Daesh : sa structure et ses ambitions hégémoniques

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L’Etat islamique en Irak et au Levant – Daesh –  a fait couler beaucoup d’encre. Au départ, les observateurs étaient perplexes et la qualifiaient d’organisation terroriste à l’instar d’Al-Qaïda. Ils décrivaient ses membres sous les traits de « bandits désorganisés qui se déplacent en camionnettes comme les talibans… vêtus de vieux habits ou d’uniformes noirs, portant barbes, turbans ou cagoules, et qui brandissent un drapeau noir frappé d’inscriptions en arabe ».

Certes, il est vrai qu’au départ Daesh n’était qu’une faction extrémiste marginale, mais elle est devenue au fil des ans la milice la plus puissante et la plus redoutée de la région. Elle possède des moyens financiers et des armes pour lui permettre d’atteindre ses desseins religieux et de mener une guerre ethnique en Syrie et en Irak.

En fait, Daesh est bien plus qu’une simple organisation terroriste. Daesh est un Etat terroriste parfaitement structuré avec tous les pouvoirs que cela comporte. Cet Etat repose sur le sens de l’organisation des anciens militaires du régime de Saddam Hussein et surtout sur le fanatisme religieux de son chef, le calife Abou Bakr al-Baghdadi, qui est entouré d’un Conseil de guerre, de ministres et de gouverneurs administrant chaque territoire conquis.

Depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, Daesh s’est imposé comme une milice puissante et sanguinaire. A l’été 2014, son chef a proclamé l’établissement d’un califat islamique (Al Dawla al Islamiya) pour mieux signifier que ce califat ne se limiterait pas à l’Irak et à la Syrie, mais visait aussi Israël (Palestine), la Jordanie et le Levant.

Cependant, en observant la carte de ce califat (ci-dessus), on constate que ses ambitions sont plus larges encore et vont au-delà des frontières du Proche-Orient : Daesh doit comprendre, à l’Ouest, l’Andalousie (Espagne), tous les pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest (Maghreb et Nigeria inclus). La Libye et l’Egypte, considérées comme une unité géographique (Ard Al-Kinana ) « absorberont » le Cameroun, les Etats du lac Victoria, l’Ethiopie et la Somalie.

Sur cette carte figurent bien évidemment le Hedjaz (l’Arabie saoudite, les Etats du Golfe et le Yémen) mais aussi les républiques musulmanes d’Asie centrale, dont l’Azerbaïdjan, le Pakistan et la partie sud-ouest de la Chine, celle des musulmans d’origine turque, les Ouïghours. Toujours selon cette carte, l’Etat islamique doit comprendre également l’Iran, la Turquie (Anatolie) et certaines parties d’Europe dont les Balkans. Ainsi, le califat devrait-il être plus ou moins conforme aux frontières de l’Empire ottoman avec ses territoires austro-hongrois.

Pour Daesh, le calife est le seul représentant du prophète Mahomet. Lui seul dirige le califat et détient un pouvoir absolu. Le califat est composé de différents Conseils dont les membres sont tous nommés par le calife :

– Le Conseil de guerre est dirigé par Abou Ahmad al ‘Alawani. Il comprend trois membres dont la tâche est de planifier et de superviser les commandements militaires et les opérations sur le terrain.

– Le Conseil de la Choura est dirigé par Abou Al Arkan Ameri. Composé de 9 à 11 membres, sa mission principale est de superviser les affaires de l’Etat.

– L’Autorité judiciaire est dirigée par Abou Mohammad al-Ani. Elle traite de toutes les questions judiciaires et de la diffusion des messages du calife.

– Le Conseil de Sécurité et du renseignement dirigé par Abu Bakr (alias Abou Ali), un ancien général de l’armée de Saddam Hussein, est responsable de la sécurité personnelle du calife. Il est chargé de mettre en œuvre les ordres, les campagnes, les décisions judiciaires, la collecte et la diffusion du renseignement militaire.

– Le Conseil de propagande et de l’Information, dirigé par Abou Al Athir Omrou al Abbassi, a pour porte-parole Abou Ahmad al ‘Alawani.

Après chaque conquête de territoire, la priorité de Daesh est de mener un « nettoyage ethnique » pour éliminer tous les ennemis potentiels et y faire observer une croyance religieuse totale.

Daesh met ensuite en œuvre la deuxième phase de sa conquête au pouvoir, celle de l’éducation islamique. Tous les directeurs des écoles et les enseignants ne peuvent commencer leur enseignement sans avoir participé au préalable à un séminaire où on leur précisera clairement tous les interdits. Il est absolument interdit d’enseigner l’art, la musique, l’éducation civique, la sociologie, l’histoire, le sport, la philosophie, la psychologie et l’éducation religieuse, musulmane ou chrétienne (Les études religieuses sont effectuées exclusivement dans le cadre de la madrasa – école religieuse.) En mathématiques, aucun exemple ne doit être donnée qui pourrait indiquer un certain calcul d’intérêts, et en sciences naturelles, on ne parlera ni de l’évolution de l’Homme ni de Darwin. Il est aussi interdit de parler d’État-nation, de patrie ou de chanter des hymnes nationaux.

Les dirigeants de Daesh ont réussi à effacer toute trace de la civilisation occidentale, notamment chez les milliers de volontaires étrangers et arabes qui ont rejoint leurs rangs. On estime qu’il existe actuellement plus de 12 000 combattants étrangers. Le dévouement de ces jeunes à Daesh inquiète beaucoup les Occidentaux car ils craignent, avec raison, que leur endoctrinement et leur expérience dans la manipulation des armes et des explosifs ne puissent leur servir à perpétrer des attentats en Europe et partout ailleurs.

L’Etat islamique ne semble pas être un phénomène éphémère. Ses structures sont assez solides et même si ses dirigeants actuels devaient être un jour éliminés, la procédure de succession permettrait à l’Etat de survivre, tout comme al-Qaïda a survécu à la mort d’Oussama Ben Laden.

Pour éliminer Daesh la route sera longue et plus ardue. Sans un détachement complet de la population locale avec Daesh, et sans une solution politique viable qui mettra fin aux rivalités entre sunnites et chiites en Irak et en Syrie, les chances de succès demeureront négligeables.

Jacques Neriah