Les divergences au sein de la direction du Hamas

wikipedia-haleviLa dernière confrontation ouverte entre Mahmoud Al-Zahar, ministre des Affaires étrangères du Hamas à Gaza, et le chef du bureau politique basé à Damas, Khaled Mashal, reflète les tensions dissimulées existantes entre le leadership du Hamas à Gaza et celui installé en Syrie.

Al -Zahar exige que le Hamas à Gaza assume un poids plus important dans les prises de décision, tandis Mashal souhaite que le pouvoir central demeure  en dehors de la Palestine.

Depuis le désengagement israélien de la bande de Gaza en 2005, la victoire décisive du Hamas dans les élections parlementaires de 2006, et la prise du contrôle militaire du Hamas à Gaza en juin 2007, le gouvernement du Hamas a marqué des points importants sur le plan politique et économique. Il entretient des relations étrangères et impose des taxes sur les importations en provenance d’Israël et de l’Egypte.

En outre, la consolidation du régime du Hamas à Gaza, avec ses principales forces militaires des brigades al-Qassam a réussi à changer l’équilibre du pouvoir à l’intérieur du Hamas.

Aujourd’hui, Al -Azhar peut défier l’autorité de Mashal pour diriger le mouvement, et argumente que le pouvoir central devrait  se déplacer de Damas  à « l’intérieur » de la Palestine.

Rappelons que le Fatah a suivi un processus similaire après la création de l’Autorité palestinienne en 1994. La majorité de sa direction a finalement choisi de vivre dans les territoires.

Mashal s’est volontairement abstenu de défier directement Al-Zahar, probablement pour éviter de lui accorder le statut d’un concurrent égal pour la direction du mouvement. Son intérêt principal est de promouvoir la réconciliation avec le Fatah afin de paver la voie pour que le Hamas rejoint l’OLP et prend en charge l’organisation qui est reconnue internationalement comme la seule représentante du peuple palestinien.

La position du mouvement Hamas concernant les négociations avec Israël et la lutte armée n’a point changé.

La direction du Hamas en Syrie a réagi avec mécontentement aux critiques d’Al-Zahar. Lors de la réunion du bureau politique tenue le 1er juin 2011 à Damas ses membres ont souligné avant tout que les:

“Déclarations faites par le frère Khaled Mashal, chef du bureau politique du mouvement, reflètent et représentent parfaitement les positions du Hamas et ses principes, et donc toute autre déclaration de toute source que se soit contredit ses propos et en fait ne représente pas le mouvement et ses institutions.”

L’absence d’Al-Zahar à cette réunion est éloquente mais suite au communiqué du bureau politique Al-Zahar a changé de ton. Il a dit que la diversité des positions est un signe de puissance du mouvement et la diversité des opinions, et il a accusé les médias de grossir les malentendus internes:« Les désaccords existent dans toutes les organisations, mais ce qui nous différencie c’est que les décisions chez nous sont prises par  un  vote et une majorité…les jours à venir prouveront que nous surmonterons les désaccords”… a déclaré Al-Zahar.

 

Khaled Mashal s’est abstenu de toute réaction publique. Sa seule réponse indirecte aux allégations d’Al-Zahar a été dans une interview à la  chaîne de télévision égyptienne, diffusée quelques heures après la signature de l’accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas. Mashal a expliqué que son discours ne comportait pas de consentement à des négociations avec Israël, mais est basé sur la compréhension que les deux parties ont convenues de prendre une décision commune. Selon l’accord de réconciliation, le Hamas est prêt à offrir au Fatah une nouvelle occasion sachant parfaitement qu’il n’existe aucun espoir pour le processus de paix et qu’en fin de compte les Palestiniens adopteront la stratégie du Hamas.

Cette controverse publique est sans doute liée à la lutte pour le pouvoir au sein du Hamas. Ses racines sont les conséquences du désengagement israélien de Gaza en 2005. Le Hamas se présente actuellement prétendant à la tête de l’Autorité palestinienne et comme pionnier dans le combat contre Israël.

La controverse jette également un nouvel éclairage sur le statut de Mashal. Il est largement reconnu comme le leader et notamment par  l’aile militaire du mouvement, mais manque l’aura du cheikh Ahmed Yassine, fondateur et chef spirituel du Hamas ou le charisme d’Abed al-Aziz al-Rantissi, le successeur de Yassine.

Mashal a certes gagné ce premier round mais les divergences demeures toujours profondes.

Les prochaines élections au sein du Conseil national palestinien (CNP) de l’OLP peuvent affecter l’équilibre du pouvoir au sein du Hamas. Conformément à l’accord de réconciliation avec le Fatah, les élections seront tenues en Cisjordanie, à Gaza et en dehors de la Palestine. Les délégués siégeant à l’extérieur ont droit à obtenir au moins la moitié des sièges au sein du CNP.

La direction du Hamas à l’étranger, qui vise à remplacer le Fatah à la tête de l’OLP et du peuple palestinien, se différentie en décrivant le gouvernement d’Hanyeh comme uniquement responsable de la gestion des affaires courantes de la bande de Gaza.

Le “printemps arabe” est un autre facteur dans cette équation. L’instabilité en Syrie, épine dorsale de longue date du Hamas, peuvent forcer la direction du Hamas à envisager des alternatives et changer le lieu de leur siège. En Egypte, les Frères musulmans ont fondé un nouveau parti politique en prévision des élections. La montée en puissance politique des Frères musulmans, mouvement fondateur du Hamas, pourront jouer un rôle déterminant.

Traditionnellement, les Frères musulmans ont été plus proches du Hamas à Gaza, et au cours de ces dernières années, les relations se sont renforcées avec un soutien financier utilisé pour l’achat d’armes.

Les négociations sur la libération de Guilad Shalit en échange de centaines de prisonniers palestiniens peuvent être entravées par la lutte interne du pouvoir du Hamas. De hauts-responsables israéliens ont déjà fait savoir que le commandant des Brigades al-Qassam, Ahmed Jaabari, s’en tient toujours à des positions extrêmes et a donc déjoué le projet d’échange de détenus.

La controverse au sein du Hamas est axée sur le pouvoir et non sur la politique. Le Hamas adhère encore au principe de la libération de la Palestine historique et la destruction d’Israël. Le seul champ de manœuvre réside dans les véritables intentions du Hamas pour établir un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967. Il acceptera une trêve prolongée (houdna) à condition qu’Israël ouvre ses frontières et accepte le retour  de millions de palestiniens pour s’installer dans son territoire, ce qui signifierait clairement la fin d’Israël et sa transformation en un Etat palestinien.

Voire l’intégralité de l’article en anglais sur le site du JCPA.