L’Iran et les batailles de l’EIIL en Syrie et en Irak

wikipedia-inbari_expertLes batailles en cours dans l’Est de la Syrie révèlent la nouvelle orientation politique prise par l’Etat islamique en Irak et au Levant (l’EIIL). Ce mouvement a réussi à s’emparer de la ville de Mossoul et contrôle également de grandes étendues du territoire irakien. L’Armée syrienne libre, battue en retraite, est prise au piège. Ses chefs se posent à juste titre la question de savoir si l’EIIL agit en connivence avec le gouvernement syrien et ses alliés iraniens.

Soulignons que depuis le déclenchement de la révolte en Syrie, les réseaux de renseignements iraniens ont déployé d’importantes unités et leurs services suivent entièrement les activités de l’armée syrienne. La forte dépendance de l’Etat syrien envers les activités iraniennes renforce leurs agissements et laisse à Téhéran le champ libre pour assurer la sécurité et la sauvegarde du régime d’Assad.

Les liens entre l’EIIL et le régime syrien via l’Iran soulèvent, en effet, de sérieuses questions car jusqu’à ce jour le mouvement islamiste n’était pas une priorité pour Assad.

Selon des articles publiés récemment dans le Washington Post « l’opposition syrienne non-djihadiste affirme que l’EIIL est un mouvement crée par l’Iran ». Cet avis est partagé par Abdoul Rahman al-Rashid, un commentateur saoudien du journal Asharq Al-Awsat et de la chaîne de télévision al Arabiya. Selon lui, « l’EIIL a vu le jour grâce aux services secrets iranien et syrien. La plupart de ses membres vivent dans l’ignorance et ne savent pas qu’ils sont manipulés par les Iraniens. » Al-Rashid ajoute que certains chefs d’al-Qaïda vivent toujours en Iran. Abdel Bari Atwan, rédacteur en chef du site Al-Rai Al-Youm, affirme pour sa part que l’EIIL pourrait permettre un jour à l’Iran et aux Etats-Unis de coordonner leurs opérations en Irak et peut-être en Syrie.

Rappelons que le département du Trésor américain a publié une note désignant le Ministère iranien du Renseignement (« Vevak ») comme faisant partie des organisations terroristes internationales. Ce document, publié le 16 février 2012, indique qu’al-Qaïda en Irak a bien obtenu des fonds et des armes du ministère iranien. En fait, al-Qaïda en Irak s’est rebaptisé EIIL. L’idée que l’Iran chiite aide les djihadistes sunnites n’est donc plus imaginaire comme le pensaient les chancelleries occidentales.

L’EIIL a été fondé le 8 Avril 2013 suite à la fusion de Jabhat al Nusra avec l’Etat islamique d’Irak (ISI), ce dernier étant lui-même à l’origine al-Qaïda en Irak. Le chef de l’EIIL, Abou Bakr al-Baghdadi, se considère d’ailleurs comme le successeur d’Abou Musab al-Zarqawi, ancien chef d’al-Qaïda en Irak.

Juste après le déclenchement de la guerre civile en Syrie, l’EIIL a remporté plusieurs succès en Irak. Des tribus bédouines issues de zones sunnites telle que Sahwa, qui avait auparavant coopéré avec les Américains, ont ensuite rejoint ses troupes.Les premiers succès sunnites contre les chiites en Irak avaient encouragé les Saoudiens, qui considèrent le Premier ministre irakien, le chiite Nouri al-Maliki, comme l’un des principaux ennemis de leur pays. Mais tout a été bouleversé par le rapprochement des Etats-Unis avec l’Iran.

La situation en Irak est complexe, mais néanmoins compréhensible. Les séquelles de la guerre Iran-Irak (1980-1988) n’ont pas été cicatrisées et les Ayatollahs ne souhaitent pas voir émerger un Etat irakien fort le long de leur frontière occidentale. Pour l’éviter, les Iraniens préfèrent que l’Irak soit divisé en cantons ethniques dans des zones kurdes, sunnites et chiites. L’Iran pourra alors contrôler ou annexer la zone chiite, y compris les villes saintes de Nadjaf et Karbala. Dans tous les cas, l’EIIL servirait l’Iran comme tremplin pour faire avancer son objectif de parvenir à une hégémonie régionale.

Dès lors, toute alliance avec l’Iran pour combattre l’EIIL sera vouée à un échec cuisant compte tenu des bouleversements que nous traversons sur le terrain et face au chaos en Syrie.

Les puissances occidentales ne peuvent plus se dégager de leurs responsabilités dans cette région du monde.

Pinhas Inbari