La supercherie de l’UNRWA

UNRWAUne nouvelle année scolaire commence dans les territoires palestiniens. L’UNRWA (office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) est né en 1949, au lendemain de la guerre d’indépendance, dans un cadre temporaire depuis régulièrement renouvelé[1], afin de gérer les camps de réfugiés palestiniens par l’organisation de services sociaux, à commencer par la santé et l’éducation. Cette dernière représente quelques 52% de son budget annuel de 1,2 milliard de dollars. Comme chaque année depuis sa création l’UNRWA dispensera donc dans les prochains mois ses services éducatifs à entre 25 et 30% des élèves palestiniens en écoles primaires et collèges, en plus de ses élèves en centres éducatifs supérieurs.  Au total, à travers le Moyen-Orient (Cisjordanie, bande de Gaza, Jordanie, Liban et Syrie), cet organe de l’ONU ne gère pas moins de 700 écoles où sont inscrits près de 487 000 élèves descendants de réfugiés palestiniens.  Un rôle énorme donc, mais qui n’est pas sans susciter d’importantes critiques quand au fonctionnement et au principe même de l’organisation.

Israël multiplie depuis plusieurs années déjà ses critiques à l’encontre de l’incitation à la haine figurant dans les manuels scolaires palestiniens, et l’UNRWA se retrouve donc sous le feu des projecteurs pour son utilisation des mêmes livres et des mêmes programmes que ceux en vigueur dans les écoles de l’Autorité palestinienne. Ceux-ci nient notamment la présence juive historique et actuelle dans la région, appellent à un retour sanglant dans la Palestine historique[2] ou font l’apologie du martyre. Ce manque de prise de distance va de paire avec l’emploi par l’agence d’instituteurs locaux, à l’inverse des politiques en vigueur dans d’autres officines de l’ONU (UNESCO, Haut commissariat aux réfugiés…) qui considèrent qu’employer des bénéficiaires des services fournis par l’agence constitue un conflit d’intérêt. Ces locaux, qui représentent 99% du total des employés de l’UNRWA, renforcent cette tendance à la politisation de ses pratiques, notamment en matière d’éducation.

Pire, parmi ces employés figurent des membres de groupes islamistes radicaux, comme l’a reconnu lui-même l’ancien commissaire-général de l’organisation Peter Hansen[3]. Un phénomène confirmé juin 2006, quand le Hamas a obtenu la majorité absolue au sein de l’union des travailleurs de l’UNRWA[4]. En mai 2008 Awad al-Qiq est tué lors d’un frappe aérienne israélienne : l’homme, artificier du Jihad islamique, était également directeur d’une des écoles de l’UNRWA à Gaza. En août 2009, l’UNRWA persistait à nier que le mouvement de résistance islamique se servait de trois de ses nouvelles ambulances après même que ce dernier ait confirmé l’information. Par ailleurs, toujours à Gaza, le Hamas s’en est pris violemment à plusieurs reprises à l’organisme pour faire pression contre son utilisation des programmes de l’Autorité palestinienne dominée par le Fatah ou son manque d’éducation islamique aux yeux des radicaux.

Face à ces développements, il est étonnant que ni Israël ni les Etats-Unis n’aient demandé la mise en place d’un système d’audit et de suivi du fonctionnement de l’UNRWA afin de redresser ces défauts de fonctionnement structurels. Les deux pays se sont même opposés en janvier 2010 à la décision du gouvernement canadien de rediriger sa contribution annuelle sous forme d’aide directe à l’Autorité palestinienne pour plus de suivi et de responsabilité dans la gestion de cet argent.

Portrait mural d’Ayat al-Akhras, une terroriste suicidaire palestinienne, sur la façade d’une école de l’UNRWA dans le camp de réfugiés de Deheishe près de Béthléem.
(photo: Rhonda Spivak)

De façon plus générale, l’UNRWA occupe une place unique dans la nébuleuse onusienne. Tout d’abord, les réfugiés palestiniens sont les seuls à ne pas être pris en charge par le Haut commissariat  des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Celui-ci était certes jusqu’en 1967 confiné à la prise en charge des déplacés européens, mais, plus intriguant, l’UNRWA pose des principes différents que le HCR. Ce dernier défini comme réfugiés les déplacés eux-mêmes et se donne pour mission de les intégrer dans leur société d’accueil. Sur ces deux éléments l’UNRWA a adopté des critères pour le moins absurdes.

Tout d’abord, ses critères d’éligibilité sont maximalistes[5]. Son exigence de moins de deux ans de résidence en Palestine et le terme même de « réfugié de Palestine » plutôt que « réfugié palestinien » sont faits pour intégrer des travailleurs migrants originaires des régions voisines (de 16 à 25% du total selon Barry Rubin[6]). Par ailleurs, la prise en compte de l’ensemble des descendants patrilinéaires explique la croissance exponentielle du nombre de personnes éligibles aux services de l’UNRWA, de moins de 700 000 en 1949 à plus de 5 000 000 à l’heure actuelle (dont 1,4 million vivent dans ses camps).

De plus, l’office a pour mission non pas la réinsertion des déplacés mais la gestion et l’entretien des camps. D’où la perpétuation d’un organisme censé être temporaire et dont la raison d’être est au final le maintien en situation de dépendance des personnes dont il a la charge. Pour celà, l’agence compte aujourd’hui quelques 25 000 employés, alors que l’ensemble des institutions internationales n’en comptent  que 63 450[7] (soit 39% du total)!

Malgré sa taille gigantesque, et du fait même de son mandat, l’UNRWA s’avère donc incapable de mettre un terme au problème des réfugiés palestiniens. Au-delà de son utilisation des manuels de l’Autorité palestinienne, en bloquant de fait la réinsertion dans les sociétés d’accueil, il implique que la seule solution soit la réalisation du « droit au retour » de ces réfugiés, comme le montre l’immense clé le symbolisant à l’entrée du camp UNRWA de Aida près de Bethléem. Par là, cette agence de l’ONU travaille au déni de l’existence d’un Etat-membre de la communauté internationale, contrairement aux règles régissant le fonctionnement de l’ONU. Au grand dam évidemment des autorités israéliennes, qui ont proposé à plusieurs reprises de prendre à leur charge la construction de résidences définitives en lieu et place de ces camps de réfugiés.

Quelles alternatives sont possibles à la situation actuelle ? En novembre 2010, John Ging, à la tête des opérations de l’UNRWA à Gaza, le reconnaissait : « nous ne devrions pas exister après tant d’années […] C’est le mandat qui nous a été donné. Je suis d’accord que cet un échec politique mais nous ne définissons pas le mandat, nous ne sommes responsables que de la mise en application. »[8] Parmi les alternatives possibles, le transfert du traitement des réfugiés eux-mêmes au HCR, qui se chargerait notamment de coordonner la sortie de crise pour les palestiniens du Liban, fortement ostracisés par la population locale. L’UNRWA comme délivreur de services pourrait supprimer ses critères d’éligibilité actuels et s’adresser à l’ensemble de la population palestinienne comme suppléant à l’Autorité palestinienne avant d’être progressivement supplanté par cette dernière. Enfin, et c’est crucial, quelque soit son destinataire l’aide internationale devrait être conditionnée à des résultats concrets en terme d’amélioration des conditions de vie et à un suivi de l’utilisation des fonds pour s’assurer qu’ils ne soient pas détournés, que ce soit par corruption ou par récupération politique. Cela passe évidemment en premier lieu par exiger la fin de l’enseignement d’un « droit au retour » aussi chimérique que dangereux.


[1] Par la résolution 302 de l’Assemblée générale de l’ONU.

[3] Au cours d’une interview avec CBC TV au Canada en octobre 2004 : http://honestreporting.com/unrwas-hamas-employees-2/.

[5] http://www.unrwa.org/etemplate.php?id=86 : « Les réfugiés de Palestine sont les personnes dont le lieu de résidence usuel était la Palestine entre juin 1946 et mai 1948 et ayant perdu leur maison et leur moyen de subsistance du fait du conflit arabo-israélien de 1948. […] Les descendants des réfugiés de Palestine originels sont également éligibles à l’inscription [aux services de l’UNRWA]. »

[6] http://www.think-israel.org/rubin.unrwarefuge.html. On pourrait même argumenter que le personnel administratif permanent britannique est éligible selon ces critères…