novembre 2021), produits dans le site d’enrichissement de Fordow, situé quelque part dans les montagnes du pays. Ainsi que 1 278 kg d’uranium enrichi jusqu’à 4,5 % servant à alimenter les centrifugeuses d’enrichissement à 20 % et 60 %.

VIenna Talks

(Capture d’écran / PressTV)

L’Iran exploite déjà des centrifugeuses sophistiquées de plusieurs types (IR-2m, IR-4, IR-6), et donc, si l’Iran décide d’enrichir cet uranium à un niveau militaire (plus de 90%), cela ne prendra qu’environ trois semaines pour produire 25 kg, soit suffisamment d’uranium pour le premier engin nucléaire.  

Bien que l’Iran ait promis au Directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, de fournir des informations sur les sites révélés par Israël, il n’est disposé à le faire qu’après la conclusion de l’accord. De ce fait, aucune inspection réelle n’a été réalisée étant donné que les inspecteurs de l’AIEA ne peuvent pas se rendre sur les sites sans préavis.

IR-6 centrifuges

(Atomic Energy Organization of Iran)

De ce fait, les récentes activités iraniennes constituent une violation à la l’accord nucléaire de 2015 et ainsi que leurs engagements envers le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et son protocole additionnel.

Ces violations se sont poursuivis suite à la décision du président Trump en mai 2018 de se retirer de l’accord, mais la plupart d’entre elles ont été commises depuis l’élection de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis.

Les États-Unis auraient pu faire pression sur l’Iran pour qu’il renonce aux avancées dangereuses vers la production d’armes nucléaires et exiger un meilleur accord comme les sanctions imposées actuellement à la Russie et une menace crédible d’utiliser la force. 

En réalité, plusieurs rapports indiquent que les États-Unis ont cédé à le faire et même pourraient ne plus désigner le dangereux Corps des gardiens de la révolution comme une organisation terroriste, et ainsi lever les sanctions contre certains chefs iraniens impliqués dans des attaques meurtrières contre les États-Unis, les Juifs et Israël. 

Les Américains reconnaissent qu’il ne s’agit pas d’un retour au premier accord nucléaire signé en juillet 2015 (JCPOA) mais plutôt un plus mauvais accord parce qu’il est impossible pour l’Iran de revenir sur les progrès qu’il a déjà réalisés.

Il est également clair que les illusions semées par l’équipe des pourparlers nucléaires de l’administration Obama, dont les membres sont également impliqués dans la direction de l’équipe actuelle, n’étaient pas fondées. L’Iran n’abandonnera pas son soutien au terrorisme et son idéologie radicale. 

Quelles sont les implications pour Israël des progrès de l’Iran en vue de devenir un État au seuil nucléaire et de la capitulation américaine ? Tout d’abord, nous constatons que notre allié le plus important et son principal soutien souffrent d’une faiblesse qui se reflète également sur nous.

De ce fait, Israël doit compter d’abord et avant tout sur lui-même. Si l’accord entre en vigueur, nous devrions planifier une campagne discrète pour contrecarrer le programme nucléaire iranien.

Les États-Unis demeurent très prudents et réticents à s’engager dans un conflit. Ils préfèrent éviter d’utiliser ses capacités en laissant ses adversaires faire avancer leurs intérêts à ses dépens. Pire encore, si dans le passé le lien entre les intérêts israéliens et américains était un élément essentiel de la coopération entre les deux pays – au-delà de leurs valeurs communes – sous l’administration Biden, les intérêts diminuent.

Les Américains se concentrent sur les conflits avec la Russie et la Chine, dans lesquels Israël est moins attaché à la position américaine, et ils réduisent leur implication au Moyen-Orient. Selon eux, la consolidation de l’Iran dans notre région n’est pas une menace existentielle pour que l’administration se mobilise pour la contrecarrer.

Aussi longtemps que possible, Israël devrait essayer d’empêcher le retour à l’accord en faisant vigoureusement appel aux responsables américains au sein des deux partis politiques pour qu’ils reconnaissent la gravité d’un nouvel accord. Le Congrès possède des leviers pour empêcher l’administration de réaliser ses intentions. On peut aussi espérer que les Iraniens n’accepteront pas les conditions américaines et exigeront encore plus et retarderont la signature de l’accord.

Si l’accord entre en vigueur, Israël devra monter une campagne secrète pour contrecarrer le programme nucléaire de l’Iran, puisque, malgré la déclaration d’Israël selon laquelle il n’est pas lié par l’accord, une action ouverte au premier stade n’est pas nécessaire et encore moins acceptable étant donné l’engagement américain à cet égard. 

Israël doit utiliser ce temps supplémentaire pour développer ses capacités afin de contrecarrer le programme nucléaire par l’usage de la force, le moment choisi et propice.

Dans le même temps, Israël doit continuer à resserrer ses liens avec les chefs d’États arabes pragmatiques, qui pourraient chercher à compenser la faiblesse américaine en se rapprochant d’Israël ou, alternativement, en se rapprochant de l’Iran et de ses protégés, comme le président Assad de Syrie. Enfin, il n’est pas exclu que certains États essaieront eux aussi de se doter de l’arme nucléaire.

Voir l’intégralité de l’article et ses références sur le site du Jerusalem Center
https://jcpa.org/article/the-united-states-is-determined-to-return-to-the-dangerous-iran-deal-at-any-cost-the-implications-for-israel/

 

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