La réconciliation palestinienne conduira-t-elle à la prise du pouvoir du Hamas?

wikipedia-haleviLe 22 décembre 2011, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et le dirigeant du Hamas, Khaled Mashal, ont conclu un accord pour une réconciliation nationale et un partenariat stratégique. Une nouvelle direction provisoire a été formée pour la première fois en tandem avec le Jihad islamique.

Le rattachement du Hamas à l’OLP n’annonce pas un changement stratégique dans la politique du mouvement ni la reconnaissance des accords signés avec Israël. Mashal souhaite prendre le pouvoir dans le cadre de nouvelles élections au Conseil National palestinien et envisage de modifier le programme de l’OLP conformément à ses propres opinions.

Osama Hamdam, chargé des relations extérieures au sein du Hamas a affirmé récemment : “Quiconque pense que le Hamas a changé ses positions et sera prêt à accepter le programme politique de l’OLP rêve ou simplement se trompe. Nous souhaitons reconstruire l’OLP et reconsidérer son programme politique selon notre idéologie, nos principes et nos droits, nous n’acceptons pas le marchandage de la libération de nos terres étendues du fleuve à la mer et à notre droit au retour.”

Le Hamas a adopté avec Mahmoud Abbas un paradigme de la “résistance populaire” dans la lutte contre Israël. Des observateurs soulignent que cette position est un signe encourageant de pragmatisme annonçant un processus qui a pour but la reconnaissance de l’existence d’Israël et notamment la  volonté de négocier avec l’Etat juif un règlement politique. Et pourtant, les déclarations déclarées des dirigeants du Hamas sont bien loin de cette analyse et prouvent le contraire.

Le 27 décembre 2011, soit une semaine après l’accord obtenu au Caire, le Hamas affirme: “Nous affirmons notre attachement à la lutte légitime et sous toutes ses formes, en particulier la lutte armée, pour ainsi mettre fin à l’occupation. La voie de la résistance et de notre lutte, le Jihad et le martyre pour Allah sont les seuls moyens d’atteindre nos droits et la libération de nos terres, Al-Qouds et nos lieux saints.

Le Hamas a repris confiance suite aux conséquences du Printemps arabe, ou plus précisément du Printemps islamique, qui a renforcé la présence des Frères musulmans en Egypte et dans d’autres pays de la région. Durant de nombreuses années Moubarak a soutenu l’Autorité palestinienne et les nouveaux maîtres de l’Egypte soutiendront sans équivoque le Hamas, filière des Frères Musulmans dans la bande de Gaza.

La direction temporaire de l’OLP a atteint des compréhensions avancées vers une réconciliation nationale palestinienne qui pourrait mettre un terme à une direction à deux têtes qui a émergé en Cisjordanie (sous le contrôle du Fatah) et à Gaza (sous le contrôle du Hamas). Selon le nouvel accord un gouvernement palestinien d’union nationale sera formé et de nouvelles élections pour le PNC et la présidence seront envisagées, à savoir six ans après les élections précédentes de janvier 2006. Des élections générales législatives sont également prévues au mois de mai prochain.

Selon l’agence officielle palestinienne WAFA, Abbas pense que les élections pour les institutions palestiniennes envisagées par l’accord de réconciliation  ouvriront la porte à un véritable partenariat avec toutes les forces palestiniennes visant à mettre en œuvre l’établissement d’un Etat palestinien dans les frontières de 67 et dont la capitale serait Jérusalem.

Quant au Hamas, il pense réaliser aux prochaines élections un score plus significatif que celui  de janvier 2006. Dans une interview accordée au journal  Al-Sharq Al-Awsat et parue le 26 décembre dernier, Mahmoud al-Zahar affirme  que le Hamas gagnera les prochaines élections au Parlement palestinien avec une majorité écrasante. Il a également noté que le Hamas n’a pas encore pris de décision pour présenter sa candidature à la présidence de la Palestine.

L’accord de réconciliation nationale prévoit également la formation de comités pour “les libertés générales” en Cisjordanie et à Gaza. Ces comités ont déjà discuté sur la libération des “activistes politiques” qui ont été arrêtés par l’Autorité palestinienne à Ramallah et le gouvernement du Hamas à Gaza ainsi que le retour des militants du Fatah qui ont fuit Gaza suite à l’installation du régime Hamas, la réouverture de nombreuses institutions et la libre circulation des résidents palestiniens. En outre, il est prévu une compensation gouvernementale pour les familles des victimes tuées lors des affrontements sanglants Fatah-Hamas. Khaled Mashal explique sa nouvelle attitude par un pragmatisme politique visant à rendre meilleures les opportunités que le Printemps arabe offre aux Palestiniens. Un changement dans l’équilibre des forces régionales au détriment d’Israël qui s’est renforcé grâce à la montée des islamistes en Egypte et dans plusieurs pays de la région.

L’Occident et les Etats-Unis en tête ne pourront plus ignorer la nouvelle donne géopolitique et n’auront pas le choix d’adopter une politique conforme à la réalité qui sera dictée sur le terrain.

La position du jihad islamique sur la réconciliation et le droit à la lutte armée est similaire à celle du Hamas: “l’adhésion à l’OLP ne signifie pas que toute organisation renonce à son programme idéologique, la plate-forme est mise pour l’instant dans un tiroir pour éviter de poser un obstacle à l’AP.” Selon les dirigeants du Jihad: “Le président Mahmoud Abbas a mis au clair que l’accent sur la résistance ne nie pas le droit du peuple palestinien à la lutte armée… Il a dit cela dans le contexte de l’évaluation de la situation… Nul n’a le droit de dire que la lutte armée est illégitime ou que les Palestiniens n’ont pas le droit de la mettre en œuvre.”

L’Autorité palestinienne adopte la stratégie de la confrontation

L’Autorité palestinienne ne croit plus en la possibilité d’un processus politique dans les circonstances actuelles. C’est pourquoi elle définit des conditions préalables pour tout  dialogue avec Israël, en particulier l’arrêt de la colonisation et la négociation sur la base des lignes de 1967. Les contacts à Amman qui ont débuté le 3 janvier dernier à l’invitation du roi  hachémite, sont également perçus par la direction palestinienne comme n’ayant aucune chance réelle de remettre le processus de paix sur les rails.

Le président de l’AP a accepté la participation palestinienne dans les pourparlers en Jordanie, mais se garde toutes les options possibles dont le droit à “la lutte armée”.

 L’AP utilise le terme ” actions pacifiques” pour décrire entre autres les actions  contre la barrière de sécurité et les jets de pierres contre les forces de sécurité israéliennes. Abbas a répété souvent que l’absence de progrès politique avant la fin du mois de janvier prochain permettrait d’adopter “toutes les options”, ajoutant que “il n’y aura pas une troisième Intifada”. Rappelons qu’Abbas avait critiqué le terrorisme employé par l’AP lors de la seconde Intifada, et il semble, du moins à ce stade, à ne pas relancer une nouvelle révolte populaire similaire à celle de septembre 2000.

 

Le Hamas désespéré de gagner une reconnaissance occidentale, joue la flexibilité tactique temporaire, obligeant ainsi Abbas de mettre en œuvre la réforme de l’OLP et de tenir les élections présidentielles et législatives en Cisjordanie et à Gaza. Hamas estime qu’il gagnera ces élections, et qu’une fois que la majorité soit acquise au sein de l’AP et les institutions de l’OLP, il serait reconnu internationalement et remplacera le Fatah en représentant exclusivement le peuple palestinien aussi bien en Palestine qu’en diaspora.

 

Quant à Mahmoud Abbas, il souhaite assurer sa survie politique et empêcher un soulèvement populaire contre l’AP. Sa coopération avec le Hamas est destinée à prouver sa loyauté aux principes nationaux fondamentaux (Moubarak était accusé de manque de loyauté) et pour fournir une sorte de police d’assurance.

 Du point de vue israélien, il est clair que l’AP se forge une alliance stratégique avec les éléments islamiques radicaux, tandis que dans le même temps l’Occident s’affaiblie. Cette instabilité encourage les Frères musulmans et pourrait assurer momentanément la présidence d’Abbas jusqu’au jour où le Hamas prendra le pouvoir de l’AP et des institutions de l’OLP. Ce scénario est grave pour Israël et entrainera sans doute une nouvelle escalade régionale.

Enfin, concernant les Palestiniens de Jordanie, représentant une grande majorité de la population, mais ne peuvent voter actuellement pour les institutions palestiniennes nationales, un changement voulu par les islamistes ouvrira les plaies historiques dans les relations jordano-palestiniennes et soulèvera la question de la légitimité du Royaume hachémite.

voir l’intégralité de l’article et les notes sur le site anglais du JCPA-CAPE.