Le Hamas suit le chemin de l’Etat islamique

wikipedia-haleviDepuis l’instauration de la trêve, le Hamas est convaincu qu’Israël s’abstiendra d’attaquer la bande de Gaza. Dans ce contexte, le Hamas qui est un allié stratégique de l’Iran chiite n’est pas libre d’exprimer son soutien direct ou indirect à l’organisation de l’État islamique sunnite, ennemi déclaré du régime des Ayatollahs.

Cependant, le carnage perpétré le 18 novembre 2014 par des terroristes palestiniens contre des fidèles dans une synagogue à Jérusalem a suscité des scènes de liesse et de joie dans la bande de Gaza et en Cisjordanie. Nul doute que ces assassins furent inspirés par les méthodes barbares de l’organisation de l’Etat islamique (Daesh).

Dans l’organe officiel du Hamas, Felesteen,  daté du 20 novembre 2014, l’éditorialiste palestinien Khaled Maali avait expliqué les implications du massacre de la synagogue en des termes similaires à la propagande de l’Organisation de l’État islamique:

« Cette opération a semé le traumatisme, la terreur et la peur chez les colons sionistes. Notre message est clair : ” tant que vous restez sur notre terre et continuez à profaner la mosquée Al-Aqsa …. vous serez égorgés comme des moutons. Tous les Palestiniens et tous les libéraux dans le monde savent parfaitement que le colon [qui signifie, dans ce contexte, chaque Juif qui vit en Terre d’Israël] est un assassin et un voleur [de la terre], et n’est jamais un pauvre innocent” ».

Au lendemain du massacre de la synagogue de Har Nof, Felesteen  publia une caricature d’un jeune Juif décapité. Depuis de nombreux dessins animés, des chansons et des vidéos sont diffusés sur les réseaux sociaux et les sites des différentes organisations palestiniennes. Cette campagne a pris le nom de “Daes” qui veut dire en arabe « piétinement » mais qui est aussi un jeu de mot avec l’acronyme Daesh.

La proclamation de Daesh par le calife auto-désigné Abou Bakr al-Baghdadi, a fondamentalement modifié la réalité du Moyen-Orient. Elle menace de remanier les cartes géopolitiques et de changer les frontières étatiques existantes, en sapant les Etats musulmans de leurs entités nationales.

Toutes les organisations islamiques, y compris le Hamas (branche des Frères musulmans) et le Mouvement islamique en Israël, considèrent la création du califat comme un devoir religieux. En ligne direct avec la prophétie de Muhammad, la restauration du califat est censée être un moyen d’unifier les musulmans sous le règne de la loi islamique (charia), avant de procéder à la conquête de l’Europe et d’imposer la religion musulmane dans le monde entier.

L’État islamique pose de grands défis car il continue à consolider son pouvoir, défie sans crainte les Occidentaux et particulièrement les États-Unis, et il attire dans ses rangs des milliers de musulmans en inspirant des millions d’autres à travers le monde.

Le Front d’action islamique, qui est le bras politique des Frères musulmans en Jordanie, s’est prononcé contre la participation du Royaume hachémite dans la coalition militaire dirigée par les Etats-Unis. Cette organisation reflète l’opinion et la conduite de tous les autres organisations islamiques. D’une part, elles ne veulent pas prêter serment d’allégeance au calife, car cela exigerait soumission totale à la règle du califat avec tout ce que cela implique ; mais d’autre part, elles veulent défendre le califat contre la coalition internationale même si cela pourrait conduire à la chute des régimes existants et leur annexion par le calife Baghdadi.

Le califat islamique exerce aussi une grande influence au-delà des frontières de la Syrie et de l’Irak. Il exerce une influence considérable en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, qui est sous domination du Hamas.

Le 21 Septembre 2014, le porte-parole du califat Sheikh Abu Muhammad al-Adnani avait appelé les musulmans à travers le monde à s’engager au Jihad et à tuer tous les infidèles par tous les moyens possibles (par des voitures bélier ou par l’arme blanche). Ses propos ont bien résonné dans le camp palestinien puisque de nombreux attentats ont été lancés en Israël et en Cisjordanie ; le plus grave fut contre la synagogue Har Nof de Jérusalem dont quatre rabbins et un policier furent assassinés à la hache, au pistolet au couteau.

L’organe du Hamas,  Felesteen, publie régulièrement des articles favorisant la « lutte armée » et les méthodes de Daesh pour libérer Jérusalem et la Palestine. Yousouf Rizaka, ancien ministre des Cultes du gouvernement dirigé par Ismail Haniyeh (2007-2014) avait fait l’éloge du “djihad privé” contre les Juifs.

En octobre 2014, les forces de sécurité palestiniennes ont arrêté des dizaines de partisans de l’Etat islamique, dont certains avaient tenté de mettre en place des cellules clandestines et mener des attaques terroristes.

Cependant, la position des dirigeants du Hamas concernant Daesh demeure ambigüe. Dans une conférence de presse tenue à Tunis le 13 septembre 2014, le chef du Hamas Khaled Mechaal a évité de prendre position en faveur de Daesh. Il a souligné que son mouvement « représente un exemple de modération politique, d’ouverture aux sphères régionales et internationales ainsi que le respect des principes nationaux du peuple palestinien. »

Le Hamas et le Jihad islamique, qui sont tous deux des alliés stratégiques de l’Iran, demeurent prudents à chaque fois qu’ils se réfèrent à l’État islamique. Le 16 octobre 2014, le chef du Jihad islamique, Ramadan Salah, était arrivé à Téhéran pour discuter, selon l’annonce officielle, du «  danger de l’État islamique et du combat pour libérer la Palestine ».

A l’heure actuelle, la trêve temporaire dans la bande de Gaza et l’isolement du Hamas risquent d’encourager les jeunes palestiniens à adhérer à l’organisation de l’Etat islamique. Pour éviter leur départ, le Hamas essaie d’ouvrir un nouveau front contre Israël en Cisjordanie et à Jérusalem sous la forme de “djihadiste solitaire». Cette approche est conforme à l’objectif stratégique du Hamas dont le but est de déloger l’Autorité palestinienne en Cisjordanie et prendre le pouvoir.

Ainsi, le Hamas adopte les méthodes terroristes de l’État islamique sans mentionner sa source d’inspiration. Désormais, tant que la rue palestinienne est inspirée par Daesh, le Hamas intensifiera ces méthodes. Plus que jamais, le Hamas souhaite se considérer comme le mouvement djihadiste « le plus efficace » contre Israël.

Jonathan D. Halevi