Le double jeu et la dérobade des présidents français

La « lettre ouverte » écrite sincèrement et crûment par Richard Rossin au Président Macron, publiée sur ce site, reflète l’état d’esprit de la majorité des Juifs de France et de la classe politique en Israël.

Les nombreuses réactions témoignent des sentiments de colère, frustration, déception à l’égard de la dérobade et même de la « trahison » des présidents français qui prétendaient être des alliés et des amis de l’Etat juif.

Au fil des années écoulées, les interrogations et les préoccupations sur la politique française au Moyen-Orient sont justifiées et fort inquiétantes.

Nous suivons avec tristesse une ligne de conduite constante, hypocrite et incompréhensible depuis 1967. Nous constatons que rien n’a changé fondamentalement dans la politique arabe et dans le combat contre l’antisémitisme, l’antisionisme, et le terrorisme islamiste et palestinien.

Emmanuel Macron recevant Benjamin Nétanyahou en juillet 2017 (Elysée)

Pourtant, les Juifs français demeurent les plus fidèles de la République et contribuent au rayonnement de la civilisation française. Et Israël souhaite clairement consolider ses relations bilatérales avec la France dans tous les domaines, et dans l’intérêt commun.

Il ne s’agit pas de contester une politique intérieure ou des réformes, s’interroger sur le prix de la baguette ou la hausse du prix de l’essence, mais de se révolter contre des préjudices et injustices, contre la délégitimation de notre existence et traiter des questions de vie ou de mort.

Comment ne pas être révolté par des considérations moralistes, mercantiles ou électorales ? Comment ne pas être scandalisé par les révélations de l’ancien patron de la DST sur la connivence avec Abou Nidal, responsable de l’attentat de la rue des Rosiers ? Celui qui a mené également des dizaines d’attaques terroristes sauvages avec l’aide et le parrainage de l’Irak, la Libye et la Syrie. En juin 1982, son groupe a aussi blessé grièvement notre ambassadeur lors d’un attentat spectaculaire à Londres.

Comment ne pas être sidéré et choqué par la révélation d’un ancien agent de la DGSE sur le transfert aux Palestiniens de « matériel sensible », par la valise diplomatique, donc via le Consulat général de France à Jérusalem, devenu de facto l’ambassade de la France pour la « Palestine », au moment même où une Deuxième intifada était déclenchée par Arafat faisant plus d’un millier de morts.

Comment ne pas se souvenir de l’affaire Abou Daoud, responsable du massacre des Jeux Olympiques de Munich ? Arrêté à Paris, puis relâché, 48 heures plus tard, « pour des raisons humanitaires ». Giscard avait refusé de l’extrader vers l’Allemagne ou en Israël.

Comment gommer la « liste noire » des 250 entreprises françaises, victimes du boycott arabe, dont les banques Rothschild, Lazare et Dreyfus, déjà en 1976, bien avant le BDS ?

Emmanuel Macron recevant Mahmoud Abbas en décembre 2017 (Elysée)

Sans oublier l’hospitalisation de chefs terroristes notoires, tels Georges Habache ou Yasser Arafat ?L’attentat contre la synagogue de la rue Copernic pour lequel, 27 ans plus tard, l’auteur palestinien est arrêté au Canada, incarcéré en France puis relâché après 18 mois.

Et puis, une longue liste d’attentats contre l’école Ozar Hatorah à Toulouse, contre l’hyper-casher à Paris, les assassinats crapuleux et barbares d’Ilan Halimi et Mireille Knoll….

Durant les quatre dernières décennies, les attentats terroristes et les actes antisémites contre les Juifs de France sont criants et les plus nombreux de tous les pays d’Europe.

Ces jours-ci, le Président Macron est sans doute plus préoccupé par des affaires intérieures et par les violentes manifestations qui nous ne concernent pas directement. Toutefois, il vient d’organiser, en grande pompe, le centenaire de la Grande guerre, en faisant d’ailleurs une erreur choquante concernant la « réhabilitation »du Maréchal Pétain pour sa victoire à Verdun.

Ses proches à l’Elysée avaient laissé aussi entendre, par des fuites à la presse israélienne, qu’il planifiait un plan de paix pour régler le problème palestinien. Vraiment ? Que sont devenues les initiatives malheureuses de Laurent Fabius en faveur des Palestiniens ? A-t-on oublié aussi l’échec de la Conférence de paixà Paris du président Hollande en janvier 2016, juste avant le départ de Barack Obama ?

Quel culot de prétendre régler notre propre conflit ! Quelle prétention de dicter notre avenir avec nos voisins ! Comment les gouvernements français peuvent-ils être intermédiaires ou arbitres en appliquant une politique partiale et pro-arabe ?

Le Forum pour la Paix tenu récemment à Paris n’était-il pas un écran de fumée aux réelles intentions face à la crise politique, sociale, migratoire, et économique en Europe ? Comment Macron voudrait-il affronter les défis au Moyen-Orient au moment où il ne réussit pas à régler ses propres problèmes ? Les crises syrienne, saoudienne ou yéménite, sans parler du projet nucléaire iranien ? Et puis, comment lui faire confiance quand il déclare à chaque fois qu’il reporte son voyage officiel en Israël comme l’a fait aussi son Premier ministre ?

On relève chez les dirigeants français des déclarations officielles et publiques bien différentes des propos tenus en privé dans les salons et les coulisses du pouvoir. L’hypocrisie, la dérobade, et le double jeu sont, hélas, de rigueur, et quant aux promesses, elles sont rarement tenues.

Freddy Eytan     

 


Pour citer cet article

Freddy Eytan, « Le double jeu et la dérobade des présidents français », Le CAPE de Jérusalem, publié le 24 novembre 2018 : https://jcpa-lecape.org/le-double-jeu-et-la-derobade-des-presidents-francais/

 

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