Les dangers de la Résolution 2334 du Conseil de sécurité

 

Le Conseil de sécurité a adopté le 23 décembre 2016 la résolution 2334 réaffirmant que « la création par Israël de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit international. »

La résolution, présentée conjointement par la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Sénégal et le Venezuela, a été adoptée par 14 voix et une seule abstention – celle des Etats-Unis.

 

 

Introduction

Dans cette résolution 2334, le Conseil exige « à nouveau l’arrêt immédiat et complet de toutes activités de colonisation ».

Les membres du Conseil ont réaffirmé que la création de colonies de peuplement par Israël constitue une violation flagrante du droit international ainsi qu’un « obstacle majeur à la réalisation des deux Etats et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable ».

Aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, « y compris celles de Jérusalem », ne sera reconnue, a indiqué le Conseil, à l’exception de celles convenues par les parties par la voie de la négociation.

Les membres du Conseil ont par ailleurs demandé que des mesures immédiates soient prises pour prévenir tout acte de violence et de terreur visant des civils. Ils ont également demandé aux Israéliens et aux Palestiniens d’agir dans le respect du droit international, de faire preuve de retenue et de s’abstenir de tout acte de provocation et d’incitation à la violence et de toute déclaration incendiaire.

Le Conseil a vivement préconisé l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques entrepris, en vue de parvenir « sans tarder » à une paix globale, juste et durable aux Moyen-Orient. Il a notamment souligné l’importance des différentes initiatives déployées par différents Etats membres, dont celle prise par la France de convoquer une conférence de paix internationale.

Cette résolution est dangereuse sur plusieurs points car elle entrave toute négociation de paix. Elle contourne le processus pour tenter de préjuger des questions centrales qui sont d’ores et déjà sur la table des négociations. En fait, elle porte préjudice à un retour possible au processus de négociation.

Cette résolution encourage également des pays et des mouvements hostiles à Israël à boycotter et à sanctionner l’Etat Juif et même à poursuivre en justice des dirigeants israéliens.

 

Observations juridiques

par Alain Baker

 

  1. La résolution 2334 (comme toutes les précédentes résolutions concernant Israël) a été adoptée dans le cadre du chapitre VI de la Charte des Nations Unies (règlement pacifique des différends) et en tant que tel n’est pas obligatoire et contraignante. Elle contient une série de déterminations politiques et des recommandations à la communauté internationale. La résolution ne fait pas loi, et en tant que tel, toutes les déterminations ainsi que l’absence de validité juridique concernant le statut légal des colonies israéliennes ne sont que déclaratoires.
  2. Une grande partie des termes employés forment une terminologie déjà rabâchée par les Nations Unies. Il s’agit en effet du même langage utilisé dans les précédentes résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale («inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force », « territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est », « frontières sûres et reconnues », « violation (grave ou flagrante) en vertu du droit international », les références à l’absence de validité juridique des colonies, et leur étant un « obstacle » ou « obstacle majeur » pour parvenir à une solution de deux états).
  3. Les références dans le dixième paragraphe du préambule de la résolution que « le statu quo dure » et « éviter la création d’un seul Etat » sont nouvelles et semblent être inspirées par des citations et des déclarations faites par le président Obama, le Secrétaire d’État Kerry, et le vice-Président Biden.
  4. De même, des expressions qui n’ont pas été incluses dans les principales résolutions du Conseil de sécurité en ce qui concerne le processus de paix, comme « solution pour deux Etats sur la base des lignes de 1967 » (paragraphe sept), ainsi que les références dans le neuvième alinéa de l’« initiative de paix arabe »et le « principe de la terre pour la paix » sont clairement destinées à inculquer de nouveaux concepts qui n’ont jamais été des éléments convenus dans le processus de négociation.
  5. L’appel aux Etats dans le cinquième paragraphe à distinguer entre les relations bilatérales avec Israël et les Territoires est également utilisé par les militants de BDS et dans les campagnes de boycottage.
  6. La référence dans le troisième paragraphe aux « lignes de juin 1967 » comme base de négociations semble être un nouvel élément. Elle fait écho à des déclarations du président Obama et John Kerry, et elle n’est pas compatible avec la fameuse résolution 242 du Conseil de sécurité, qui demeure la base de tout le processus de paix israélo-arabe, et qui appelle à la négociation de « frontières sûres et reconnues ». Soulignons que les accords d’Oslo ne font aucune référence spécifique aux lignes de 1967. Cette référence semble être une tentative de préjuger ou influencer indûment la question de la négociation des frontières.
  7. Malgré les décisions déclaratoires et la recommandation de tenter de préjuger le statut des territoires, Jérusalem-Est, les frontières et les colonies, cette résolution semblent néanmoins se contredire quand elle réaffirme l’appel à des négociations sur « les questions du statut final », ainsi pour « une paix globale, juste et durable » (paragraphe 8).

 

Analyse  

  1. Alors que la résolution ne remplace pas la résolution du Conseil de sécurité 242, qui est la base acceptée et convenue pour le processus de paix israélo-arabe, elle contient néanmoins des éléments qui tentent de modifier la Résolution 242 et influencer le processus de négociation dans une direction particulière.
  2. La résolution ne peut pas, en soi, servir de motifs à des poursuites judiciaires devant la Cour pénale internationale (CPI) ou d’autres tribunaux internationaux. Mais de toute évidence, elle sera utilisée par la direction palestinienne comme un outil politique pour étayer les plaintes existantes. Ceci malgré le fait que le statut palestinien vis-à-vis de la CPI et la compétence de la Cour, en ce qui concerne les territoires, doivent encore être examinés juridiquement. Le fait que le procureur de la CPI a reconnu l’adhésion de « l’Etat de Palestine » tout en acceptant des plaintes sont des décisions politiques.
  3. Les États-Unis, par leur décision de ne pas opposer leur veto à la résolution, en acceptant que la résolution du Conseil de sécurité se réfère à « territoire palestinien, y compris Jérusalem Est » indiquent que les territoires et l’Est de Jérusalem appartiennent aux Palestiniens. Ceci malgré le fait que les États-Unis ont toujours convenu avec Israël qu’il n’y a jamais eu de détermination, d’accord, de traité, ou d’autre document juridique déterminant ces termes.
  4. Il s’agit là d’une attitude grave et même irresponsable dans la politique américaine car elle a toujours préconisé un règlement négocié sur les questions du statut permanent de Jérusalem et des frontières.
  5. Cette position prise par les États-Unis (ainsi que les autres membres du Conseil de sécurité) sape également l’obligation fondamentale des Accords d’Oslo, signés par l’OLP et attestée par les Etats-Unis (ainsi que l’UE, la Russie, l’Egypte et autres pays), que le statut permanent des territoires, les questions de Jérusalem et les frontières sont à négocier.
  6. Alors que les Etats-Unis et Israël sont en désaccord fondamental sur la politique à mener pour aboutir à un règlement, les États-Unis ont toujours rejeté avec force toute tentative de la communauté internationale de préjuger toutes les questions sur le statut permanent.
  7. L’indignation exprimée par Israël, à la fois sur la résolution elle-même, et sur la conduite de l’administration Obama découle de cinq éléments de base :
    • Le texte de la résolution est sans précédent dans la forme et le langage condamnatoire utilisé.
    • La frustration d’Israël face au comportement irresponsable de l’administration Obama.
    • L’irréversibilité évidente de la résolution et le potentiel de dommages futurs.
    • Le « deux poids deux mesures » dans les accusations de violations israéliennes des Accords d’Oslo et les violations flagrantes des Palestiniens du droit international, dans leur incitation à la haine, et le paiement des salaires aux terroristes.
    • La question des implantations n’est pas le cœur du conflit. Les Palestiniens refusent toujours de reconnaître l’existence même d’un Etat juif, et son droit à une partie du territoire installée à l’ouest du Jourdain.
    • Cette résolution n’encourage pas la paix. Bien au contraire elle encourage les extrémistes à saboter tout processus pour pouvoir aboutir à un compromis et au statut permanent.

 

Annexe-Document

Retrouvez ici le texte intégral de la résolution 2334

 


 

Pour citer cet article : 

Le CAPE, « Les dangers de la Résolution 2334 du Conseil de sécurité  », Le CAPE de Jérusalem: https://jcpa-lecape.org/les-dangers-de-la-resolution-2334-du-conseil-de-securite/